Six mois après la mise en place de prêts garantis par la Caisse Centrale de Garantie (CCG), l’heure est à un premier bilan. Les chiffres publiés à cet effet ne permettent malheureusement pas de donner des signaux positifs sur l’amorçage de la relance.
La crise sanitaire liée à la Covid-19 a pris de court des pans entiers de l’économie. Même les pays les plus développés ont été malmenés par sa brutalité qui a mis à genoux les industries les plus lourdes. Bref sans continuer à ressasser le passé, il serait judicieux de se pencher sur les dispositifs mis en place chez nous pour y remédier et surtout leurs retombées six mois plus tard.
Force est de rappeler que suite à l’éclatement de la pandémie du coronavirus (Covid-19) et la forte perturbation ayant affecté le fonctionnement normal de l’ensemble des marchés dans leurs doubles dimensions d’offre et de demande, l’État a pris une batterie de mesures de nature à aider les entreprises à retrouver des niveaux d’activité d’avant la survenue de cette catastrophe sanitaire.
Cette stratégie interventionniste de l’État s’est déclinée selon deux axes. Au dispositif de garanties piloté par la Caisse Centrale de Garanties (CCG) pour le compte de l’Etat, Bank Al-Maghrib (BAM) a inauguré une nouvelle ère dans la conduite de la politique monétaire en phase avec la gravité de cette conjoncture inédite dans les annales économiques du pays.
Le but escompté de cette double intervention est d’une part de préserver l’intégrité du tissu productif en limitant les fermetures et les faillites d’entreprises, et d’autre part d’assurer la disponibilité des financements nécessaires à toute relance des activités productives et au retour progressif à la normale.
Quelques mois après la mise en place de ces dispositifs, l’heure est à un premier bilan. Les responsables sont appelés à procéder à une évaluation de ces mesures. Or, comme à l’accoutumée nous sommes servis de chiffres dans l’absolu dénués de tout commentaire et surtout de tous indicateurs de performance pour s’assurer que les sommes ô combien importantes ont permis d’éviter aux entreprises les plus touchées par la crise sanitaire de sombrer dans la léthargie et surtout de reprendre le rythme normal de l’activité.
Les indicateurs publiés récemment par la Caisse Centrale de Garantie font ressortir que les mécanismes « Relance TPE » et « Damane Relance » ont profité à pas moins de 15.183 entreprises, pour un total de 22,4 milliards de DH de crédits ayant bénéficié de ces garanties exceptionnelles. Il s’agit d’un montant global d’engagements s’élevant à 19,7 milliards de DH.
On apprend par ailleurs que le produit « Relance TPE », destiné à garantir les prêts des TPE réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions de DH, a bénéficié à pas moins de 10.756 entreprises, totalisant 2,4 milliards de DH de crédits consentis, pour un volume d’engagement de 2,3 milliards de DH. Pour sa part, le produit « Damane Relance », déployé en faveur des petites, moyennes et grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 10 millions de DH, a profité à 4.427 entreprises. Ce mécanisme a ainsi couvert un volume de crédits de près de 20 milliards de DH, pour des engagements de 17,4 milliards de DH.
Des chiffres importants certes, notamment dans une pareille conjoncture, mais sans plus. Le Comité de veille économique, censé nous fournir de telles informations est en mode « avion ».
Nous sommes censés au moins avoir une idée sur le nombre d’entreprises ayant formulé la demande de bénéficier de ces mécanismes ou plus précisément le taux de satisfaction voire même le taux de rejet et les motifs y afférents. Notre curiosité va même au-delà. Quel sera le sort de financement si l’entreprise ne dispose pas d’un marché ? C’est un secret de polichinelle de dire que le principal problème aujourd’hui pour un bon nombre d’entreprises est l’absence de marchés pour générer du chiffre d’affaires.
De telles considérations sont-elles prises en compte lors de l’octroi des prêts et de garanties ? Faute de quoi, les fonds avancés serviront à effacer des ardoises et non pas à se projeter dans l’avenir.
Injecter des fonds dans des entreprises défaillantes ou mourantes, en quelque sorte les maintenir sous perfusion, ne ferait qu’empêtrer leur situation économique d’abord, faire davantage de victimes et, par ricochet, impacter fortement l’économie du pays dans ses différentes facettes.
Les maintenir en vie « branchées » se traduirait purement et simplement par un impact négatif sur les agrégats macroéconomiques essentiellement dans un contexte où les ressources financières sont de plus en plus limitées. Sur un plan juridique, la responsabilité des banques serait même engagée au cas où les entreprises de plus en plus endettées agonisent.
Sur un autre registre, bien que l’État soit le principal garant, en cas d’incidents sa contribution serait alimentée par l’argent du contribuable ou de l’endettement au détriment tout simplement de la croissance.
Des milliards de DH pour quels résultats ?
En l’absence d’évaluations qualitatives de l’impact de ces prêts et garanties sur les entreprises en matière d’emplois, d’investissements, d’indicateurs financiers… il serait hasardeux de crier victoire et de dire que la relance est amorcée.
Ce serait aller vite en besogne d’autant plus que les clignotants de l’économie sont dans le rouge. Que ce soit en matière de recettes fiscales (IS, IR, TVA … ), de sauvegarde d’emplois… ces indicateurs tels que communiqués par la TGR ou le HCP ne sont guère rassurants. Et même les scénarios les plus optimistes des experts ou des spécialistes n’augurent rien de bon. En scrutant le tableau de bord économique mensuel, on ne peut que assister impuissants à une conjoncture qui, au fil de l’eau, s’est fortement dégradée.
De l’avis des professionnels, en dépit du plan de relance annoncé et les lignes de crédit proposées par les banques assorties de la garantie de l’État, les faillites des entreprises sont fortement attendues au cours des prochains mois.
Pis encore, le taux de mortalité ne fera que s’aggraver si rien n’est fait. Les pronostics des spécialistes ne sont pas pour rassurer annonçant que 10.000 entreprises vont ainsi disparaître du tissu économique national. Pour Coface, les faillites devraient bondir de 33% entre 2019 et 2021.
Une chose est sûre : Face à la rareté des ressources et à une crise sanitaire qui n’a pas livré tous ses secrets, il serait judicieux voire impératif de distribuer des crédits aux entreprises en procédant à des ratings bien étudiés.
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1 comment
Madame,
Vos questions pertinentes doivent être approfondies, pour de nombreuses raisons. Ce n’est plus une affaire entre Banques et Clients, mais aussi de l’argent public. La CCG a connu de graves antécédents dans les années 80, 90 pour ne parler que des ardoises laissées par les investissements hasardeux comme le financement de la pêche hauturière… Les temps doivent changer et la reddition des comptes doit opérer à tout moment et en tout lieu.