Dans une période de tourmente et de déprime du secteur privé, l’État se doit précisément de prendre intensivement le relais en arrosant de liquidités les acteurs de son économie.
La loi de Finances 2020 est enfin publiée au Bulletin officiel et comme à l’accoutumée après l’adoption de la mouture finale du Budget, le débat est ouvert à l’appréciation. Le budget 2020 revêt un caractère exceptionnel parce qu’il intervient à un moment crucial où le Maroc souhaite mettre en place un nouveau modèle de développement pour aller de l’avant dans la réalisation de ses objectifs ô combien nombreux. Autrement dit, tout le monde s’attend à un Budget qui rompt avec la philosophie ayant guidé les précédentes lois de finances en l’occurrence l’obsession des équilibres macro-économiques. Les opérateurs économiques tout azimuts se frottent les mains, d’autant plus que son élaboration intervient après l’adoption d’une loi-cadre sur la fiscalité qui prône la justice fiscale.
Les équilibres budgétaires priment
A l’aune de cette nouvelle configuration où l’économie marocaine aborde un virage décisif, les orientations du gouvernement en matière de politique budgétaire et monétaire doivent être plus audacieuses que d’habitude. Et pourtant, la basse conjoncture dont souffre l’économie, les inégalités spatiales et sociales, les déséquilibres structurels de la balance commerciale, la dégradation de la position extérieure globale… n’ont pas incité les pouvoirs publics à revoir d’un cran leur politiques économiques et budgétaires. Ces derniers campent sur leur position et ne manquent pas d’arguties. Les mesures adoptées ou contenues dans la loi de Finances 2020 reflètent l’acharnement des pouvoirs publics à une politique d’austérité. Soit, le budget 2020 opte pour la continuité où plus précisément le maintien de la rigueur budgétaire. La question qui se pose d’emblée est : Partant de ce constat, comment le Maroc pourrait-il s’installer dans un sentier de croissance économique de 6 à 7% et répondre aux besoins socio-économiques de sa population ?
Dans une période de tourmente et de déprime du secteur privé, l’État se doit précisément de prendre intensivement le relais en arrosant de liquidités les acteurs de son économie. L’État n’est-il pas appelé à creuser quelque peu ses déficits dans le but de rétablir l’emploi, même s’il refuse catégoriquement de faire appel à la dette pour relancer l’activité économique ?
Les avis divergent
Interrogé à ce sujet, Mohamadi El Yakoubi, président de l’Organisation des comptables agréés a commenté : « C’est vrai que cette loi de finances 2020 a manqué un peu d’audace et de volontarisme et qu’elle est restée confinée au respect des équilibres budgétaires ; goulet d’étranglement bien compréhensible ». Au moment où certains se disent conscients et plus compréhensibles de la tourmente que vit le Maroc, d’autres plus audacieux estiment qu’en adoptant un profil d’une extrême prudence, le Maroc ne pourrait pas sortir des sentiers battus.
« Les mesures préconisées dans le cadre de la programmation budgétaire pour l’année à venir que ce soit au plan de l’affectation des ressources, du volume des dépenses, de l’effort d’investissement ou encore de la structure de la fiscalité relèvent en effet plus du fine-tuning que d’un véritable renouveau de la politique économique », ne cessent de clamer les conjoncturistes. Tel qu’il se profile à l’horizon 2020, le budget semble ainsi remettre au second plan les objectifs premiers assignés à la politique budgétaire que sont, fondamentalement, l’accélération de la croissance (qui continue de culminer à des niveaux en deçà des attentes, soit 3,5%), l’amélioration des revenus, la protection du pouvoir d’achat et la mise en concordance du système fiscal aux normes fixées par les partenaires commerciaux de proximité. Cette option s’avère dans le contexte actuel d’autant plus inefficiente qu’elle intervient à un moment où l’économie a grandement besoin de soutien pour conforter la reprise attendue du cycle des affaires.
IR : Pas de réaménagement en 2020
Or, si l’on s’intéresse au pouvoir d’achat, variable déterminante dans la demande intérieure, on remarque qu’elle ne revêt pas l’importance qui lui sied dans un contexte économique pareil. Un contexte où la classe moyenne n’arrive plus à joindre les deux bouts. En cause, le recours au privé pour des prestations telles que la santé, la scolarité… qui lui coûtent les yeux de la tête face à des revenus qui ne s’améliorent pas d’un iota.
L’exode des cerveaux est une traduction pure et simple des goulots d’étranglement qui rendent la vie difficile à une frange importante de la population.
A ce titre, il est crucial de rappeler que la croissance économique tirée par la demande intérieure s’est essoufflée au cours des dernières années pour moult raisons. Dans la Loi de Finances 2020, si l’on s’intéresse au pouvoir d’achat des ménages, il est encore le parent pauvre et ne semble pas inquiéter outre mesure les pouvoirs publics qui ne se sont pas souciés du réaménagement de la tranche de l’IR.
Tant que les pouvoirs publics continueront à s’obstiner à préserver les équilibres macroéconomiques faisant fi de la réalité, le Maroc ne serait pas sorti de l’auberge. Une chose est cependant sûre : pour passer d’un équilibre de faible croissance à un équilibre de croissance forte, durable et inclusive, toutes les forces vives devraient se mobiliser pour briser les handicaps qui empêchaient, jusqu’ici, le pays de se développer.
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