Ecrit par S. Es-Siari |
Le Conseil des ministres tenu mardi dernier s’est voulu un moment fort pour le lancement de certains chantiers déterminants, en l’occurrence la grande réforme attendue du secteur public qui va permettre audit secteur de jouer le rôle qui est le sien dans une économie qui s’apprête à adopter son nouveau modèle de développement.
La réforme du secteur public entame un nouveau tournant avec la nomination par le Souverain de Abdellatif Zaghnoun à la tête de l’agence nationale des participations stratégiques de l’Etat. Cette nomination a été bien accueillie par la communauté des affaires consciente du rôle que pourrait jouer l’ex-directeur de la CDG (bras financier de l’Etat) pour relever les défis dans un contexte de plus en plus aléatoire où l’Etat est appelé à intervenir non seulement en tant que régulateur mais également en tant que stratège et investisseur. La réforme du secteur public est un domaine où Abdellatif Zaghnoun, de par son riche actif, peut se montrer disruptif.
A rappeler que c’est dans le discours royal du 29 juillet 2020 que le Souverain avait annoncé la réforme du secteur public pour améliorer ses performances économiques et en faire un levier de relance après le choc Covid-19. Le processus de la réforme a été amorcé par la mise dans le circuit d’adoption du projet de loi relatif à la création de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de L’État et l’insertion dans le PLF 2021 des dispositions pouvant encadrer les opérations de restructuration.
Dans ce sillage, le cadre réglementaire a été dépoussiéré avec deux principaux textes de loi notamment celui relatif à la création de l’agence nationale des participations stratégiques de l’Etat et celui portant réforme globale des EEP.
Le secteur public pèse pour 225 établissements publics et 43 administrations publiques à participation directe du Trésor. Ces organismes détiennent 492 filiales ou participations publiques indirectes (pour une population de plus d’un demi-million de fonctionnaires civils).
C’est pour dire tout l’enjeu de la réforme d’un secteur qui faut-il reconnaître souffre de plusieurs déviations au niveau des bonnes pratiques de gouvernance et des faiblesses manifestes concernant ses fonctionnements en matière de gestion
Les dysfonctionnements du secteur public découlent par ailleurs d’une forte prolifération de ses entités, d’une redondance dans les missions et les activités voire même d’un défaut de complémentarité entre les entités. Ce qui est à l’origine des contre-performances constatées tout particulièrement chez les entreprises et les établissements publics qui cherchent à assurer une rentabilité économique et en même temps répondre aux importantes exigences d’un service public de qualité.
A titre d’illustration, la duplication des missions entre les unités institutionnelles fait gonfler artificiellement les dépenses et biaise la productivité. Aussi, les transferts du budget de l’état vers ses unités ont-ils doublé en l’espace d’une décennie passant de 16,8 milliards de DH en 2011 à 33,2 milliards de DH en 2020. Mais pas que.
L’exacerbation de l’endettement met en cause la solvabilité du secteur et le rend vulnérable, l’encours des dettes de financement a culminé à 296,6 milliards de dirhams en 2020. Des indicateurs qui mettent en évidence le poids du secteur public sur le budget de l’Etat, sous pression, depuis plusieurs exercices.
C’est dire la complexité de ce chantier qui devra aboutir en autres au renforcement du cadre général de la politique de gouvernance des EEP du Royaume du Maroc, leur performance et leur transparence.
Autrement dit, ce n’est pas de la tarte que d’affronter un empire de 225 établissements publics, 43 sociétés anonymes à participation directe du Trésor et 492 filiales ou participations desdits EEP.
Cela passe par l’implémentation d’une Politique Actionnariale de l’État, pour libérer le potentiel de croissance de l’économie marocaine, promouvoir la participation du secteur privé via des partenariats public-privé et garantir la neutralité concurrentielle et des règles du jeu équitable pour les EEP et les acteurs privés, le tout au service du développement de l’économie mais surtout pour répondre aux attentes des citoyens.
Le changement, à notre sens, ne doit pas se limiter à l’assainissement, la fusion voire le reclassement des EEP. Abdellatif Zaghnoun est amené à conduire un combat culturel pour permettre à ces entités d’aller sur les brisées du secteur privé.
Le changement est une entreprise de longue haleine. Il ne se résume pas à des mesures de façade. Le rapport de la Cour des comptes émis en 2016 intitulé : « Le secteur des EEP : ancrage stratégique et gouvernance » se veut un document de référence.
Sans oublier également que le rôle que l’Etat est appelé à jouer pour placer le Maroc sur la voie de l’émergence a occupé une place de choix dans les travaux et les recommandations de la Commission spéciale sur le nouveau modèle de développement.
Quoi qu’il en soit, le sujet est vaste et nous interpelle sur plusieurs autres questions notamment le sort de la DEPP, les ressources humaines de l’agence (des cadres de la DEPP ou de nouvelles recrues ?), le contrôle de l’Agence…
A ce titre, aussi bien la réforme comptable de l’Etat que la consolidation des comptes du secteur public pourraient participer à plus de transparence, de reddition des comptes et de renforcement du contrôle.