Ecrit par Lamiae Boumahrou |
En 2019, Mohamed Benchaâboun s’engageait à mettre en place un mécanisme permettant aux entreprises de recouvrer les dettes de l’Etat et des Collectivités territoriales (CT) auprès des banques pour éviter la saisie des biens de l’Etat en cas de jugements définitifs. 2 ans plus tard, on ignore toujours le sort de cet engagement au grand dam des créanciers.
Dans sa dernière circulaire, le Wali directeur générale de la DGCT a sommé les collectivités territoriales de s’acquitter des dettes relatives aux jugements définitifs prononcés à l’encontre des CT. Un coup de rappel pour ces dernières qui ne sont pas bons élèves en matière d’exécution des jugements et arrêts définitifs. En effet, le faible taux d’exécution des arrêts et jugements définitifs prononcés contre les CT est souvent pointé du doigt par les instances, pour ne citer que la Cour des comptes.
Absence de la gestion des risques en matière du contentieux mais aussi un recours limité au règlement à l’amiable des conflits, telles sont les raisons relevées de la gestion des litiges par les magistrats de la Cour des Comptes. Conséquence, le nombre de jugements prononcés à l’encontre des collectivités territoriales ne cesse d’augmenter et les délais d’exécution des jugements prolongés au grand dam des créanciers (personnes physiques ou morales).
Des créanciers qui ont été privés du dernier recours pour forcer l’Etat et les CT à passer à la caisse, celui de la saisie des biens. Une mesure introduite par la Loi des finances 2020 et qui avait suscité un débat houleux. Le Patronat et la société civile étaient montés au créneau pour dénoncer une injustice voire un amendement anticonstitutionnel qui déséquilibre la relation de force Etat-citoyen et Etat-entreprise.
Il s’agit de l’article 9 de la LF 2020 qui donne à l’Etat et aux collectivités territoriales un délai de 4 ans pour exécuter les jugements sans possibilités de recourir à la saisie des biens de l’Etat. En d’autres termes, l’Etat et les collectivités peuvent programmer durant 4 ans le remboursement des dettes selon la disponibilité des ressources sans pénalité ni sanction.
Un amendement qui n’a pas pu passer qu’en contrepartie d’un engagement du ministre de l’Economie et des Finances de l’époque au lendemain du vote de la LF 2020 au Parlement.
La CGEM avait fini par céder après avoir arraché à Mohammed Benchaâboun l’engagement de mettre en place un mécanisme permettant aux entreprises d’escompter leur dette auprès des banques comme c’était le cas pour les dettes afférentes à la TVA de l’Etat. Elles ne seraient donc pas soumises au délai de 4 ans imposé par l’article 9.
Plus de 2 ans plus tard, force est de se demander où en est l’activation de ce mécanisme ?
Une question légitime surtout dans le contexte actuel où les entreprises notamment les PME et les TPE sont étranglées par la crise qui persiste. Malheureusement, Mohammed Benchaâboun a quitté le navire avant d’honorer son engagement. Lequel devait faire l’objet d’un amendement des marchés publics visant introduction de ce mécanisme. Or à ce jour, rien n’a été fait. Le projet de décret qui devait détailler la procédure n’a toujours pas vu le jour.
Benchâboun a-t-il tendu un appât au Patronat pour calmer les esprits, surmonter le blocage et faire passer la Loi des finances 2020 ou avait-il réellement l’intention de trouver une solution pour éviter de pénaliser les créanciers tout en préservant les biens de l’Etat ? Pourquoi la CGEM qui s’opposait fermement à cet amendement n’est-elle plus revenue à la charge ?
N’étant plus aux commandes du ministère des Finances, M. Benchaâboun n’est plus dans l’obligation de rendre des comptes. La question désormais est de savoir si la nouvelle ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, prendra-t-elle en compte l’engagement de son prédécesseur ?
Jusqu’à présent, aucune des personnes que nous avons contactées (proches du dossier) ne semble connaître le sort de cet engagement ni l’état d’avancement du processus de révision du décret des marchés publics. Et pourtant, les négociations entre le ministère des Finances et le GPBM avaient bel et bien démarré.
Aujourd’hui, dans une conjoncture de plus en plus difficile, l’article 9 de la LF 2020 risque de pénaliser davantage les entreprises notamment les PME et TPE qui se retrouvent en position de faiblesse face à un Etat qui protège ses intérêts au détriment de ceux des autres. A cela s’ajoute, le manque d’efficience de ceux qui nous gouvernent à tenir leurs promesses et engagements !