Ecrit par Soubha Es-Siari |
Après une année 2022 malmenée par les séquelles de la crise sanitaire et par une crise ukrainienne qui a largement contribué au spectre de l’inflation un peu partout dans le monde, on aborde 2023 avec optimisme et surtout détermination pour boucler les chantiers en cours et entamer de nouveaux chantiers à même de mettre le Maroc sur les rails de la croissance et ce en répondant progressivement aux exigences du Nouveau modèle de développement.
Toutefois et bien que les intentions soient bonnes et que nous soyons armés de la bonne volonté, nous sommes vites rattrapés par la réalité alimentée aussi bien par les facteurs endogènes qu’exogènes qui pourraient prendre en otage la réalisation des projets notamment ceux à connotation sociale sur lesquels s’est engagé l’Etat dans le cadre de la Loi de Finances 2023. Les incertitudes liées aussi bien à la campagne agricole qu’aux mutations géopolitiques conditionnent les réalisations aussi bien économiques que sociales du Royaume en 2023.
La faiblesse des précipitations devenue structurelle au cours des dernières années pèse non seulement sur la campagne agricole mais ne manquerait pas de soulever à terme la durabilité du système agricole et ses implications sur la sécurité alimentaire si rien n’est fait contre le stress hydrique.
En effet, face à un rétrécissement des marges budgétaires, une hausse du taux d’endettement public et une politique monétaire restrictive, nous ne pouvons esquiver la question relative au financement voire au degré de réalisation desdits chantiers ô combien déterminants pour notre société.
Un Etat social : le gouvernement peut-il tenir sa promesse ?
De prime abord, il est à rappeler que le gouvernement est attendu sur la réforme du système des retraites. A noter que dans le secteur de la retraite, les principaux régimes de base connaissent une situation financière difficile marquée globalement par l’importance des dettes implicites et par l’épuisement de leurs réserves à divers horizons.
C’est pour dire que la réforme systémique de la retraite est devenue impérative. Elle devrait permettre d’instaurer une tarification équilibrée, mais également de résorber, dans des proportions importantes, les engagements passés non couverts, et partant de rétablir les équilibres financiers dans le futur.
Autre chantier important est le parachèvement de la protection sociale, ce chantier titanesque et révolutionnaire sur lequel s’est engagé le Maroc à horizon 2025.
Après le parachèvement de l’extension de l’assurance maladie obligatoire à tous les non-salariés et à leurs ayants droits, de nouvelles mesures sont instaurées dans la Loi de Finances 2023 pour couvrir les charges de souscription à la couverture maladie obligatoire pour les personnes incapables de payer les frais d’adhésion. Une enveloppe de près de 9,5 Mds de DH y sera allouée pour atteindre les objectifs fixés.
Il est par ailleurs prévu le démarrage des allocations familiales à partir du 3e trimestre 2023 dont bénéficieront environ 7 millions d’enfants en âge de scolarité et 3 millions de ménages n’ayant pas d’enfants en âge de scolarité.
Ambitionnant d’être un gouvernement de l’Etat social, l’adoption du Régime social unifié se veut aussi déterminante pour mener à bien le chantier de la protection sociale et la décompensation.
Que ce soit la décompensation ou l’élargissement du système de protection sociale pour inclure les catégories de populations les plus vulnérables, les deux projets impliquent nécessairement un ciblage des bénéficiaires pour gagner en efficacité.
L’Etat est donc appelé à réformer la Caisse de compensation dont les chiffres ont explosé au courant 2022 mettant à mal le budget de l’Etat notamment dans un contexte où le taux d’inflation a atteint des niveaux élevés. A fin novembre les émissions y afférentes ont bondi de 170%.
Le rapport de la Commission de la planification du Parlement n’a d’ailleurs pas manqué de mettre en garde contre tout ajournement de la réforme de la compensation, pour éviter de mettre en péril le soutien des classes vulnérables.
En effet, ce filet de sécurité, dans son montage actuel, souffre d’un manque d’efficience inhérent à la pléthore des organismes intervenant sous diverses tutelles et partant, d’une insuffisante intégration dans la définition des politiques sociales. L’absence de complémentarité et la multiplicité des chevauchements des compétences paralysent, de ce fait, toute tentative d’activation de synergie avec toutes les conséquences qui en découlent.
Croissance économique vs climat des affaires
En 2023, la croissance économique s’établirait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, à 3,6% avec un redressement de 11,9% de la valeur ajoutée agricole, sous l’hypothèse d’un retour à une production céréalière moyenne de 75 millions de quintaux, et un ralentissement à 2,5% du rythme des activités non agricoles. Polémiquer sur la réalisation ou pas d’un taux de croissance à 3,6% en 2023 ne sert à rien tant que le climat des affaires n’est pas aussi clair qu’on le souhaite.
Au-delà de la campagne agricole et des vents contraires qui soufflent de l’extérieur, la relance attendue après les soubresauts liés aux crises interroge sans cesse sur le climat des affaires pour drainer les investissements et tous les effets d’entraînement sur les autres pans de l’économie.
Les Orientations Royales de finalisation du projet de la nouvelle Charte de l’investissement, données à l’occasion de la séance de travail du 16 février 2022, ont été prolongées, par le Discours de Sa Majesté, au Parlement à l’occasion de l’ouverture de la session d’octobre 2022, mettant en exergue » la nécessité d’opérer un bond qualitatif en matière de promotion de l’investissement ». Il s’agit tout simplement de desserrer les contraintes qui entravent l’essor des entreprises privées.
L’objectif majeur à définir serait d’interchanger le rapport (un tiers–deux tiers) de la partition actuelle de la mobilisation de l’investissement, entre secteur privé et secteur public. Eu égard à son rôle décisif dans l’animation de la croissance et de l’emploi, le secteur privé est invité à hisser sa contribution à l’effort du développement pour atteindre la part de deux tiers du total de l’investissement à l’horizon 2035. C’est tout le mal que nous lui souhaitons.
Bien qu’elle soit cruciale, l’adoption de la charte de l’investissement à elle seule n’est pas suffisante. Des mesures politiques audacieuses doivent être prises pour mettre un terme aux situations de monopole de droit et de fait, aux situations de rente, d’oligopole (banques et assurances)… qui rongent l’économie comme une gangrène.
L’amélioration de la compétitivité passe également par la mise en œuvre des règles pour une concurrence saine et loyale entre les entreprises en vue d’encourager les investisseurs aussi bien nationaux qu’étrangers.
Et nous ne pouvons clore sans aborder l’aspect fiscal de par son rôle dans l’amélioration du climat des affaires. 2023 devrait être une année de consécration de la réforme fiscale pour une meilleure équité mais également pour une stabilité du climat des affaires avec des mesures transparentes et surtout des mesures qui ne changent pas à l’occasion de l’élaboration de chaque budget.
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