Ecrit par Soubha Es-Siari |
Les créances des régies sur les communes ont atteint des seuils intolérables engouffrant les régies dans de délicates situations de trésorerie. Pour venir à bout à ce problème, l’Etat recourt au factoring. Cette opération est-elle le prélude à une appropriation des régies par l’Etat conformément au projet de loi portant création de l’Agence Nationale de Gestion Stratégique des Participations de l’Etat ? Les détails.
Comme dit l’adage, un malheur ne vient jamais seul. En plein crise sanitaire, où l’Etat a mouillé la chemise pour venir en aide à la population vulnérable et aux entreprises les plus fragiles, il est encore appelé à la rescousse. Ce n’est pas fini, le choc qui n’était pas censé durer a pris du temps pour s’estomper et la crise continue même de produire les effets négatifs.
En pleine tourmente, l’Etat est appelé à mettre la main à la poche cette fois-ci pour sauver les régies de distribution d’eau et d’électricité. Ces dernières, au fil de l’eau, ont accumulé des créances énormes sur les communes. Lesdites créances concernent aussi bien les travaux que la consommation d’eau, d’électricité et d’assainissement liquide. Leur accumulation n’est pas exempte d’impact sur la trésorerie des régies et bien entendu sur leurs plans d’investissement.
D’après une source proche du dossier, face à cette situation qui ne fait que se compliquer, le ministère de l’intérieur n’a pas cessé de demander aux communes d’honorer leurs créances et engagements pour y remédier. « Dans plusieurs cas, le ministère de l’intérieur était même obligé de ne pas viser les budgets de ces communes avant la programmation des crédits nécessaires pour le paiement de ces créances », enchaîne notre source.
En dépit des piqûres de relance incessantes, les créances sont restées valeur aujourd’hui lettres mortes et dans un contexte de crise sanitaire ne font qu’empirer la situation des régies de distribution d’eau et d’électricité qui se retrouvent face à d’énormes créances en souffrance et de sérieux problèmes de trésorerie.
Pour venir à bout à ce problème, le ministère de l’intérieur recourt à la formule du factoring. De cette manière, les régies seront amenées à contracter des emprunts d’un montant équivalent chacune au montant de sa créance auprès des organismes financiers. Et il revient à l’Etat de payer les échéances consécutives à ces emprunts pour apurer et effacer une fois pour toutes ces créances en souffrance.
Pour ce faire, les régies de distribution d’eau et d’électricité, conformément à leur texte de création, sont obligées de faire approuver cette décision par leurs conseils d’administration respectifs.
Toutefois, les questions primordiales qui se posent : quelle est la masse de l’ensemble des créances ? Quelle est leur validité ? Quelle est leur réalité ?
Et pour cause, les communes clament haut et fort la réalité de ces créances parce que malheureusement elles ne sont pas appuyées par des pièces justificatives probantes. Autrement dit, les communes remettent en cause ces créances du moins en ce qui concerne la partie afférente aux travaux.
Hormis cet aspect lié au degré de véracité des créances, les communes avancent comme alibi pour le non-paiement que les régies sont sous leur giron et du coup elles peuvent se permettre de ne pas les payer.
Toujours est-il qu’avant de demander aux communes de payer leur emprunt, il serait judicieux de procéder à des audits pour s’assurer de la fiabilité de ces créances et de leur existence. Aussi, pour être convaincu que les régies ont saturé toutes les voies de recours pour le recouvrement.
On ne peut conclure sans se demander jusqu’à quant l’Etat va-t-il jouer au sapeur-pompier pour venir en aide aux communes censées être autonomes. Il est temps que les communes prennent en charge leurs besoins, assument leurs dépenses… autrement, l’Etat va continuer à puiser dans le budget général, à s’endetter… et surtout à ne pas oser les réformes audacieuses.
Le remboursement des créances des régies sur les communes par l’Etat peut-il être considéré comme un ticket pour que l’Etat passe lesdites régies sous son giron et qu’elles soient sa propriété ? Pour ceux qui ne le savent pas, les Régies, bien qu’elles soient assujetties au contrôle financier de l’Etat, sont l’émanation et la propriété des communes.
A ce titre, il sied de rappeler que dans le projet de loi portant création de l’Agence Nationale de Gestion Stratégique des Participations de l’Etat, les régies de distribution d’eau et d’électricité figurent dans le périmètre d’action de la nouvelle agence. « Elle œuvrera à l’amélioration de la gouvernance des établissements et entreprises publics de son périmètre, en s’inspirant des meilleures pratiques internationales en la matière », apprend-on dans le projet de loi.
Nous sommes d’ailleurs médusés devant cette situation, le projet de loi ne précise pas comment l’État va-t-il s’emparer de ces entités.
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