Hélas ! Encore une semaine de records : d’abord, du nombre de tests de dépistage qui ont atteint 25’162 le vendredi 09/10 et 166’299 la semaine du 05/10 au 11/10 mais aussi du nombre de contamination qui a atteint 3’445 le vendredi 09/10 et 19’132 la semaine du 05/10 au 11/10. Après que les achats et les retrouvailles de l’Aïd aient créé cette « troisième vague » de l’épidémie, la capacité de tests était devenue insuffisante au point qu’on a dû cesser les dépistages en milieu professionnel en fin de la première semaine de septembre pour ne plus tester que les cas « fortement suspects » et leurs contacts. Récemment, on a même autorisé une longue liste de Laboratoires privés à la rescousse.
La limitation de la capacité de test fait choisir les « cas les plus suspects » et a pour effet d’augmenter le taux de positivité qui, après avoir atteint un palier, recommence à croître, ce qui nous a fait différer encore une fois la publication du chapitre des prévisions à une clarification de la situation. Après avoir atteint près du quart des cas pour un peu moins d’un tiers de la population après Aïd El Adha, la contamination des Provinces à majorité rurale faiblit certes, mais lentement. Malgré cela, après n’avoir représenté que le cinquième des cas avant Aïd El Adha et être montée à la moitié des cas, la part des contaminations se maintient encore à un niveau élevé en dehors des 8 Provinces qui avaient été classées « zones rouges » le 26/07.
Toutes les données ont été quotidiennement mises à jour auprès de sites du Ministère de la Santé du Maroc[1].
TESTS DE DEPISTAGE COVID-19
Il s’agit ici de tests dits « PCR ». Le Maroc a aussi fait des tests de dépistage en entreprise pendant les dix semaines précédant le 7 septembre 2020, mais depuis cette date c’est le retour au dépistage des seuls cas « fortement suspects » et leurs contacts[2]. Dans nos rapports des dernières semaines, nous nous sommes toujours inquiétés de l’insuffisance de la capacité de tests pour pouvoir assurer les deux. Ceci dit, même la définition des cas « fortement suspects » avait changé depuis la semaine du 18/05 puisqu’on avait pu quasiment y doubler le nombre de tests hebdomadaires.
L’évolution des tests réalisés chaque semaine (bleu clair) ainsi que celle de leur total (bleu roi) sont montrées en(l’échelle du graphique de droite est logarithmique de sorte que chaque carreau représente une multiplication par dix). De début juin à début juillet, le nombre de nouveaux tests hebdomadaires se tenait entre 100 et 120’000 par semaine mais la cadence s’est accélérée depuis début août vers 150 à 160’000 par semaine en atteignant un total atteignant 2’877’502 le 11/10 (voir graphique de droite de la Figure 1) dépassant 8.1% de la population. Comme pour être déclarée rétablie, chaque personne contaminée doit présenter deux tests négatifs : le nombre de tests effectivement réalisés est donc en fait pratiquement le triple de ceux qui sont représentés.
Avec 25’162, le record du nombre de tests de dépistage quotidiens avait été atteint le vendredi 09/10 et l’hebdomadaire durant la même semaine du 28/09 au 04/10 avec 166’299.
Figure 1 Evolution réelle et simulation journalière (gauche) et hebdomadaire (droite) du nombre de tests
Face à l’explosion récente du nombre de cas la capacité de test actuelle est insuffisante (entre 23 et 24’000 quotidiens, soit 161 à 168’000 hebdomadaires).
VISION GENERALE DE LA SITUATION
Résultats des tests COVID-19
Le graphique de gauche de la Figure 2 montre l’évolution du nombre de tests et de leurs résultats alors que le graphique de droite en montre la structure. La courbe bleue, se rapportant à l’échelle de droite du graphique de droite, montre l’évolution de la part de la population marocaine testée qui dépasse 8.1% ce dimanche 11/10.
Plus on teste, plus on peut isoler de porteurs susceptibles de contaminer leurs contacts et plus on a eu de cas contaminés moins le virus pourra se propager puisque, semble-t-il, une première contamination immunise pendant au moins six mois[3] et, à date, seulement trois cas de réinfection par COVID-19 auraient été rapportés[4] depuis le début de l’épidémie. Toutefois, l’immunité grégaire ou collective[5] nécessite qu’une grande part de la population ait été immunisée, par contamination ou vaccinée, au moins 70% selon l’Institut Pasteur[6] (et nous en sommes loin).
Figure 2 Evolution du nombre de tests et de leurs résultats
Segmentation des testés positifs
Le graphique de gauche de la Figure 3 montre l’évolution historique du nombre de porteurs de COVID-19 dont les décédés, les rétablis et les actifs (en cours de soin) alors que le graphique de droite montre l’évolution de la segmentation des ces testés positifs. Dans le graphique de droite, la courbe blanche représente l’évolution du pourcentage des tests positifs (échelle de droite).
Figure 3 Evolution historique du cumul des testés positifs et de leur devenir
Le dépistage devient d’autant plus complexe que le Maroc avait déjà atteint 1’121 foyers actifs au 16 septembre[7] et ce chiffre est sans doute en forte progression compte tenu des chiffres récents et du fait que le chef du gouvernement n’en annonçait que 467 lors de séance commune des deux Chambres du Parlement mi-mai 2020.
Dans les graphiques de la Figure 3, les « trois vagues » sont parfaitement visibles sur les cas actifs représentés en couleur orange. Dans le graphique de droite, on voit bien la lenteur de la décroissance actuelle du pourcentage global des cas actifs qui s’est installée depuis mi-août et qui devrait, à terme, finir sur la courbe rouge. L’extrême lenteur de cette décroissance permet d’apprécier la longue durée qui nous sépare encore de la fin de l’épidémie.
ACTUALITE DES CHIFFRES DE LA SEMAINE MIS DANS LEUR CONTEXTE
Résumé à l’échelle Nationale
Cette semaine se sont encore produits de nouveaux records à 3’445 nouveaux cas quotidiens et 19’132 hebdomadaires.
La Figure 4 montre l’évolution hebdomadaire du nombre de personnes testées positives et, parmi celles-ci, celles qui sont décédées, rétablies ou encore actives (nouveaux cas dans le graphique de gauche et cumul dans celui de droite).
Figure 4 Evolution hebdomadaire du devenir des testés positifs de la « troisième vague » (nouveaux à gauche et cumul à droite)
Cumulant 152’404, il se confirme 16’371 nouveaux cas face aux 15’587 de la semaine précédente. Le nombre de cas actifs a encore augmenté (+275) à 22’392 augmentant encore plus la pression sur les soignants et leurs infrastructures et ce n’est, hélas, pas près de baisser.
Compte tenu de l’inégalité de répartition territoriale, les 461 cas graves de ce dimanche 11/10 continuent sans doute à saturer les ressources des villes les plus contaminées et il est à craindre maintenant que certains médecins aient déjà été mis devant le difficile choix de priorité des patients en « état grave » à mettre en soins intensifs. Même si une très large majorité des cas positifs est asymptomatique et ne nécessite qu’un isolement sans hospitalisation, même si seul cas actif sur 70 est « grave » (voir plus bas) et même si la capacité du Maroc en lits dédiés n’a jamais été saturée, les 200 réanimateurs du public ne permettraient de servir que 400 lits de réanimation, comme l’a rapporté le Dr. Jamal Eddine Kohen[8], Président de la FNAR.
Le médecin a ajouté que si l’on pouvait additionner les structures de la CNSS, les privées et les militaires, le Maroc pourrait atteindre une capacité fonctionnelle de 700 lits de réanimation. Des voix médicales compétentes, comme celle du Pr. Ahmed Rhassane El Adib[9] relèvent l’inadaptation des procédures de diagnostic, de traitement et de suivi des patients à la situation épidémiologique actuelle. Selon ce réanimateur, ces procédures sont mises en œuvre par des ressources humaines démotivées face au nombre croissant de malades et suivent des circuits de diagnostic et de traitement inappropriés et auraient pour effet une difficulté d’accès aux tests, des retards des résultats et donc du retard à débuter les traitements de référence (même pour les patients symptomatiques).
La Figure 5 montre quelques pourcentages qui méritent commentaire.
Figure 5 Evolution hebdomadaire et journalière de quelques pourcentages intéressants
Le graphique de droite de la Figure 5 montre qu’en correspondance avec la lente baisse du taux des cas actifs durant les deux dernières semaines (cercles oranges), il y a continuation de la lente croissance du pourcentage des rétablis (triangles violets). Le 3 maximums de la courbe du pourcentage des cas actifs du graphique de droite de la Figure 5 (cercles orange), auxquels correspondent les minimums pourcentages des cas rétablis confirment eux aussi l’existence des « trois vagues ».
Au stade actuel, la Figure 5 enseigne les choses suivantes :
- Abstraction faite de toutes les causes rapportées comme aggravant le risque de décès (âge, obésité, diabète, faiblesses cardiaques ou autres), les statistiques actuelles indiquent que les porteurs de COVID-19 du Maroc ont eu 1.71% de chance d’en mourir, en moyenne cumulée. Après avoir décru depuis le 12 avril, ce taux de décès cumulé de tous les testés positifs a augmenté de 1,50 le dimanche 02 août à 1,88% le dimanche 06 septembre pour amorcer une légère baisse depuis. Cette baisse de la létalité globale (même lente) est une bonne nouvelle.
- Dès lors qu’il y a suffisamment de critères pour que les protocoles hospitaliers ou les accords de test considèrent un individu comme étant « bon à tester » (pour entourage ou pour symptômes), il y a :
- environ 5.30% de chance d’être porteur de COVID-19, chiffre qui lui aussi remonte suite à la croissance du taux de positivité hebdomadaire,
- environ 0.091 % de chance d’en mourir, après avoir baissé depuis la première semaine d’avril, ce chiffre a commencé à remonter de 0.027% depuis la semaine du 20-26/07.
Dans nos rapports des deux dernières semaines, nous avions prévu l’augmentation du taux de positivité au test PCR (11.50% sur le graphique de gauche de la Figure 5) qui est dû au fait que l’on ait :
- cessé les tests en milieu professionnel3 qui produisent peu de cas positifs et retournant aux cas « fortement suspects » et leurs contacts2,
- et que, sous la contrainte du nombre de cas élevés, on en est sans doute venu à limiter le nombre de cas à tester aux plus suspects d’entre eux.
Nombre de cas graves
Le graphique de gauche de la Figure 6 montre l’évolution récente des cas actifs (échelle de droite) ainsi que celle du nombre de cas graves et des intubés (échelle de gauche) alors que le graphique de droite montre le pourcentage des cas graves parmi les actifs du jour ainsi que le pourcentage donné par le nombre de décès rapportés aux cas graves de la veille.
Figure 6 Cas graves et cas actifs à gauche – Taux de gravité parmi les actifs et décès parmi les cas graves à droite
En moyenne sur les trois derniers mois, il y aurait eu environ :
- un cas grave parmi 70 cas actifs, droite horizontale rouge sur le graphique de droite de la Figure 6 (à rapprocher du taux de létalité global annoncé plus haut à 1.71%),
- un décès le lendemain parmi les 7 cas graves d’une journée donnée, droite horizontale noire sur le graphique de droite de la Figure 6.
En partant des cas actifs prévus, ces valeurs permettent de croiser l’évolution des prévisions de décès.
Toutefois, ces comportements moyens ne doivent pas masquer des détails importants, notamment qu’on a sans doute changé quelque protocole puisque :
- Les intubations n’ont suivi ni la croissance du nombre des cas actifs, ni même celle des cas graves parmi eux (graphique de gauche de la Figure 6). Nous n’avons hélas ni information reçue, ni compétence requise pour expliquer la cause de ce moindre usage de l’intubation.
- Après avoir augmenté jusque vers la fin du mois d’Août, le pourcentage des décès par cas grave de la veille est en train de baisser ce qui est une excellente nouvelle qui contribue déjà à baisser la létalité globale citée plus haut.
Répartition à l’échelle Régionale et Provinciale
Le graphique de gauche de la Figure 7 montre la carte de répartition géographique de l’impact (cas par million d’habitants) sur les différentes Provinces et Préfectures du Maroc alors que la courbe qui y est insérés montre la forme de l’évolution du total des vas. Le graphique de droite de la Figure 7 montre, quant à lui, la carte de répartition géographique des cas hebdomadaires et totaux sur les différentes Régions du Maroc alors que l’histogramme qui y est inséré montre le classement de l’impact par Région (en nombre de cas par million d’habitants). Dans cette dernière carte, la taille des cercles augmente avec le nombre de cas.
Figure 7 Répartition Provinciale (gauche) et Régionale (droite) de l’impact et classement des cas positifs et de leur impact
Avec une moyenne nationale de 4’239 cas par million d’habitants au 11/10, la répartition territoriale de l’impact ne semble pas suivre de règle géographique évidente. L’impact varie d’un facteur 80 et on trouve au Maroc tous les cas d’impact intermédiaires entre ceux des Provinces de Oued-Ed-Dahab, Province la plus impactée avec 16’583 cas par million d’habitants, et de Chefchaouen, Province la moins impactée avec 246. Ceci est montré dans la Figure 8 qui montre le classement des impacts Provinciaux.
Figure 8 Répartition régionale et classement par impact (gauche) et classement (droite) des cas positifs au COVID-19
Le graphique de gauche de la Figure 9 montre l’évolution dans le temps des cas positifs dans les différentes Régions alors que le graphique de droite montre l’évolution du pourcentage représenté par chaque Région.
Figure 9 Evolution du nombre de cas par Région (gauche) et de celle de sa structure (droite)
Le graphique de gauche de la Figure 9 montre qu’en fait le nombre de positifs de plusieurs Régions a connu des « sauts » dus à la découverte des divers foyers épidémiques : Darâa-Tafilalet aux 20-26 avril renforcée par une multiplication par 8 depuis début août, Guelmim-Oued Noun aux 22-26 avril, Rabat-Salé-Kénitra aux 03-13 mai et 18-20 juin, Laâyoune-Sakia El Hamra les 20-26 juin, Tanger-Assila les 23-26 juin. Même si certains influencent plus significativement le taux de positivité national, le saut du nombre de contaminations le plus spectaculaire a été celui Laâyoune-Sakia El Hamra.
Il semble que les « méga-foyers » professionnels de la « deuxième vague » soient moins virulents puisque la quasi-totalité des cas des dernières semaines proviennent maintenant des contacts des contaminés et non des dépistages d’anticipation en entreprise (à moins que l’on n’ait plus les capacités de faire les deux). Nous sommes loin d’être à l’abri compte tenu de la durée d’incubation du virus et de la difficulté à identifier les personnes qui auraient été infectées par les contaminés récents. Identifier et tester les contacts de quelques dizaines de contaminés par jour est une chose alors que le faire pour plus d’un millier nécessite des ressources décuplées : il n’est pas évident que nous les ayons.
Tout indique que la célébration de l’Aïd El Adha ait accéléré le rythme de contamination
Le graphique de droite de la Figure 9 montre que depuis début mai, ce sont toujours les mêmes cinq Régions qui concentrent plus de trois-quarts des cas positifs : Casablanca-Settat, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, Fès-Meknès, Marrakech-Safi et Rabat-Salé-Kénitra. Mais cette concentration avait commencé à baisser après l’Aïd El Adha. Mais si la concentration géographique des contaminés pose des problèmes d’hospitalisation, elle se prête mieux à une l’isolation des zones contaminées alors que le Maroc à atteint 1’121 foyers depuis le 16 septembre7 alors que, mi-mai 2020, le chef du gouvernement n’en annonçait que 467 lors de séance commune des deux Chambres du Parlement.
Le pourcentage de concentration dans les cinq Régions les plus contaminées a décru car de nombreuses Régions « tranquilles » se sont « réveillées » après Aïd El Adha. La Figure 10 montre l’évolution du niveau de concentration des contaminations de 7 jours glissants dans les 5 Régions de Casablanca-Settat, Marrakech-Safi, Fès- Meknes, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma.
Figure 10 Part des cas dans les 5 Régions les plus contaminées
Malgré la transhumance pour vacances annuelles de juillet, le nombre de cas s’est concentré jusqu’à 95% atteints juste avant Aïd El Adha. Depuis lors, la concentration a baissé jusqu’à mi-septembre, à cause de la contamination des autres Régions. Depuis mi-septembre, l’effet de l’Aïd El Adha a commencé à se réduire et la concentration a de nouveau recommencé à s’estomper.
Par ailleurs, la Figure 11 montre le nombre de cas quotidiens et la part des contaminations en dehors des 8 Provinces qui avaient été classées en zone rouge le 26 juillet 2020, quelques jours avant l’Aïd El Adha (Casablanca, Fès, Marrakech, Meknes, Rabat, Tanger et Tetouan).
Figure 11 Cas quotidiens et leur part hors des 8 Provinces classées en zone rouge avant Aïd El Adha
Malgré la transhumance pour vacances annuelles de juillet, la part des contaminations hors des 8 Provinces est descendue au voisinage de 20% jusqu’à Aïd El Adha avant de monter à la moitié des contaminations journalières, au point de dépasser régulièrement le millier de cas quotidiens. Ainsi, en plus des dégâts collatéraux qu’il a créés, le classement en zone rouge à la veille de l’Aïd El Adha des 8 Provinces les plus contaminées n’aura même pas suffi à protéger les Provinces majoritairement rurales.
La Figure 12 montre l’évolution de la part des contaminations de 7 jours glissants dans les 34 Provinces majoritairement rurales[10].
Figure 12 Part des contaminations de 7 jours glissants dans les 34 Provinces les plus rurales
Ici non plus, la transhumance pour vacances annuelles de juillet n’avait pas augmenté la part d’infection dans les 34 Provinces à majorité rurale. A l’inverse, la part des contaminations dans celles-ci était même en train de descendre jusqu’autour de 8% à la veille de l’Aïd El Adha. Puis, la part de la contamination dans ces 34 Provinces rurales (représentant 29.3% de la population) est montée durant les semaines qui suivirent pour atteindre 25% début septembre après quoi, elle a commencé à décroître lentement dès que l’effet des contacts commerciaux et familiaux de l’Aïd El Adha a commencé à s’estomper.
Il s’avère donc que non seulement on aurait dû faire les choses autrement mais, surtout, qu’on aurait dû interdire la célébration de Aïd El Adha 1441, comme on a interdit la prière collective du vendredi depuis mars. Certes, l’indiscipline marocaine a un fort impact sur l’évolution de la situation autour de l’Aïd El Adha mais le gouvernement a semble-t-il complètement perdu le sens des priorités en sous-estimant le prix que paierait le pays en cédant au lobby des grands éleveurs de bétail.
ET POUR TERMINER…
Les deux médecins précédemment cités se sont d’ailleurs joints au Président de la Société Marocaine de Médecine d’Urgence, le Pr. Lahcen Belyamani, pour publier un document[11] insistant sur la nécessité du recadrage de la communication pendant cette crise sanitaire.
En plus des autres références déjà citées, nous ne saurions trop recommander la lecture du « Bilan des efforts actuels pour lutter contre la COVID-19 au Maroc« [12] rédigé par le Dr. Hafid Soualhine et le Dr. Hassan Badrane pour la « Biomatec’s COVID-19 Monitoring Task Force ».
Comment atteindre zéro infection ? – Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans les propos du Pr. Didier Raoult qui, courbe en main, a dit : « La courbe [de contamination] est une courbe en cloche… les épidémies commencent, s’accélèrent, culminent, diminuent puis disparaissent sans qu’on sache pourquoi« . Il faut interpréter ce que ceci signifie dans la bouche de quelqu’un qui a vu plus de nombreuses courbes de contamination épidémique.
« Ne pas savoir pourquoi elles disparaissent » traduit l’incompatibilité entre les théories mathématiques pour qui les « courbes en cloche » finissent en diminuant progressivement sans jamais s’annuler alors que les courbes de contamination réelles subissent bien un jour une dégringolade « chaotique » à zéro puisque les épidémies s’arrêtent dès lors que les derniers porteurs ne peuvent plus communiquer le virus à un hôte qui ne soit pas immunisé. Mais encore faut-il les conditions pour que ceci se réalise ce qui ne peut sans doute plus se faire sans immunité collective3.
L’aplatissement de la courbe de contamination ressemble de plus en plus à un rêve devenu impossible à atteindre après Aïd El Adha puisque le nombre de foyers de contamination semble désormais devenu trop diffus et trop épars pour être à la portée d’une approche sécuritaire dans un pays où l’incivisme est la règle.
Ceci étant dit, depuis notre premier rapport hebdomadaire de début avril, nous rappelons qu’« une hirondelle ne fait pas le printemps » et même les évolutions des autres pays nous enseignent que l’on peut même avoir un taux de reproduction en-dessous de l’unité tout en ayant encore des centaines ou même des milliers de nouveaux cas par jour qui pourraient faire repartir l’épidémie en cas de relâchement. Même si les taux de positivité sont sans doute suffisamment bas pour, à mon humble avis, reprendre sérieusement l’activité économique et laisser les gens retourner gagner leur vie le plus normalement possible, il est nécessaire de faire ce qu’il faut pour « vivre avec ce virus ».
Il faut aussi montrer un minimum de visibilité aux entrepreneurs pour permettre aux gens de gagner leur vie ! La vie humaine n’a certes pas de prix, mais elle a un coût dont les composantes humaines deviennent de moins en moins supportables ! Espérons aussi que toute la lumière sera faite sur les affaires de « méga-clusters » du Gharb et de Safi et que tous les responsables seront jugés et sévèrement punis au moins pour mise en danger volontaire de la vie d’autrui.
L’enquête qui été confiée à la Direction Centrale de la Gendarmerie Royale a déjà abouti à des mises en examen et il faudrait mettre les mis en cause en détention préventive ou au moins faire une saisie conservatoire de leur biens pour les empêcher de les « liquider » et se mettre préventivement en situation d’insolvabilité. Il faut aussi que les victimes et leurs familles se portent partie civiles afin d’être indemnisées au détriment des responsables.
Doit-on rappeler qu’on peut être porteur asymptomatique du COVID-19 (sans aucun symptôme) et le transmettre à toutes les personnes approchées sans précautions, or, à l’instar de beaucoup d’autres pays, le Maroc n’a aucune connaissance du nombre réel de personnes infectées.
Les bons chiffres de premières semaines n’étaient là que parce le confinement avait fortement ralenti la transmission du virus mais il semble maintenant trop tard pour en espérer autre chose qu’un ralentissement de l’épidémie pour éviter une surcharge des structures de soin et les décès additionnels qui s’ensuivraient. Les chercheurs nous répètent que la peau de ce virus est faite d’une huile qui est diluée par les savons, qu’il se transmet à la bouche, au nez et aux yeux par la salive ou les postillons qui, sans projection (toux), se projettent à moins d’un mètre tout en sachant qu’il ne dure pas plus de quelques heures sur une surface inerte.
En comprenant bien ceci, on saura ce qu’il reste à faire si l’on veut éviter de s’exposer et surtout exposer les autres au risque de contamination. Maintenant, « sortir du hammam (du confinement) n’est pas aussi simple que d’y rentrer » dit le dicton marocain et on cherche encore un moyen de nous en sortir puisque le proverbe ne dit pas que c’est impossible ! Ceci dit :
- Pourquoi n’a-t-on pas accéléré les tests quelques semaines plus tôt ?
- Pourquoi a-t-on pris une décision à fin juillet qui a précipité une partie de la population vers un risque accru d’accident sur des routes surchargées ?
- Après avoir interdit la prière collective du vendredi, pourquoi n’a-t-on pas d’interdit la célébration de l’Aïd El Adha qui comportait un double risque de création de foyers d’infection (contacts dans des marchés aux bestiaux incontrôlables suivis des regroupements familiaux élargis) ?
- Peut-on encore parler « d’exemplarité du Maroc« , eu égard aux évènements des dernières semaines, notamment les décisions maladroites du gouvernement face à une population très indisciplinée ?
Par Amin BENNOUNA, sindibad@uca.ac.ma
[1] Ministère de la Santé, Portail Officiel du Coronavirus au Maroc, Bulletins COVID quotidiens http://www.covidmaroc.ma/Pages/AccueilAR.aspx, Conférences de Presse Quotidiennes, https://web.facebook.com/ministere.sante.ma/videos/589852328286641 et Rapport quotidiens depuis l'arrêt de celles-ci http://www.covidmaroc.ma/Pages/LESINFOAR.aspx [3] Euronews, 23 Juin 2020, “L'immunité aux coronavirus humains pourrait ne durer que six mois selon une nouvelle étude”, https://fr.euronews.com/2020/05/27/l-immunite-aux-coronavirus-humains-pourrait-ne-durer-que-six-mois-selon-une-nouvelle-etude [5] Wikipédia, “Définition de l’immunité grégaire”, https://fr.wikipedia.org/wiki/Immunit%C3%A9_gr%C3%A9gaire [6] Institut Pasteur, “Qu’est-ce que l’immunité collective ?”, 15 Avril 2020, https://www.pasteur.fr/fr/espace-presse/documents-presse/qu-est-ce-que-immunite-collective [9] Ahmed Rhassane El Adib, Professeur exerçant en réanimation à Marrakech, Blog Personnel, le 3 septembre 2020, https://web.facebook.com/177204763007491/posts/692697864791509/?sfnsn=mo&extid=28N6eOW9kz7b7eTC&_rdc=1&_rdr [10] Il s'agit des 34 Provinces dont le taux d'urbanisation est inférieur à 50%. Par ordre de ruralité décroissante il s'agit de : Fahs-Anjra, Aousserd, Chefchaouen, Taounate, Tahannaout, Zagora, Chichaoua, Azilal, Moulay Yacoub, Sidi Bennour, Tinghir, Ouezzane, Essaouira, Sidi Ifni, Kelaat Sraghna, Driouch, Taroudant, Sidi Kacem, Boulemane, Al Hoceima, Benguerir, Chtouka-Aït Baha, Tata, Settat, Youssoufia, Ouarzazate, Taza, Fquih Ben Salah, Sidi Slimane, El Jadida, Midelt, Tiznit, Errachidia, Guercif [11] Kohen Jamal Eddine, Belyamani Lahcen, Ahmed Rhassane El Adib, "Crises sanitaires et stratégies de communication", Site web de la Société Marocaine d'Anesthésie, d'Anelgésie et de Réanimation (SMAAR), Septembre 2020, https://www.smar.ma/uploads/documents/CriseSanitaireStrateegiesdeCommunication.pdf [12] Hafid Soualhine, Hassan Badrane, "Bilan des efforts actuels pour lutter contre la COVID-19 au Maroc", BIOMATEC (Association des Biologistes Marocains), https://web.facebook.com/groups/521316971887826/