Cela fait quelques années que le secteur touristique navigue à vue et la pandémie finira par l’achever si rien n’est fait pour redresser le gouvernail.
Depuis l’enthousiasme suscité par la Vision 2010, le secteur touristique a fait une « décennie » de traversée du désert malgré qu’il dispose d’un plan sectoriel baptisé Vision 2020. Faut croire que 2020 est un chiffre qui porte la poisse !
Et c’est ainsi que d’un secteur locomoteur de l’économie et premier pourvoyeur en devises étrangères, le tourisme passe à un secteur en détresse où les opérateurs sont devenus sceptiques quant à la pertinence des politiques publiques et des profils à la tête du ministère qui se succèdent.
C’est ainsi que depuis sa nomination en octobre dernier, Nadia Fettah Alaoui hérite d’un portefeuille ministériel au long et complexe passif historique. Il était attendu à ce qu’elle opère une rupture, par son expérience dans le secteur privé, mais autant dire que le Covid-19 vient gâter une situation déjà compliquée et annonce des perturbations et des pertes considérables dans le tourisme qui demeure l’un des principaux secteurs de notre économie.
Dans le monde, l’Organisation internationale du Tourisme prévoit une baisse de 20 % à 30 % des arrivées de touristes internationaux en 2020 par rapport à 2019. Une catastrophe annoncée si l’on sait que la crise économique mondiale de 2009 n’avait causé qu’une baisse de 4% des arrivées touristiques. Les recettes chuteront d’un tiers comparativement à 2019.
Sur le plan national, la Confédération nationale du tourisme (CNT) a évalué l’impact de la crise Covid-19 à 34,1 Mds de DH de perte en termes de chiffre d’affaires touristiques en 2020 et de 14 Mds DH de perte en termes de chiffre d’affaires pour l’hôtellerie, pour une chute globale de près de 6 millions de touristes (-98%).
Soit une perte totale de 11,6 millions de nuitées. D’ailleurs, la situation s’aggrave puisque le marché domestique reste dépendant à 70% du marché européen qui fait actuellement face à une situation sanitaire très alarmante et qui ne manquera pas d’impacter tous les pans de l’économie et se solder par une hausse des taux de chômage au sein de l’UE.
En plus d’être un secteur stratégique, le tourisme est un gros employeur et le Covid-19 suspend une épée de Damoclès au-dessus de pas moins de 500.000 emplois et 8 500 entreprises, dont des entreprises d’hébergement touristiques classées, des entreprises de restauration touristique, des agences de voyages, des sociétés de transport touristique et des sociétés de location de voitures…
Si l’Organisation mondiale du Tourisme a créé un comité de crise et a promis de dévoiler « un plan Marchal » pour limiter les dégâts de la pandémie sur le secteur, il n’en demeure pas moins qu’au niveau national des mesures d’urgence doivent être prises par la tutelle pour éviter ce crash annoncé, en plus de profiter des mesures économiques, financières et sociales édictées par le Comité de veille économique et qui seront financées par le Fonds de gestion de crise créé sur instructions royales, surtout dans un contexte marqué par de fortes pressions sur les réserves en devises.
Renouer le dialogue et la confiance avec les opérateurs en ces temps troubles est un élément clé pour œuvrer ensemble à atténuer les effets de la crise sanitaire tout en identifiant les actions de relance dès à présent pour redresser rapidement le secteur. Les opérateurs sont en attente de visibilité.
Nadia Fettah Alaoui devra également tenir compte des enseignements de cette crise, notamment réduire la dépendance aux marchés extérieurs en les diversifiant mais également en mettant en place une offre adéquate aux nationaux. Il faut également avoir toujours sous la main un plan B face à ces crises qui deviennent plus récurrentes et dont l’impact aurait pu être atténué si des projets comme la création d’un Fonds en 2005 avait abouti et la dotation du secteur de moyens de couvertures et d’assurance contre différents aléas et sauver ce qui peut encore l’être.