Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Depuis sa constitution en octobre 2021, le nouvel Exécutif garde le silence sur la révision des lois régissant le Conseil de la concurrence à savoir la loi 104.12 relative aux prix et aux libertés de la concurrence et la loi 20.13 relative au Conseil de la Concurrence. Le processus de révision a-t-il été enclenché ? Pourquoi ce chantier ne figure-t-il pas parmi les priorités du gouvernement ?
Les hausses des prix des produits alimentaires et de première nécessité pèsent de plus en plus sur le pouvoir d’achat des Marocains. Certes cette hausse est principalement liée à la crise sanitaire qui a perturbé les marchés mondiaux ainsi que les chaînes logistiques, toutefois, force est de constater que sur le terrain, cette hausse touche également les produits non-impactés par ces facteurs exogènes. Cette hausse est-elle pour autant justifiée ? Certains profitent-ils de cette conjoncture pour renchérir les prix ? Que fait le gouvernement pour contrôler, suivre et réguler le marché ?
Interpellée sur cette question au Parlement, la ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a précisé que la politique des prix et de la concurrence est régie par loi 104.12 relative aux prix et aux libertés de la concurrence et la loi 20.13 relative au Conseil de la Concurrence. Des lois qui ont permis au gouvernement de plafonner durant la pandémie les prix de certains produits en l’occurrence des masques et du gel hydroalcoolique.
Une réponse qui nous laisse sur notre faim puisque la ministre ne nous apprend rien qu’on ne sache déjà. En effet, la ministre a donné plus de précisions sur la réforme en cours et ce qu’elle va apporter au marché. Rappelons que lesdites lois auxquelles fait référence la ministre et sur lesquelles le gouvernement se base pour réguler le marché sont obsolètes et font objet d’une révision dont nous ignorons toujours l’état d’avancement.
La ministre dans son intervention, par méconnaissance ou pas, n’a fait aucune référence à ce chantier stratégique confié en avril 2021 par l’ancien chef du gouvernement au secrétaire général du gouvernement et au ministre des Finances suite au rapport de la commission ad-hoc chargée de mener une enquête sur l’éventuelle entente sur les prix des hydrocarbures.
Même le Chef du gouvernement, tant attendu sur le dossier des hydrocarbures, n’a soulevé ni la question du Conseil de la concurrence ni les lois le régissant lors de son grand oral du bilan des 100 jours du gouvernement. D’ailleurs, depuis la formation de ce gouvernement (4 mois déjà) aucune mention n’a été faite sur ces réformes ce qui nous interpelle à plusieurs titres. Notons également que le Conseil de la concurrence n’a toujours pas été consulté, comme l’a souligné à plusieurs reprises dans ces sorties médiatiques le président du Conseil, pour donner son avis comme le préconise le cadre légal. Ce qui nous amène à se demander si le processus de révision est-il réellement enclenché ?
Et pourtant cela devrait figurer parmi les priorités du gouvernement vu l’enjeu de ce chantier lancé il y a plus de 10 mois par le gouvernement pour garantir aux Marocains une concurrence libre et loyale, assurer la transparence ainsi que l’équité dans les relations économiques.
D’autant plus, le dossier des hydrocarbures ne peut être rouvert sans la révision de ces deux lois comme l’avait bien souligné le président du Conseil Ahmed Rahhou. Nous avions pourtant cru que ça sera le cas pour tous les autres secteurs étant donné que ce qu’il s’applique pour un secteur s’applique pour les autres et par conséquent le Conseil de la concurrence risque d’avoir les mains liées.
Raison pour laquelle plusieurs voix s’étaient levées appelant l’accélération de cette réforme fondamentale à l’équilibre du marché et à garantir le droit des Marocains.
Le constat est tout autre puisque le Conseil a bel et bien statué sur plusieurs dossiers en donnant son avis notamment sur le secteur de l’enseignement privé, le secteur des huiles de table…, en se référant auxdites lois.
Il semble que seul le secteur des hydrocarbures est lié à cette réforme contrairement à ce que l’on croyait.
Sincèrement à qui profite ce retard ?
Voir également : [Hiwar] Conseil de la Concurrence : Ahmed Rahhou, le pédagogue ou le gendarme ?