Le paysage audiovisuel au Maroc se démarque par la présence de deux opérateurs nationaux : SNRT et SOREAD. Abandonnés par le public, non très convoités par conséquence par les annonceurs, ces opérateurs survivent aux frais du contribuable.
Le Marocain au cœur de la programmation
Le confinement associé au couvre-feu nocturne imposé par la pandémie du Covid-19, en plein mois de Ramadan, met le moral des Marocains dans les chaussettes. Nos deux chaînes de télévision doivent doubler d’efforts pour présenter un plateau garni d’émissions de bon goût.
Elles sont tenues, pour remonter le moral des Marocains, d’amuser la galerie et de rompre avec leur programmation d’autrefois qui amusait le tapis. Pour y parvenir, les deux chaînes qui trônent sur le paysage audiovisuel marocain doivent faire rigoler les Marocains et non pas creuser des rigoles pour y faire écouler l’argent du contribuable. Elles disposent d’une occasion en or pour se réconcilier avec le public marocain.
Loin d’être in médias res, ce public s’est déconnecté des chaînes nationales et conquis par des bouquets de chaînes étrangères. Le mois de Ramadan constitue donc pour les deux chaînes le prime time de l’année. Le moment est donc propice pour envoûter les Marocains et les sceller aux chaînes nationales.
L’évaluation objective en continue
Et pour commencer, il est temps d’ordonner des enquêtes objectives pour étudier la satisfaction du public afin de procéder aux réglages nécessaires. Dans cet ordre d’idées, le médiateur de la SNRT doit se défaire de la politique de l’autruche. En effet, dans son rapport d’activité, cette instance précise que : « Contrairement à ce que les médias rapportent, que d’éloges pour la programmation de la chaîne au mois de ramadan… ». La mesure est comble. Comment une telle entité renie une vérité de la palisse et balaie du revers de la main les propos des médias qui ne font que répandre les échos sans fin de la population.
Le client est roi
Les Marocains sont en droit d’exiger un produit audiovisuel de qualité qui s’éloigne de l’idiotie, qui s’abstient de répandre l’ineptie et qui ne soit pas le théâtre de l’ânerie. Et pour cause le paysage audiovisuel se finance principalement du Budget de l’Etat et, donc de l’argent du contribuable, d’une taxe qui enflamme les factures d’électricité de bon nombre de Marocains et de ressources provenant du Fonds pour la promotion du paysage audiovisuel et des annonces et de l’édition publique.
Ainsi entre 2015 et 2018, la SNRT a bénéficié de subventions d’un montant de l’ordre de 4,58 Mds de DH alors que Soread 2M a bénéficié de 265,10 MDH. En outre, le fonds de soutien a alimenté les caisses de la SNRT, au titre de la même période, pour un montant de 495 MDH.
Les lois de finances de 2019 et 2020 prévoient une alimentation dudit fonds de soutien de 370 MDH par exercice. Le modèle d’exploitation de Soread rend cette dernière moins dépendante du concours financier de l’Etat bien qu’elle passe par des phases de dangereuses turbulences. La SNRT semble plus tributaire de l’apport financier de l’Etat. En effet, au titre de l’exercice 2018, les subventions allouées à cette société ont été de l’ordre de 1.311,10 MDH contre seulement des recettes propres ne dépassant pas 203 MDH.
La dépendance de la SNRT vis-à-vis des subventions de l’Etat a été pointée du doigt par le rapport de la Cour des comptes. L’équipe commerciale de la SNRT n’arrive pas à réaliser un taux de remplissage des écrans à même de lui assurer une autonomie financière.
En effet, ce taux n’a pas dépassé 20% en 2017 alors que le volume publicitaire disponible non vendu était d’environ 80%. Pis encore, les recettes publicitaires enchaînent une tendance baissière. En effet, le chiffre d’affaires de la SNRT est passé de 874,44 MDH en 2012 à 582 MDH en 2018, soit un taux de croissance annuel moyen négatif de 5,62%.
PUB contre audience
Au fil du temps, les marketeurs ont réalisé qu’organiser des campagnes publicitaires sur nos chaînes nationales, équivaut pour eux à quelqu’un qui fait l’œil à une fille dans le noir. Il sait ce qu’il fait mais personne d’autre ne le sait. Les entreprises réalisent parfaitement que le seul patron c’est le client. Il peut licencier tout le monde du directeur au simple employé en faisant une chose simple : aller dépenser son argent ailleurs. Seulement en aucun moment, sauf le mois de ramadan, ce client marocain n’est coincé devant nos chaînes pour le convaincre.
Ce même client a dû déserter le paysage audiovisuel marocain parce qu’il ne s’y retrouve plus. La démocratisation permise par la technologie lui a ouvert d’autres horizons et assuré une diversité de choix à l’international.
Mais comment on en est arrivés là ? Le rapport de la Cour des comptes traite de la concentration des commandes entre les mains d’une poignée de maisons de production. Les pratiques en termes de limitation de la concurrence, le recours accru au gré à gré pour contracter, l’absence d’un système de notation claire des productions et le rallongement des délais de paiement contribuent à la destruction de la concurrence. Et détruire la concurrence, c’est tuer l’intelligence.
Le changement en permanence
Il est temps d’abandonner ces pratiques en s’ouvrant davantage à la concurrence élargie et surtout loyale. La SNRT doit s’aligner sur les recommandations de la Cour des comptes en mettant en place un système de notation des productions basé sur une batterie de critères objectifs, vérifiables et contrôlables. Les pouvoirs publics quant à eux ne doivent plus continuer à financer l’absurdité de plusieurs productions et la faible performance des organes administratifs des entités constituant le paysage audiovisuel marocain.