Le ciblage des petits agriculteurs est au cœur des interventions menées dans le cadre du PMV pour le développement de l’agriculture au niveau de la région. L’importance de l’intérêt accordé à cette catégorie des agriculteurs est traduite par le fait que l’ensemble des projets/interventions menés a ciblé en priorité une population de bénéficiaires constituée à 75 % de petits agriculteurs possédant moins de 5 ha. Détails avec Adil Bennour, Directeur régional de l’agriculture de Tanger-Tétouan-Al Hoceima.
EcoActu.ma : Lancé en avril 2008 par sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Plan Maroc Vert est une stratégie ambitieuse qui s’est fixée comme objectif d’ériger le secteur agricole en véritable locomotive de développement socio-économique. 11 ans après, comment la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima en a-t-elle bénéficié (production agricole, valeur ajoutée, emplois créés…) ?
Adil Bennour : Pour la mise en œuvre du Plan Maroc Vert lancé en 2008 et sa concrétisation à l’échelle des régions, des plans agricoles régionaux (PAR) ont été élaborés. Dans ce cadre, la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima a engagé un vaste chantier et a fait preuve d’une forte réactivité et dynamisme en termes de réalisation des projets de développement des filières agricoles et de mobilisation des investissements nécessaires à l’exploitation des marges de progrès par l’extériorisation des potentialités agricoles existantes et la valorisation des ressources créatrices de la richesse au niveau du milieu rural.
Après 11 années de mise en œuvre de cette stratégie, le secteur agricole au niveau de la région a enregistré de larges avancées et progrès qui lui ont permis d’accéder à un nouveau pallier salvateur de développement. Le Constat n’est pas fortuit. Durant la période 2008-2019, le déploiement du PMV a eu un impact très positif sur le secteur agricole régional. Ainsi, le chiffre d’affaires et la valeur ajoutée ont progressé avec des taux de croissance annuels moyens respectivement de 5% et 6,5%. Aussi, en matière de création d’emploi, le PMV a eu un impact très positif en générant plus de 18 000 emplois permanents.
- En matière de Développement des filières de production :
Sur le plan du développement des productions agricoles, les différentes filières agricoles ont enregistré durant la période 2008-2018 des performances très notables grâce à la mise en œuvre d’un portefeuille important de projets agricoles visant le développement de tous les maillons de la chaîne de valeur des filières allant de la production à la commercialisation. Ci-après sont illustrés, les résultats enregistrés pour certaines filières :
D’une manière synthétique, les intervenions menées pour le développement du secteur agricole au niveau de la région se présentent comme suit :
- En matière de Développement de l’Agriculture solidaire (Pilier II) :
Depuis 2008, force est de constater que le développement de l’agriculture solidaire dans les zones de montagne et défavorisées de la région revêt un intérêt particulier dans la mise en œuvre du PMV. Ainsi, 157 projets pilier II ont été lancés pour un investissement global de 2,7 Milliards de Dh au profit de 82.000 petits agriculteurs.
Ces projets solidaires ont concerné surtout le développement de l’arboriculture fruitière. La superficie plantée de 2008 à 2019 a atteint près de 85.000 Ha (85% de l’objectif global du plan Maroc Vert à l’horizon 2020).
Parallèlement à ces projets visant le développement de l’amont agricole, une attention particulière a été accordée au développement de l’aval, notamment par la promotion de la valorisation des filières. Ainsi, 29 unités de valorisations ont été mises en place et équipées, ce qui permettra une restructuration des filières permettant l’obtention de produits finis répondant aux normes de qualité requises.
Plusieurs autres projets ont été réalisés au profit des petits agriculteurs des zones de montagne, portant sur :
* La promotion et la valorisation des produits de terroir, et ce par la mise à niveau des coopératives opérant dans le secteur et la promotion de la commercialisation des produits par (i) le développement de la labellisation : Miel d’arbousier jbel Molay Abdeslam, Huile d’olive vierge extra Ouezzane, Ajbane Chefchaouen, Catus dellahia, Amandes du rif, (ii) l’agrément sanitaire de 27 unités de valorisation et (iii) l’organisation de foires et de manifestations périodiques.
En outre, la plan Maroc Vert a donné la place méritée à certains projets revêtant une importance cruciale chez les petits agriculteurs et au niveau des zones de montagne ; à l’instar de l’aménagement de la petite et moyenne hydraulique sur une superficie de 5000 Ha, et du désenclavement des zones de productions par l’aménagement de plus de 500 Km de pistes rurales.
- En matière d’aménagement hydro-agricole :
Les projets inscrits dans le cadre du Programme d’ Extension d’Irrigation associés aux barrages en cours de construction, visent la création de nouveaux périmètres d’irrigation sur une superficie de 25.500 Ha avec un investissement global de 3,7 Milliards de Dh. Il s’agit de 4 projets structurants, en cours d’achèvement au niveau de la région :
- Le projet Dar khrofa à Larache sur une superficie de 21.000 Ha avec un investissement de 2,8 Milliards Dh.
- Le projet Asjen à Ouezzane sur une superficie de 2.500 Ha avec un investissement de 560 Millions Dh.
- Le projet Dar Akobaa à Chefchaouen sur une superficie de 500 Ha avec un investissement de 60 Millions Dh.
- Le projet Mhajrate-Ajrass à Tétouan sur une superficie de 1.500 Ha avec un investissement de 250 Millions Dh.
Les projets inscrits dans le cadre du programme National de l’économie d’eau (PNEEI), visent la modernisation des réseaux collectifs d’irrigation pour la reconversion en irrigation localisée sur 23.000 ha au niveau du périmètre de grande hydraulique géré par l’Office régional de Mise en Valeur Agricole du Loukkos. Ces projets mobilisent un effort d’investissement de 770 Millions Dh. La première tanche de ce programme, déjà achevée sur une superficie de 11.000 Ha, a permis une économie d’eau allant jusqu’à 30% et un accroissement substantiel de la productivité de l’eau et des revenus des agriculteurs grâce notamment à la généralisation de l’irrigation localisée.
Parallèlement à ce chantier de modernisation des réseaux collectifs d’irrigation, le PMV a donné une forte impulsion à l’adoption de l’irrigation localisée, ce qui a porté les superficies équipées de ce système d’irrigation au niveau de la région à 30.000 Ha aujourd’hui.
- En matière de développement de l’agrégation et de l’agriculture privée productiviste (Pilier I) :
Sept projets d’agréation sont en cours de réalisation au niveau de la région pour les filières lait, viande rouge, agrumes, betterave, canne à sucre, oléagineuses, et riz. Ces projets, pilotés par des agrégateurs privés, concernent à terme 10.796 bénéficiaires avec un investissement mobilisé de 1,21 Milliard de Dirhams.
En plus des projets d’agrégation, notons que 78 projets individuels ont été mis en place depuis 2008. Ces projets concernent 2017 Ha essentiellement de maraichage et arboriculture fruitière. L’investissement total mobilisé dépasse 400 Millions Dh dont 77 Millions Dh sous forme de subvention. A noter aussi que ces projets ont permis la mise en place de 30 unités de valorisation surtout les unités de trituration et les unités frigorifiques.
Pour ce qui est du partenariat public-privé autour des terrains de l’état, 47 projets ont été mis en place sur une superficie de 4647 Ha avec un investissement de 558 MDh.
Par ailleurs, il est important de souligner que le ciblage des petits agriculteurs est au cœur des interventions menées dans le cadre du PMV pour le développement de l’agriculture au niveau de la région. L’importance de l’intérêt accordé à cette catégorie des agriculteurs est traduite par le fait que l’ensemble des projets/interventions menés a ciblé en priorité une population de bénéficiaires constituée à 75 % de petits agriculteurs possédant moins de 5 ha.
Ceci étant, il va sans dire que le bilan positif des réalisations du PMV au niveau de la région a été obtenu grâce à la stratégie adoptée et au pilotage ingénieux de Aziz Akhannouch, Ministre de l’Agriculture, de la Pêche Maritime du Développement Rural et des Eaux et Forêts, en matière d’organisation, de bonne gouvernance, avec un suivi rapproché de tous les projets.
Je ne manquerai pas de revenir sur le rôle important joué par tous les opérateurs et professionnels du secteur dans la concrétisation du Plan Maroc Vert à travers leur implication et forte adhésion à la réalisation des objectifs fixés, dans le cadre notamment, des contrat-programme filières. L’évaluation du bilan de 10 ans des réalisations du PMV à fin 2018 a constitué une étape marquante ayant traduit une appréciation très positive par les professionnels des progrès accomplis et les aspirations formulées pour la consolidation des acquis et pour l’avenir du secteur
Dans le même sillage, quelles sont les filières retenues, de par leur adaptation aux spécificités de la région, dans le Plan Agricole Régional ?
Tout d’abord, il convient de préciser que les interventions menées ont concerné sans exclusion l’ensemble des filières agricoles. Toutefois une attention particulière a été accordée aux filières prioritaires constituant les vocations à fort potentiel de développement dans les différentes zones de la région. Ainsi, le Plan Agricole Régional (PAR) constituant la déclinaison régionale du PMV s’est appuyé sur le développement de deux piliers :
- Pilier 1 : Développement d’une agriculture moderne à haute valeur ajoutée notamment dans les zones de plaine ayant concerné les principales cultures suivantes : les fruits rouges, agrumes, maraichage, lait bovin et culture sucrières ;
- Pilier II : développement de l’agriculture solidaire essentiellement dans les zones de basses collines et de montagne de la région incluant les filières de l’arboriculture fruitières (olivier, amandier, figues, cactus,..), élevage caprin, Plantes Aromatiques et Médicinales et apiculture.
En dehors de l’aspect montagneux, quelles sont les contraintes auxquelles se heurtent les agriculteurs dans la région TTA ? Et comment le PMV les a-t-il aidé à surmonter les difficultés persistantes ?
Indéniablement, en termes d’approche et des levier mis en place, le Plan Maroc Vert a apporté de nouvelles approches et une panoplie de mécanismes et de solutions structurées dont le déploiement a permis de faire face à un ensemble de contraintes qui ont par le passé freiner le développement du secteur agricole dans la Région :
- Difficulté de mobilisation des investissements pour le développement des filières agricoles ;
- Allocation peu efficiente de la ressource terre avec la dominance notamment dans les zones montagneuses essentiellement des spéculations moins rémunératrices – comme la céréaliculture –
- Organisation et intégration insuffisantes des petits agriculteurs aux marchés ;
- Faible intensité d’utilisation des facteurs de production ;
- Faible valorisation et rétention de la valeur ajoutée des productions agricoles ;
- Mobilisation insuffisante des ressources eau d’irrigation disponibles au niveau de la région.
Pour faire face à ces contraintes, la mise en œuvre du PMV au niveau de la région s’est basée sur des leviers à fort rendement socio-économique en l’occurrence :
- La mobilisation des investissements publics à travers la préparation et la réalisation d’un portefeuille important de projets ayant touché le développement des filières agricoles et la mise en place d’un ensemble de projets structurants d’aménagement hydro-agricole à même de renforcer la capacité productive du secteur ;
- Encouragement des investissements privés à travers l’octroi des subventions dans le cadre du Fonds de Développement Agricole. Et pour permettre la facilitation du traitement dans ce cadre des dossiers de demande de subvention, un réseau de 6 Guichets Uniques ont été mis en place, couvrant l’ensemble des zones de la région ;
- Facilitation de l’accès au foncier à travers les projets de Partenariat Public-Privé ;
- Promotion des projets d’agrégation associant généralement des investisseurs privés et les petits producteurs dans une relation gagnant-gagnant. Structuration des petits agriculteurs dans des groupements autonomes (coopératives, GIE,..) leur permettant de gérer collectivement les investissements mis en place et d’intégrer les marchés nationaux et internationaux ;
- L’adoption de l’approche filière qui tient compte du développement à la fois de l’amont et de l’aval des filières dans la réalisation des projets, avec un appui en terme de conseil agricole.
- Le renforcement de l’organisation des agriculteurs à travers principalement l’encouragement de l’agrégation des petits producteurs.
Le PMV a également pour ambition de générer des investissements importants. A ce titre, quels sont les investissements déployés dans la région, comment sont-ils répartis entre les trois pôles et à combien se chiffrent-ils valeur aujourd’hui ?
Les réalisations et les progrès accomplis pour le développement du secteur agricole au niveau de la région sont attribués dans une large mesure à la forte dynamique de la région sur le plan de la mobilisation des investissements qui ont totalisé 12 Milliards de dirhams dont 74 % sous forme d’investissements publics et 26 % sous forme d’investissement privé.
Il est important de noter à ce niveau que les investissements publics ont concerné essentiellement les aménagements hydro-agricoles avec 55% du montant mobilisé, suivi du développement de l’agriculture solidaire avec 31% du montant mobilisé ; les subventions octroyées dans le cadre du Fond de Développement Agricole représentent 14%.
Pour un rural de plus en plus intégré à même de réduire le taux de pauvreté et les disparités spatiales et sociales, comment se développe la synergie entre les différentes politiques ?
En relation avec cet aspect, il importe de préciser que les projets réalisés surtout pour le développement de l’agriculture solidaire dans les zones enclavées a contribué substantiellement à l’amélioration des revenus des agriculteurs et la création d’emploi dans le milieu rural.
Il n’en reste pas moins que le traitement de la problématique de la pauvreté et de la réduction des disparités territoriales et sociales dans le milieu rural nécessite le déploiement d’une véritable démarche territoriale et intégrée, assurant la synergie et la complémentarité des interventions des différents secteurs.
A ce titre, et en application des Hautes Instructions Royales contenues dans le Discours du Trône du 30 Juillet 2015, nous intervenons depuis 2017 en synergie et en complémentarité avec les autres départements dans la mise en œuvre du programme de réduction des disparités sociales et territoriales (PRDTS), qui est un programme important, qui vise à l’horizon 2023, la réduction des disparités territoriales et sociales en milieu rural de la Région
Aujourd’hui, quel rang occupe l’agriculture dans la région ?
Grâce au PMV, l’agriculture joue aujourd’hui un rôle socio-économique de plus en plus important dans l’économie de la région. La forte dynamique que connait ce secteur en termes d’augmentation, de valorisation et de diversification de l’offre agricole a permis à une large frange de la population rurale de la région d’améliorer ses revenus et contribuer à l’amélioration de ses conditions de vie.
Quid des perspectives de développement du secteur agricole au niveau de la région ?
Sans aucun doute, au regard de l’importance du bilan des réalisations et des progrès accomplis dans le cadre de la mise en œuvre du PMV au niveau de la région, nous ne pouvons aujourd’hui qu’entrevoir des perspectives prometteuses de développement de ce secteur, sur fond de capitalisation et de pérennisation des acquis, selon une nouvelle stratégie globale, repensée et bien ciblée.
Cette nouvelle stratégie qui constituera une poursuite du Plan Maroc Vert, voulu être globale et ambitieuse pour le développement du secteur, sera mise en œuvre, il faut bien le rappeler, en application des Hautes Instructions de Sa Majesté Le Roi que Dieu L’assiste, lors de l’audience accordée le 19 Octobre 2018 à Aziz Akhannouch, Ministre de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, traçant les dimensions et la portée de déploiement d’une stratégie à part entière pour un monde rural marqué par la création de nouvelles activités génératrices d’emplois et de revenus, essentiellement en faveur des jeunes, à travers :
- L’élargissement du champ de l’investissement agricole à toutes les catégories, tout en favorisant l’émergence d’une classe moyenne agricole et en rendant plus accessible le foncier agricole à l’investissement productif par la mise à disposition progressive, au profit des ayants-droit, d’un million d’hectares supplémentaires de terres collectives ;
- Intégration des questions de l’emploi et de la réduction des inégalités et de lutte contre la pauvreté et l’exode rural au cœur des priorités de la stratégie de développement agricole, le développement des nouvelles technologies et du numérique pour aspirer à un nouveau palier de développement.
- Dans le cadre des perspectives de développement agricole à l’échelle de la Région de Tanger Tétouan Al Hoceima, la région est appelée à capitaliser sur les acquis et à assurer la pérennisation des projets mis en place. Aussi, elle gagnerait à se projeter dans la production de niche en exploitant ses atouts (fruits rouges, produits de terroirs, pomme de terre, arachides, huile d’olive, etc).