Ecrit par S. Es-Siari |
Le tourisme bat de l’aile. La lecture des perspectives économiques telles qu’elles sont élaborées par les différentes institutions reposent entre autres sur la reprise de la demande étrangère adressée au Maroc qui devrait tirer profit du raffermissement de l’activité économique mondiale. Mais la sinistre situation dans laquelle se trouve le tourisme, et la demande étrangère y afférente, ne risque-elle pas de bouleverser les modèles de prévision de ce que demain sera fait ?
Après des mois de crise sanitaire, le tourisme n’en ressort pas en grande forme. Et ce n’est pas fini. C’est d’ailleurs l’une des activités ayant le plus souffert de l’effet de cette crise inédite. Le confinement de la population et la fermeture des frontières aussi bien aux voyageurs nationaux qu’internationaux ont fortement affecté le secteur qui a été pratiquement mis à l’arrêt des mois durant.
Le choc était si violent que les arrivées de touristes sur le territoire national ont affiché une baisse drastique de 78,5%. Cette dégradation n’est pas propre au Maroc, elle est mondiale. « A travers le monde, les différentes destinations touristiques ont reçu un milliard de touristes en moins en 2020 comparativement à 2019 », alerte l’Organisation internationale du tourisme. Ce recul est de loin plus important que celui observé lors de la crise économique de 2008 où la contraction était de 4%.
La décision prise par le Maroc de fermer les frontières pour éviter la contagion de la population marocaine par le virus a eu un impact très profond sur le secteur aérien. Ce fort repli n’est pas exempt d’impact non plus sur les activités connexes du tourisme (restauration, services, hôtellerie…).
Quand le gouvernement a décidé d’ouvrir progressivement les frontières en soutenant l’emploi et les entreprises opérant dans le secteur du tourisme, les chiffres dévoilés récemment par l’Office des changes montrent que les Voyages affichent un solde excédentaire quasiment stable par rapport à fin octobre 2020 (-0,6% ou -123 MDH). Par rapport à fin octobre 2019, période avant la crise Covid19, ce solde enregistre une nette baisse de 59,6%. A fin octobre 2021, les recettes voyages se situent à 28.531 MDH contre 28.740 MDH à fin octobre 2020 et 67.024 MDH durant la même période de l’année 2019. C’est pour dire que le niveau d’avant la crise sanitaire est un objectif très lointain. Pis, 2021 risque d’être catastrophique que 2020.
Le secteur n’a pas eu le temps de sortir la tête de l’eau que la décision de fermer les frontières pour éviter la contagion de la population marocaine par le virus Omicron, est venue l’assommer.
Depuis l’annonce de cette décision par les pouvoirs publics de suspendre les vols à destination du Maroc, les opérateurs du secteur voient rouge. Ils comptaient énormément sur la saison de l’hiver pour améliorer les recettes et annihiler les pertes encaissées pendant plusieurs mois. « Aujourd’hui, les opérateurs sont en train de gérer les annulations et non pas les réservations pour cette fin d’année », annonce amèrement un agent de voyage.
La fermeture de frontières est un coup fatal pour le secteur. « La fédération nationale du tourisme prévoit la perte de 1 Md de DH pour seulement la dernière semaine du mois de décembre. Une semaine durant laquelle 100.000 touristes étrangers étaient attendus », explique-t-on auprès de la fédération. Sollicité, le ministère du tourisme n’a pas souhaité donner suite à notre requête.
Des baisses significatives seraient ainsi observées malgré les légers assouplissements annoncés ce lundi 13 décembre par le gouvernement.
La reprise escomptée serait-elle au rendez-vous ?
Pas sûr. Ces baisses si elles se poursuivent et s’accentuent, pourront battre en brèche les prévisions de croissance arrêtées dans le Budget 2022. Des pans entiers de l’économie (transport, hôtellerie, restauration…) subiraient de plein fouet les méfaits de la propagation du virus et des contingences imposées par la fermeture des frontières.
Face à cette situation, on ne peut que donner raison à ceux qui prétendent que l’économie mondiale a besoin de temps pour se remettre de la crise et recouvrer la santé économique d’avant la pandémie covid-19.
L’autre pronostic quelque peu réjouissant de la situation serait la baisse de la demande étrangère ou la demande adressée au Maroc. Dans son budget exploratoire, le HCP tablait sur un accroissement de 9,3% en 2022 après une chute de 9,2% en 2020. Cet accroissement est à prendre avec des pincettes puisque si la demande des services accuse une baisse, elle impactera sans aucun doute la demande étrangère dans sa totalité. Ce comportement vigoureux de la demande sur lequel comptent les institutions pour élaborer les scénarios de croissance du PIB risque de ne pas être à la hauteur des objectifs escomptés.
Au même titre que la demande extérieure, celle interne risque de dégringoler par manque de visibilité chez les ménages à cause du variant omicron conjugué à un taux de chômage qui reste à des niveaux élevés depuis l’apparition du Covid (licenciements massifs opérés). Les emplois perdus à cause de la crise trouvent des difficultés à se résorber.
Tout cela n’a pas empêché Roberto Carderalli, le chef de mission pour le Maroc au sein du Fonds monétaire international (FMI) de prévoir un taux de croissance de 6,3% en 2021 et 3,2% en 2022.
De deux choses l’une soit que le variant Omicron n’est pas aussi sévère qu’on le croit. Soit que la demande étrangère n’est pas aussi déterminante dans la croissance du PIB national.