L’intégration du cercle des pays émergents passe inéluctablement par la transformation structurelle de l’économie. Au Maroc, cette vision ne date pas d’aujourd’hui et est exprimée au plus haut niveau de l’État.
Porté par cet objectif, le Maroc s’est engagé dans un programme de modernisation et de transformation profonde depuis la fin des années 90. En témoignent les importantes réformes institutionnelles mises en œuvre, notamment la réforme constitutionnelle de 2011, et la régionalisation avancée, ainsi que des réformes sociétales comme l’adoption du nouveau Code de la famille ou encore les progrès dans la reconnaissance de la langue et de la culture amazighes.
Le pays a en outre accéléré le rythme de l’investissement, notamment à travers des projets d’infrastructure d’envergure, et réorienté sa politique sectorielle vers le soutien de nouveaux secteurs. Sur le plan social, le pays a consenti un effort considérable dans le domaine de l’éducation, de la santé et s’est doté de politiques sociales plus ciblées.
En dépit des cela, le Maroc n’a pas pu atteindre le développement espéré. La capacité de l’économie à créer des richesses s’essouffle. Le rythme de croissance est ainsi passé de 4,8% en moyenne sur la période 2000-2009 à 3,5% sur la période 2010- 2019 et se caractérise, en plus, par un contenu faible en emplois.
L’élasticité emploi-croissance est faible au Maroc ; de 0.3 au début des années 2000, elle passe à moins de 0.2 pour la période 2007-14.
Concernant le tissu économique, les PME rencontrent des difficultés à se développer ; les petites entreprises, qui constituent 95 % du tissu productif marocain, peinent à croître et à intégrer les chaînes de valeur mondiales. La dynamique exportatrice est portée par des filières dominées par des opérateurs étrangers, avec très peu d’acteurs marocains (automobile, aéronautique, offshoring).
La faiblesse de la croissance s’explique principalement par l’insuffisance des gains de productivité, qui n’ont pas dépassé 1% au cours de la dernière décennie et par la diversification limitée des moteurs de la croissance sur le plan sectoriel et géographique. La faible hausse de la productivité est le résultat de la lenteur de la transformation structurelle ; la part du secteur manufacturier dans la valeur stagne et la baisse de la part de l’emploi agricole se fait principalement en faveur du BTP et du commerce, dont les productivités moyennes sont proches de celle de l’agriculture.
Transformation structurelle : les principales clés
Réussir la transformation de l’économie marocaine nécessite, selon les analystes du CMC, une nouvelle génération de réformes inscrites sur le long terme et portées par un soutien politique fort. Trois catégories de contraintes ressortent des analyses comme ayant un fort impact sur le développement du pays si elles étaient levées :
- Le renforcement de la compétitivité des entreprises industrielles ;
- le relèvement du niveau et de la pertinence de la formation de la population ;
- le renforcement de la cohérence des politiques publiques.
Sur le premier volet, les pouvoirs publics devraient impulser la croissance de la productivité et la diversification dans l’économie. Le cadre incitatif public est appelé à orienter les investissements privés vers les activités productives, promouvoir l’innovation et la montée en gamme de l’économie et soutenir plus fortement le développement des PME.
Le soutien à l’innovation apparaît d’autant plus important que des sources de compétitivité-prix traditionnelles se réduisent. Certains facteurs de production sont relativement chers, ce qui limite la compétitivité des entreprises marocaines et pénalise l’attractivité du pays auprès des investisseurs étrangers.
Les différentes analyses font ressortir l’importance de renforcer la logistique et le transport intérieur et de développer des zones d’activité de qualité à des prix compétitifs accessibles à toutes les entreprises. Le numérique s’impose, pour sa part, comme facteur incontournable de compétitivité, de modernisation et de développement de nouvelles activités en phase avec les transformations mondiales.
Le développement des énergies renouvelables, le solaire en tête, constitue aussi une réforme prometteuse. En plus d’offrir au Maroc une porte d’entrée vers un nouveau secteur industriel, elle pourra également contribuer à limiter un facteur de vulnérabilité extérieure en diminuant à terme la dépendance énergétique du pays.
La création d’emplois de qualité, plus productifs, plus stables, et mieux rémunérés, est une condition nécessaire pour que la croissance économique se traduise par une amélioration du bien-être des populations. Pour cela, le capital humain doit être renforcé tout comme on doit œuvrer à améliorer l’adéquation entre l’offre de formation et la demande d’emploi.
Cet objectif suppose des réformes essentielles d’éducation et d’enseignement supérieur et professionnel. En troisième lieu, des améliorations de la gouvernance sont nécessaires pour rendre l’action de l’État plus efficace et plus cohérente.
La mise en cohérence des politiques publiques permet d’accroître l’efficacité de l’action publique. Par ailleurs, des situations de rentes oligopolistiques persistent dans certains secteurs maintenues par les insuffisances de la régulation voire par la collusion public-privé.
L’instauration de règles stables et impartiales et d’une concurrence saine sont à même de sécuriser l’initiative privée et de favoriser la performance de l’économie marocaine.
Préserver les ressources naturelles et renforcer la résilience au changement climatique est enfin un impératif incontournable. La gouvernance de l’eau notamment doit impérativement intégrer pleinement sa rareté et donner la primauté à sa préservation à long terme.