Ecrit par Imane Bouhrara |
Après des années de vaches maigres, les femmes sont enfin présentes dans les éléments énoncés du programme gouvernemental. Mieux, elles figurent dans l’un des dix engagements du gouvernement pour ce mandat. Faut-il pour autant crier victoire ? Pas si vite !
Les femmes pèsent pour 30 % dans le gouvernement d’Aziz Akhannouch et elles dirigent des ministères importants, d’entrée de jeu le chef de gouvernement marque une rupture dans les us politiques reléguant la femme à un rôle secondaire.
Un premier signal fort vers les femmes (qui représentent 50,3% de la population en 2020 selon le HCP) renforcé par la déclaration gouvernementale qui place l’augmentation de l’activité des femmes de 20 % à plus de 30 % comme l’un des 10 principaux engagements de ce mandat.
Le gouvernement s’engage ainsi à mettre en œuvre une politique volontariste de soutien à l’activité économique des femmes, qui consiste à financer le programme de développement de l’offre nationale de crèches et de stimuler la mobilité professionnelle, afin de servir les femmes actives ou souhaitent exercer une activité professionnelle. Il s’engage également à lutter contre la vulnérabilité des femmes.
Le chef de gouvernement aurait-il pu faire autrement ? Oui, en se lançant dans des objectifs vagues et creux comme l’ont fait ses prédécesseurs.
Mais, c’est peut-être qu’il a compris que les objectifs ambitieux de ce mandat ne sauraient se faire sans une réelle intégration de la femme, en tant qu’agent économique dans le développement du pays.
En effet, l’un des récents rapports de la Banque mondiale montre clairement le lien étroit entre l’intégrations des femmes et le développement.
Pas de croissance résiliente sans intégration des femmes dans toutes les politiques publiques
La DEPF va encore plus loin en soulignant qu’une réduction d’un quart de la différence d’activité entre les hommes et les femmes conduirait à une hausse du PIB par tête variant entre 5,7% (en appliquant des mesures liées à la réduction des inégalités de genre dans le marché du travail mais excluant les politiques de promotion de l’égalité de l’accès à l’éducation) et de 9,9% (en adoptant des mesures complètes, incluant la réduction des inégalités de genre d’accès à l’éducation, qui impactent positivement l’activité des femmes).
Une réduction complète de l’écart d’emploi entre les femmes et les hommes, en éliminant les barrières à l’activité des femmes y compris celles liées à l’éducation, induirait une hausse du PIB par habitant de 39,5%.
La progression du PIB par habitant serait de 22,8%, en procédant uniquement à l’élimination des barrières à l’activité des femmes sans prendre en compte celles empêchant un accès équitable des jeunes filles et des femmes à l’éducation.
Si le chef de gouvernement est à applaudir en approchant la problématique sous le prisme économique, il ne faut pas néanmoins être béat car la situation des femmes s’est encore détériorée avec le Covid-19.
Faisons parler les chiffres !
Le taux net de scolarisation des femmes, en 2020, est de 71,9% au préscolaire, 66,8% au secondaire collégial et 37,5% au niveau qualifiant. L’indice de parité filles/garçons s’établit à 0,96 au primaire, 0,92 au secondaire collégial et à 1,1 au secondaire qualifiant.
En 2020, la proportion des femmes adultes (âgées de 25 ans et plus) sans niveau d’instruction est estimé à 52,9%. Cette proportion est de 18,5% pour le primaire, 21% pour le collégial et le secondaire et 7,6% pour le supérieur.
La même année, la participation des femmes au marché de travail reste faible avec un taux d’activité de 19,9% contre 70,4% pour les hommes. Plus de huit femmes sur dix sont en dehors du marché de travail.
En 2020, le taux du chômage des femmes a enregistré une hausse aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain, respectivement de 2,7% à 3,9% et de 21,8% à 24,7%.
C’est peu que de dire que le gouvernement part d’une situation nettement inconfortable pour réaliser son ambitieux objectif de porter l’activité des femmes à plus de 30%.
Pas d’intégration des femmes sans politique claire et courageuse
Une radioscopie de la situation des femmes au Maroc et la fiabilité des indicateurs sont primordiaux pour permettre aux pouvoirs publics d’élaborer une politique globale de l’intégration des femmes dans toutes les politiques publiques.
Est-ce pour autant suffisant ? Non et pourtant il existe un outil formidable à actionner : la Constitution 2011. Les volets concernant l’égalité et parité, contenus dans les articles 6 et 19, sont en inertie totale depuis plus de 10 ans.
Donc l’activation des dispositions des articles 6 et 19 de la Constitution est un véritable test de la sincérité du gouvernement en matière d’amélioration de l’activité des femmes et de lutte contre la vulnérabilité.
Autrement, on n’aura (encore) que nos yeux pour pleurer comme une madeleine.