Un très ambitieux programme électoral que celui qu’a fait miroiter le binôme Mezouar-Mekouar pour remporter la présidence de la CGEM.
Aujourd’hui, il faudra le mettre en application surtout face à la situation assez singulière que traverse le Maroc.
D’autant que les attentes des fédérations sont énormes comme elles l’ont confié à EcoActu.ma.
Mezouar a été élu à plus de 77% des votes des 6.635 exprimés, président de la CGEM, pour un mandat jusqu’au 21 mai 2021. Cela témoigne de la confiance que place en lui le patronat dans cette conjoncture difficile mais surtout augure des grands défis qui l’attendent. Pour cerner les principales attentes de ce mandat, EcoActu.ma a recueilli l’avis de certaines fédérations sur ce qu’elles attendent de Salaheddine Mezouar.
La start up au cœur des préoccupations de l’APEBI
«Lors du passage remarqué de Salaheddine Mezouar au siège de l’APEBI pendant sa campagne, le 9 mai, nous avions en effet pris acte de sa décision de faire de l’économie numérique un des fers de lance de son programme d’actions et de « l’ériger en priorité » tout en accompagnant davantage notre secteur dans son développement », explique d’emblée Saloua Kakri Belekziz, présidente de l’APEBI.
Et d’ajouter : «Son plaidoyer en faveur d’une visibilité plus importante des actions du numérique nous conforte dans notre volonté à porter tous les sujets qui gravitent autour du digital au sein de la CGEM, en accord avec les autres fédérations sectorielles ».
Une initiative qui augure, selon l’intéressée d’un ancrage plus fort de la transformation digitale comme support transversal à la modernisation du Maroc. L’APEBI et la CGEM sont désormais appelées à œuvrer ensemble à valoriser les startups, qui constituent l’avenir du pays et un de ses vecteurs de croissance au-delà de nos frontières sur l’ensemble du continent. «Notre rôle sera d’être en veille sur les leviers et doléances des start-up et d’impulser les actions de l’Agence du Digital sur ce volet », explique la présidente de l’APEBI.
Pour elle, cette orientation Open-Innovation ne saurait trouver son élan sans la mise en place du « small business act » qui permettrait aux startups de ce secteur de bénéficier d’un quota d’appels d’offres, d’une réduction considérable des délais de paiement spécifique aux startups et d’un cadre fiscal incitatif. Sur le volet Offshoring, créateur d’emploi et moteur d’investissement, la pénurie des ressources qualifiées reste un frein à sa croissance. «Anticiper l’évolution technologique en phase avec les besoins des opérateurs, former davantage d’informaticiens et instaurer plus de fluidité sont nos principaux challenges que nous ne saurons relever sans l’appui de la CGEM», conclut-elle.
Le cahier « revendicatif » de la Fifage en quelques points
Contacté par nos soins, Mounir El Bari, le président de la Fédération des Industries forestières des Arts graphiques et de l’emballage a énuméré quelques unes des nombreuses attentes du nouveau Président Mezouar. Notamment la relance de l’investissement au Maroc en redorant l’offre Maroc, ceci permettra de drainer plusieurs investisseurs étrangers et aussi Marocains. La CGEM doit militer pour que l’investisseur marocain bénéficie aussi de quelques avantages. Pour lui, il faut proposer des offres régionales intéressantes pour que les investisseurs s’intéressent à des régions enclavées, subventionner les investissements verts et travailler pour réduire le coût de l’énergie au Maroc, qui plombe les industries énergivores. Si El Bari appelle à revoir le code du Travail, il insiste sur la promotion de la RSE pour que les entreprises puissent lancer des actions intéressantes concernant les riverains et les régions enclavées. Sur le même registre, le président de la FIFAGE formule le vœu de trouver une solution afin de dépenser les revenus d’ecotaxe que les importateurs payent à l’importation. La fédération appelle, dans le cadre de la Smart City à la création d’une agence nationale de gestion des déchets solides afin de profiter du grand gisement de déchets urbains et ménagers : un grand potentiel de création de l’emploi.
Enfin, l’une des revendications de la FIFAGE est la relance de la formation métiers.
L’aéronautique, un métier mondial du Maroc
Le secteur aéronautique érigé en métier mondial du Maroc, s’est hissé en quelques années seulement en une industrie stratégique du royaume en matière de captation des investissements, de transfert d’expertise, de création d’emplois qualifiés mais surtout un secteur exportateur par excellence. Dans ce sens, il est utile de rappeler que si les échanges commerciaux se sont très bien comportés à fin avril 2018, c’est surtout sous l’auspice de l’amélioration de 10,5% (+7,4% afin avril 2018) de la valeur des expéditions des principaux secteurs manufacturiers exportateurs, hors OCP. Les ventes de l’aéronautique à l’étranger se sont appréciées de 19,4% à 4,1 milliards de DH.
Pour prendre connaissance des attentes de ce secteur stratégique de la CGEM, le président du Gimas, qui représente plus de 120 entreprises aéronautiques et membre du Conseil d’Administration de la CGEM, a précisé que le groupement a toujours œuvré en partenariat avec la CGEM et les organismes publics et privés dans la définition stratégique de l’industrie aéronautique et a fortement contribué au succès de sa mise en œuvre.
«Sans ce partenariat, sans cette approche inclusive et participative de nos partenaires, nous n’aurions pas pu consolider la base dont nous disposons aujourd’hui et qui rassure les investisseurs sur les opportunités qu’offre le Maroc dans ce secteur », souligne Karim Cheikh.
« La CGEM nous en avons toujours fait partie, donc la réponse de la CGEM à nos doléances dépend de notre capacité en tant que fédération membre à bien définir les chantiers à mener et d’être une force de propositions pour atteindre les objectifs que nous nous fixons ensemble », précise-t-il.
Pour lui « La conjoncture actuelle est à mon sens à l’heure de bâtir des acquis solides qui s’inscrivent dans la durée et qui renforcent la position de notre pays comme base crédible et compétitive pour les investisseurs nationaux et internationaux ».
Dans ce sens, le GIMAS continuera à aller dans le sens de la confiance, du partage et du partenariat durable qui a été mis en place avec la CGEM. Un partenariat capable de pérenniser l’ensemble des activités industrielles, tout en plaçant l’humain et les talents au cœur de ses préoccupations.
Ceci passe par la formation-éducation des jeunes leur assurant un emploi pérenne à travers la réforme de la formation professionnelle, l’apprentissage et la formation continue, le renforcement des liens entre les instituts de formation, universités et les secteurs industriels, l’incitation à l’entrepreneuriat et la promotion de l’innovation.
En ce qui concerne l’environnement des affaires, Karim Cheikh précise qu’il faudra continuer à œuvrer pour réussir certaines ruptures en cohérence avec les attentes des acteurs privés notamment en matière d’accès aux financements, le remboursement rapide de la TVA, la suppression de la TVA sur les équipements et investissements et le crédit impôt recherche et innovation. L’accompagnement à la performance des PME et des TPE devant être le cheval de bataille au quotidien.
«Sur les aspects réglementaires, l’administration est à l’écoute. Nous devons accélérer davantage les processus de revue du code du travail, la normalisation et la simplification des procédures administratives ….) », note-t-il.
Enfin, dans le foncier industriel, une optimisation des coûts est nécessaire pour assurer plus d’attractivité de notre pays, selon les éléments communiqués par le GIMAS. «L’heure est plus que jamais à l’efficacité, aux choix décisifs, au volontarisme et à la confiance », conclut Karim Cheikh.
La FNACAM bataille pour la suppression de la TVA sur commission
« Je connais l’homme politique mais pas suffisamment le chef d’entreprise. J’ai toutefois grand espoir qu’il sera l’homme de la situation. Son expérience d’ancien ministre et diplomate constitue à mon sens un atout certain. J’attends en fait une plus grande écoute et davantage d’implication de la CGEM dans la résolution des problèmes sectoriels comme ceux que vit notre profession », relève Khalid Aouzal, président de la Fédération nationale des agents et courtiers d’assurance au Maroc.
L’une des questions qui semble le plus déranger actuellement la profession est «La TVA payée indûment sur nos commissions constitue pour nous une véritable préoccupation, une priorité pour ainsi dire. Je projette par conséquent de le rencontrer, avec le bureau de la Fédération, incessamment car le projet de la loi de finances 2019 serait déjà en préparation », annonce le président de la FNACAM.
Aussi, l’une des doléances de la profession, est la reconsidération de la rémunération des intermédiaires d’assurances figée depuis plus de 35 ans qu’elle devra négocier cette fois-ci avec une autre fédération, la FMSAR.
Amith et le péril turc
Même les Chinois de Derb Omar à Casablanca se plaignent de la concurrence vorace du textile turc. Dans trois ou quatre ans, il n’en aura plus que pour le textile turc selon les professionnels. Cela va sans dire toutes les conséquences désastreuses pour l’industrie du textile, déjà mise à mal sous l’effet des exportations. « Pour pouvoir consommer, il faut d’abord produire », explique Mohamed Tazi, directeur général de l’Amith pour qui il est important d’appréhender les produits turcs pas uniquement sous le prisme de consommation, mais également du point de vue des industriels qui y voient une menace réelle. Il fait notamment référence à l’étude réalisée l’année dernière et qui a dévoilé la perte de 20.000 emplois par ans depuis 2010 dans le secteur. Il pointe directement les importations massives de produits turques comme principale cause des difficultés de l’industrie du textile au Maroc.
Pour Mohamed Tazi, la Turquie qui enregistre de mauvaises performances économiques cherche des relais sur d’autres marchés en dopant ses exportations notamment vers le Maroc, au détriment de la production locale. Tous les pays protègent leur tissu industriel, face à l’hégémonie turque qui cherche à s’installer. Sauf le Maroc où cette menace est accueillie à bras ouverts.
Le directeur général de l’Amith rappelle à juste titre que les attentes de l’association figurent déjà dans le programme de Salaheddine Mezouar, insistant que l’industrie marocaine qui a aujourd’hui perdu pied, a des problématiques communes. «Nous avons besoin d’une commission qui traite les problématiques transverses de l’industrie qui est devenue le parent pauvre au sein de la CGEM au profit des services, l’assurance ou encore de la finance. Il faut véritablement replacer l’industrie au cœur des priorités de la CGEM.
Le deuxième élément stratégique est la protection des industries bien bâties qui créent de l’emploi et une valeur ajoutée certaine pour l’économie nationale contre les importations massives de pays qui pratiquent du dumping ou qui ont une attitude guerrière visant clairement à nuire à ces industries.
Le troisième élément important est le financement de la PME et la TPE et qui figure dans le programme de Mezouar », relève Mohamed Tazi.
La mobilisation pour la jeunesse, un impératif
Au-delà des approches sectorielles, pour Hamid Benbrahim El Andaloussi, opérateur du secteur aéronautique et président d’honneur du Gimas, la jeunesse, sa formation et son emploi marqueront tout élan de développement du Maroc dans la conjoncture actuelle.
« Notre pays traverse une période critique en ce moment et il est capital de recréer et de relancer les conditions qui assurent la confiance, parce sans confiance rien ne se fait. La deuxième idée capitale à mon sens, c’est que le nerf de la bataille aujourd’hui pour le Maroc est l’emploi notamment des jeunes. Il faut que nous nous mobilisions tous pour donner un avenir à nos jeunes, c’est capital », martèle-t-il.
La troisième conviction de H. Benbrahim El Andaloussi est que l’entreprise aujourd’hui plus que jamais dans la conjoncture que vit le Maroc a un rôle capital à jouer en tant que créateur d’emplois, en tant que créateur de valeurs et l’un des trépieds sur lesquels repose le développement économique et social avec l’institutionnel, les régions et les entreprises, surtout dans un monde en transformation accélérée. « Si l’on ne se mobilise pas pour la jeunesse, sa formation, sa qualification et son emploi, et si on ne réhabilite pas la formation professionnelle, qui par ailleurs nécessite un big bang, on ne sera pas en mesure de répondre aux défis qui se posent au Maroc. La mobilisation pour la jeunesse, ça doit être la nouvelle frontière ou la nouvelle distinction de la manière dont se différenciera dans la conjoncture actuelle la CGEM », conclut-il.
Salaheddine Mezouar, fraîchement élu président de la CGEM a tant de signaux à saisir pour rétablir un climat de confiance et faire relancer la machine économique.