Les marchés boursiers étaient orphelins de Wall Street hier, en pause pour un jour férié. Cela ne les a pas empêchés de se remettre dans le sens de la marche, à l’image du CAC40 et du DAX, à créditer de gains proches de 0,5%.
La journée était aussi fériée au Royaume-Uni, ce qui explique la faiblesse de la couverture des marchés actions par les agences de presse anglo-saxonnes et le faible nombre de commentaires de professionnels de la finance qui ont circulé. Les choses sérieuses reprennent aujourd’hui, avec une actualité macroéconomique assez dense en attendant les deux événements majeurs de la semaine, l’inflation en zone euro en mai (avec en pré-indicateur l’estimation allemande qui sera disponible dès demain) et l’inflation PCE d’avril aux Etats-Unis, pour laquelle il faudra attendre vendredi.
Avant de prendre la température de la séance du jour, je vais devoir faire un point de règlement pour expliquer le gros sujet du jour sans trop vous saouler avec des considérations techniques. Wall Street va passer des transactions en T+2 à des transactions en T+1. Ecrit comme ça, ça a l’air aussi passionnant que de regarder de l’herbe pousser. Pourtant, c’est un changement important qui a forcé les institutions financières à consacrer des moyens additionnels, en investissement et en personnel, pour s’assurer que le mouvement aura lieu en douceur. Normalement, tout devrait bien se passer. Mais de quoi parle-t-on au juste ?
A compter d’aujourd’hui aux Etats-Unis, les transactions sur certains actifs financiers comme les actions et les ETF devront être traitées en un jour ouvré (T+1), contre deux (T+2) précédemment. Les historiens des marchés financiers ont souligné dernièrement qu’il s’agit en quelque sorte d’un retour aux sources, puisque les transactions étaient réalisées en T+1 il y a un siècle aux Etats-Unis. Cela tenait au fait que les marchés étaient beaucoup plus simples à l’époque, avec une moindre liquidité et la nécessité de réaliser rapidement les transactions pour éviter les mauvaises surprises. Par la suite, la règle est passée à T+5. Puis les progrès technologiques ont permis d’atteindre T+3 en 2004, puis T+2 en 2017. 2024 marque donc le passage à T+1, même s’il y a eu débat autour de l’intérêt de passer à T+0 (ce qui est déjà le cas, par exemple, pour les cryptomonnaies puisqu’elles reposent sur la blockchain, et même depuis peu sur le marché indien). Certains actifs garderont toutefois des systèmes en T+2 ou en T+3 en raison de leur structure. Le Canada et le Mexique sont aussi passés en T+1 hier, sans manifestement qu’un cataclysme ait lieu.
Le raccourcissement du délai entre la validation de l’ordre et son règlement est censé renforcer la fluidité du marché et réduire les excès, en particulier la vente à découvert abusive, la manipulation de cours ou l’exploitation de failles. Quelques craintes ont surgi dernièrement, en mode « bug de l’an 2000 ». Parmi elles, les investisseurs internationaux pourront-ils se procurer suffisamment de dollars à temps ? Comment vont interagir des systèmes qui cohabitent avec des échéances différentes ? Quelles maladies chopperont les athlètes qui se baigneront dans la Seine pour les JO ? Comment gérer les erreurs dans un laps de temps plus court ? Le patron de la Sifma, l’organisme professionnel qui chapeaute les intermédiaires financiers américains, s’est dit confiant parce que les entreprises du secteur, je cite « veillent à ce que leurs employés ne soient pas à la plage pendant la période de transition, mais au bureau« . Donc si vous croisez un trader à la plage, morigénez-le ou noyez-le : il n’a rien à faire ici.
Voilà, ça se passe aujourd’hui. L’Europe est actuellement en T+2, mais devrait passer en T+1 d’ici 2026, quand les textes seront prêts. Un bon résumé de la situation est proposé par Paola Deantoni, qui est directrice des affaires publiques de Société Générale Securities Services Italie.
Parmi les autres événements notables du jour, on retrouve deux statistiques américaines qui permettront de relancer la petite machine à spéculer sur les taux de la Fed après le long weekend, en l’occurrence les prix immobilier et la confiance des consommateurs du Conference Board. Loretta Mester et Michelle Bowman, deux banquières centrales américaines affiliées à la frange conservatrice de la banque centrale américaine, n’ont pas dérogé à leurs habitudes en soumettant ce matin quelques contre-arguments à la détente ambiante.
Elles devraient être imitées, côté BCE, par la très orthodoxe Isabel Schnabel un peu plus tard. Elle viendra ajouter à la joyeuse cacophonie qui règne sur la politique monétaire européenne. L’économiste en chef de l’institution, Philip Lane, a expliqué hier qu’il voit une baisse de taux la semaine prochaine, mais que l’institution devrait conserver un biais restrictif. Alors que de son côté, François Villeroy de Galhau n’a pas écarté deux baisses de taux consécutives en juin puis en juillet. Si on mélange tout ça, on devrait quand même parvenir à une réduction de taux la semaine prochaine, ce qui pourrait aider les actions de la zone euro à retrouver de l’allant.
Les cours du pétrole se sont tendus avec le regain de tension au Proche-Orient après la mort d’un garde-frontière égyptien lors d’un affrontement avec les troupes israéliennes et l’attaque aérienne israélienne qui a tué au moins 40 Palestiniens. De surcroît, l’OPEP+ se réunit dimanche pour discuter production. (Avec Zonebourse)




