Ecrit par S. Es-Siari |
Au moment où le gouvernement et Bank-Al-Maghrib rassurent sur la hausse des prix, les ménages suent sang et eau pour subvenir à leurs besoins mêmes les plus élémentaires. Sans vouloir remettre en cause, les données du HCP, l’institution de Lahlimi reste quand même questionnée sur la méthodologie adoptée.
Le spectre de l’inflation plane toujours sur les économies développées. Il est nourri par plusieurs aliments tels que l’envolée des prix des matières premières, la relance économique après la récession liée à la crise sanitaire…
Le taux d’inflation aurait ainsi atteint au cours du dernier trimestre de l’année écoulée en moyenne, 4,5% en zone euro et 6,3% aux Etats-Unis, au lieu de -0,3% et +1,2%, respectivement, à la même période un an auparavant.
Au Maroc, l’inflation s’est accélérée de 0,7% en 2020 à 1,3% sur les 11 premiers mois de 2021, tirée notamment par sa composante sous-jacente qui est passée de 0,5% à 1,5%.
Cette dernière portée par la hausse sensible des prix de certains produits alimentaires, en lien avec l’évolution de leurs cours internationaux, ressortirait à 1,7% en 2021 et à 2,7% en 2022. Selon les pronostics de BAM, l’inflation baisserait à 1,8% en 2023 avec la dissipation prévue des pressions externes.
Au-delà même de la fourchette dans laquelle évolue le taux d’inflation, ce qui taraude les esprits des analystes est la contradiction de ce taux avec les données communiquées par le HCP. A ce titre, il est impératif de rappeler que l’indicateur de l’inflation est l’indice des prix produit par le Haut-Commissariat au Plan. Cet indice s’appuie sur des enquêtes de terrain sur les prix des produits de base consommés par le citoyen marocain (18 villes marocaines ont été couvertes par ces enquêtes). 40% de ces produits sont des denrées alimentaires et les autres 60% concernent des produits liés à l’énergie et aux services de santé et de transport.
Ces enquêtes révèlent, si l’on se fie à celles du 3e trimestre 2021, que les ménages n’ont pas le moral vis-à-vis de la conjoncture économique. Certes la situation s’est améliorée après une année de sévère crise sanitaire mais ils s’inquiètent sur une dégradation du niveau de vie.
D’après la même enquête, au troisième trimestre de 2021, 59,4% des ménages déclarent une dégradation du niveau de vie au cours des 12 derniers mois, 22,7% un maintien au même niveau et 17,9% une amélioration. Le solde d’opinion sur l’évolution passée du niveau de vie est resté négatif, mais à moins 41,5 points, contre moins 50,8 points au trimestre précédent et moins 35,6 points au même trimestre de 2020 (année d’éclatement de la crise sanitaire).
Au cours des 12 prochains mois, 24,4% des ménages s’attendent à une dégradation du niveau de vie et 41,8% à un maintien au même niveau.
Au moment où le gouvernement et les institutions nationales telles que Bank-Al-Maghrib rassurent sur le niveau d’inflation et sa modération, les ménages suent sang et eau pour subvenir à leurs besoins mêmes les plus élémentaires. Ballotés par la hausse du coût de la vie, ils ne savent plus à quel Saint se vouer.
Interrogé sur l’IPC et jusqu’à quel niveau reflète-t-il le ressenti des ménages, Omar Bakkou économiste et spécialiste en politique de change répond : « L’indice des prix à la consommation mesure la variation dans le temps (d’une période à l’autre) des prix d’un panier-type fixe de produits. Cette variation des prix permet ainsi d’apprécier l’évolution du coût de ce panier et non pas celui de la vie, et ce, du fait que le coût de la vie est influencé non pas seulement par l’augmentation des prix de ce panier, mais également par son élargissement perpétuel : les dépenses minimales nécessaires pour maintenir un niveau de consommation conforme aux normes sociales augmentent perpétuellement ».
Cet élargissement du panier est ainsi lié au développement extraordinaire des habitudes de consommation, sous l’effet notamment de l’ouverture commerciale extérieure grandissante du Maroc.
Ces éléments feront ainsi que le chef de famille d’un ménage aura l’impression que son pouvoir d’achat subit une dégradation nettement plus importante que celle qui serait liée à la seule augmentation des prix ressortant de l’indice des prix à la consommation
D’autres plus sceptiques interprètent ce décalage autrement. Ils avancent que personne ne peut nier que l’enquête du HCP dégage un décalage entre le ressenti des ménages et le taux d’inflation oscillant de 1,3%. Ils appellent à plus de transparence et de clarification.
Sans vouloir remettre en cause, les données du HCP, l’institution de Lahlimi reste quand même questionnée sur la méthodologie adoptée.
Mais pas que. La réalité la peu réjouissante est que le Maroc a besoin aujourd’hui plus que jamais de données justes et cohérentes pour réussir le nouveau modèle de développement dont les jalons sont posés et pouvoir s’inscrire dans un sentier de croissance inclusive et pérenne.
Il en a besoin d’autant que la tendance assez calme de l’évolution des prix affichée depuis une décennie devrait subir une certaine rupture et le relèvement de l’économie projeté dans les présentes prévisions devrait se situer dans un contexte légèrement inflationniste.