Ecrit par S. Es-Siari |
L’élaboration du PLF 2022 intervient après des élections qui ont suscité beaucoup d’espoir et dans un contexte où la crise sanitaire persiste malgré les quelques signes de reprise. Mais on risque de vite déchanter en attendant une véritable mise en œuvre des dispositions du nouveau modèle de développement.
Bien que la nouvelle équipe au pouvoir se veut rassurante et optimiste dans sa déclaration gouvernementale priorisant même la notion d’Etat social, le doute et la peur d’un retour de manivelle devraient persister dans les esprits des opérateurs économiques. Une attitude fortement compréhensible après une année et demie de traversée du désert mais également face à la persistance de l’incertitude qui fait encore planer la pandémie du Covid-19.
En effet dans le projet de Loi de Finances 2022, l’équipe de Aziz Akhannouch table sur un taux de croissance de 3,2% après une croissance estimée de 5,5% à 5,8% en 2021, un déficit budgétaire de 5,9% du PIB et ce, en se basant sur un ensemble d’hypothèses qui prennent en considération également le contexte international.
Lesdites hypothèses sont évaluées à 70 MQX pour la production céréalière, 450 dollars la tonne pour le cours du gaz. Le gouvernement prévoit entre autres la création de 250.000 postes d’emplois directs d’ici 2 ans.
Aussi, la lecture du PLF montre-elle que les secteurs sociaux (santé, éducation, protection sociale ) ont reçu leur part du gâteau, soit plus de 9 Mds de DH. Toutefois pour mener à bien ces chantiers ambitieux, les ressources de l’Etat devraient augmenter de 26,5 Mds de DH. Donc outre la véracité des hypothèses retenues, se pose la question lancinante du financement.
C’est là où le bât blesse. Parce que si la lecture du PLF 2022 nous permet de dire que le projet est audacieux, ambitieux et dans lequel le social occupe une place centrale, la question des ressources reste très vague.
Où trouver donc les 26 Mds de DH ? Dans le PLF 2022, on remarque que les entreprises seront les plus grandes contributrices en passant d’un impôt progressiste à un impôt proportionnel. Cette mesure va permettre de mobiliser le plein potentiel fiscal pour financer les politiques publiques, le développement économique, l’inclusion et la cohésion sociale.
La proportionnalité de l’impôt va permettre de limiter la fuite de l’impôt. A ce titre, il est utile de rappeler que 70% du tissu économique ne paient pas l’IS.
D’où l’impératif de veiller à une justice fiscale entre les entreprises certes pour une meilleure équité mais également pour réduire la pression fiscale. Cela permettra par ailleurs à encourager les entreprises produisant de la valeur ajoutée à embaucher plus et à investir davantage. La disposition relative à la réduction de l’IS de 31% à 27% pour les entreprises industrielles est très louable.
Des mesures similaires devraient être proposées pour élargir davantage l’assiette fiscale et ne plus se retrouver avec les mêmes contribuables que sont les grandes entreprises, les fonctionnaires et les salariés du secteur privé.
Si les entreprises vont renflouer les recettes de l’Etat à travers la proportionnalité de l’impôt, les salariés et fonctionnaires ont été épargnés mais sans pour autant bénéficier d’une baisse de l’IR ou de la déductibilité des frais de scolarité pour les parents dont les enfants fréquentent les établissements privés.
Le gouvernement n’a a priori pas prévu des dispositions incitatives pour la classe moyenne qui a subi les affres de la crise sanitaire. Et pourtant, toutes les études et analyses convergent vers une réalité : la classe moyenne est le cœur de toute économie. L’émergence d’un pays passe par son épanouissement et par sa prospérité.
La révision du barème de l’IR aurait pu remédier un tant soit peu aux tares infligées par le Covid-19 qui a mis à genoux des milliers de familles, ne pouvant plus joindre les deux bouts. Il aurait également été intéressant de prévoir une décote d’impôt pour les parents dont les enfants recourent à l’enseignement privé.
Sans vouloir jeter le bébé avec l’eau du bain, nous pouvons dire qu’avec le NMD, l’élargissement de la protection sociale, le RSU, le doigt est mis sur les vrais maux dont souffre la classe moyenne. La protection sociale se présente comme un axe stratégique majeur au niveau des priorités visant à réduire la vulnérabilité socioéconomique et rehausser le niveau de vie des populations.
Mais les résultats escomptés se feront encore attendre. Or la classe moyenne suffoque et a besoin de mesures concrètes dans l’immédiat.
Si en 2022, le gouvernement a les mains liés à cause de la contrainte budgétaire détériorée davantage par la pandémie et le recours à l’endettement, 2023 devrait connaitre une réforme en profondeur pour permettre à la classe moyenne de percevoir enfin la contrepartie de sa contribution à l’impôt.