Ecrit par L. Boumahrou |
Se doter de l’amont est impératif pour renforcer la compétitivité du secteur textile. Les opérateurs ne cessent de réclamer l’intervention de l’Etat pour développer l’amont. Le chanvre (cannabis) et la laine, deux produits d’avenir pour l’industrie textile marocaine.
L’amont textile constitue le maillon faible voire manquant de la chaîne de production. Un frein majeur qui pénalise la compétitivité du produit marocain. Et la crise sanitaire qui sévit dans le monde depuis 2020 n’a fait que compliquer les choses. Elle a remis à l’évidence l’importance de se doter d’une filière d’amont forte en mesure de porter le secteur et lui permettre de se positionner sur l’échiquier mondial du textile.
Les opérateurs du secteur se sont heurtés à un grand problème de sourcing d’intrants textiles notamment à cause de la hausse vertigineuse des tarifs du fret maritime, des retards de livraison, des ruptures des chaînes d’approvisionnement, des pénuries de matières premières sur le marché mondial…
Une contrainte qui ne date pas d’aujourd’hui mais qui s’est accentuée avec la crise et qui est responsable, en grande partie, de la vulnérabilité du secteur du textile marocain. Les opérateurs du secteur ne cessent pourtant d’appeler au renforcement de l’amont textile qui requiert une intervention de l’Etat comme c’est le cas dans les pays où le secteur du textile est très compétitif pour ne citer que la Chine, l’Inde et la Turquie. Et pour cause, l’investissement dans l’amont textile est très capitalistique, nécessitant des financements lourds, mais aussi très énergivore.
« Pour une souveraineté industrielle, il est impératif de réintégrer les chaînes de valeur et recréer cet amont que nous avons perdu au fil des temps », a souligné la directrice de l’AMITH, Fatima-Zohra Alaoui lors de la présentation de la nouvelle vision à l’horizon 2035 du secteur.
Et d’ajouter « les amonts les plus développés dans le monde (Chine et Turquie) le sont grâce à une très forte intervention de l’Etat. Et le Maroc ne fera pas exception. On ne pourra pas développer l’amont textile si l’Etat ne soutient pas ce développement et accompagne la montée en charge des entreprises ».
Pour cela, l’AMITH appelle à la mise en place de financements à taux réduit garantis par l’Etat, des incitations fiscales claires et transparentes incluant la généralisation de la suspension de la TVA sur investissement à tous les projets d’investissement, la réduction du coût d’énergie en attendant la généralisation du recours aux énergies renouvelables…
Le Nouveau modèle de développement (NMD) a d’ailleurs préconisé le développement de l’amont textile qui « peut présenter également des opportunités de développement, avec la production de certaines catégories de tissus qui serait facilitée par une amélioration de la compétitivité-prix de l’énergie ».
Il est impératif de créer un choc de compétitivité et ce par le soutien à l’investissement dans l’amont des filières des intrants.
Rappelons que les deux principales matières utilisées dans le textile sont le coton et le polyester. Sauf que le coton est très consommateur d’eau et le polyester est issu des hydrocarbures et donc très polluant. Alors pour pallier à cela, l’AMITH préconise le recours aux matières naturelles en l’occurrence le chanvre et la laine. « Deux ressources naturelles que nous devons développer pour renforcer notre amont textile », a souligné Fatima-Zohra Alaoui.
En effet, pour le chanvre industriel, la légalisation du cannabis au Maroc constitue une opportunité énorme pour l’industrie textile. Avec la culture du cannabis, le Maroc pourra faire d’une pierre deux coups. Utiliser les graines dans le secteur pharmaceutique tandis que les fibres dans le secteur textile. A noter qu’en 1850, environ 75% du textile mondial étaient produits à base de chanvre.
« Nous aurions ainsi un produit intégré 100% marocain de la graine jusqu’au produit fini », a déclaré la directrice de l’ AMITH. Il s’agit d’une fibre textile totalement écologique dont la culture est rapide et ne nécessite pas beaucoup d’eau. C’est un double enjeu pour le Maroc notamment avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 2023 de la taxe carbone en Europe, principal marché des produits textiles marocains.
Mais qui dit développement de l’amont textile dit encouragement de la production locale. C’est une question sine qua non pour permettre à l’industrie de l’amont de faire des économies d’échelle sur le marché domestique, devenir plus compétitive et pouvoir s’exporter.
Pour ce faire, l’AMITH appelle a la mise en place d’une prime d’intégration locale pour encourager les acteurs de l’aval à se ressourcer localement ce qui réduirait le gap de productivité entre la production locale des intrants les importations.