La baisse drastique des exportations automobile à fin juillet taraude les esprits soucieux du maintien des équilibres macroéconomiques. Bien qu’elle ne soit pas une surprise, ladite baisse inquiète à plus d’un titre quant à son impact sur les réserves en devises voire même sur le compte courant.
Les indicateurs publiés par l’Office des changes ont montré que l’automobile se hisse au premier rang des secteurs fortement impactés par la crise sanitaire liée à la Covid-19. Une baisse de 28,7% des exportations automobile a été affichée à fin juillet 2020, soit en valeur 13,15 Mds de DH. D’aucuns diront que cette baisse aussi importante n’est pas une surprise dans la mesure où le secteur est fortement intégré aux chaînes mondiales. Il sied de rappeler que la province de Wuhan, premier épicentre de la pandémie à l’époque, abrite tout un écosystème de l’industrie automobile et compte près de 10% du total de la capacité de production chinoise. C’est pour dire que la région est un fournisseur de premier ordre pour les constructeurs européens, américains et surtout sud-asiatiques, et avec l’entrée en vigueur du confinement dans cette région, le flux de production a pâti d’interruptions majeures. L’effet sur le Maroc n’étant pas exclu.
Cette baisse aussi importante sera-t-elle d’un grand impact sur les réserves en devises ? D’après Abdelaziz Ait Ali, senior Fellow au de Policy Center For the News South, dans une récente analyse, l’effet net de cette contraction sur l’entrée des devises ne devrait pas être aussi inquiétante. Et ce pour deux raisons : la première est liée à la forte dépendance du secteur vis-à-vis des intrants importés qui réduirait ainsi la demande du secteur en biens intermédiaires, et la deuxième ayant trait à la prépondérance du capital étranger dans le secteur, lequel capital verra ses rapatriements de bénéfices se tasser. Il ressort même que sur les 13,15 Mds de DH de contraction des recettes à l’exportation recensés sur les 5 premiers mois de l’année 2020, seuls 5,8 Mds de DH sont à retenir effectivement comme un manque à gagner net pour l’économie marocaine en matière de rentrées de devises. Le reste représente en fait des économies d’importations.
En ce qui concerne le compte courant, A. Ait Ali annonce que les données disponibles confirment que la rubrique automobile n’a cessé de prendre de l’ampleur au cours au fil des ans et pèse sur les équilibres externes. Elle représente « une fuite » de devises équivalente à 1,6% du PIB entre 2014 et 2019, et parfois même l’équivalent des entrées nettes des IDE au Maroc. A ce titre, l’auteur rappelle que pour la seule année 2019, par exemple, ces revenus ont surpassé le montant des IDE. Dès 2014, BAM avait attiré l’attention sur le poids des dividendes transférées à l’international et a appelé à une évaluation circonstanciée de l’apport des IDE, particulièrement dans le secteur automobile, au regard des facilités et des incitations mises à sa disposition.
Pour les recettes liées aux exportations évaluées à 13,9 Mds de DH, et en soustrayant les intrants importés et le retour sur investissement, le maque à gagner se situerait aux alentours de 40% du montant initial. « Au-delà du chiffrage exact de la rentabilité des investissements étrangers et le rapatriement des bénéfices, cet exercice didactique vise à éclairer une nouvelle facette de la contribution du secteur automobile à la génération de devises au titre du compte courant ». Et d’enchaîner : « Et aussi à attirer davantage l’attention sur la nécessité d’intégrer la dimension de la nationalité de l’actionnariat dans le secteur automobile pour une meilleure évaluation des effets d’entraînement effectifs du secteur sur les équilibres externes et l’activité économique de manière générale.
L’effet net de la chute des exportations du secteur sur le compte courant est donc moindre, en raison du contenu important en importations des exportations du secteur et du retour sur investissement rapatrié partiellement ou totalement.
Lire également : Secteur automobile : des vents contraires soufflent sur le Maroc