Ecrit par Lamiae Boumahrou |
En 3 mois, le gouvernement a déjà épuisé plus de la moitié du budget alloué à la compensation dans la LF 2022 à savoir les 16 Mds de DH. Comment le gouvernement compte-t-il financer lesdites charges et quand compte-t-il entamer la réforme épineuse de la compensation ?
Certes le gouvernement a bien laissé clair qu’il ne recourra pas à une Loi de Finances Rectificative (LFR) comme l’a précisé le ministre du Budget, Faouzi Lekjâa. Mais au regard de la conjoncture économique, l’option du recours à cette LFR n’est pas à écarter pour plusieurs raisons.
A commencer par les hypothèses sur lesquelles s’est bâtie la Loi des finances 2022 et qui sont aujourd’hui quasiment caduques. Crise sanitaire, guerre ukraino-russe, sècheresse, flambée du prix du gaz mais aussi du pétrole, nécessité de relance économique…, le gouvernement fait face à une conjoncture nationale et internationale qui pèse lourdement sur ses finances. C’est dire que l’Exécutif n’a pas besoin d’un talent d’équilibriste pour s’en sortir mais plutôt d’une baguette magique.
Preuve en est, en seulement 3 mois de l’exercice 2022, l’Etat a déjà dépensé 10 Mds de DH en charge de compensation soit une hausse de 164,9% selon le bulletin mensuel des Finances publiques de la TGR pour le mois de mars. Le gouvernement a consommé plus de la moitié du budget alloué à la compensation dans la LF 2022 qui est de 17 Mds de DH dont 1 Md de DH pour le renouvellement du parc taxi.
A ce rythme, il faudra prévoir un budget de 40 Mds de DH rien que pour la charge de compensation si ce n’est pas plus eu égard à la conjoncture internationale et à la flambée des matières premières.
L’impact de cette hausse de la dépense de compensation sur le budget de l’Etat risque de peser lourdement et de se répercuter considérablement sur le déficit budgétaire prévu à 6,3% du PIB en 2022.
Malheureusement, nous ignorons la répartition des 10 Mds de DH dépensés en charge de compensation à fin mars. Il faut dire que depuis un bon moment, la Caisse de compensation ne publie plus les bulletins d’information mensuels comme elle le faisait depuis 2013. Un bulletin qui détaillait les structures des prix ainsi que la charge de compensations par produit subventionné à savoir le gaz, le sucre et le blé.
Il semble que le ministre sortant des Finances, Mohammed Benchaâboun, avait donné ses instructions pour arrêter la publication desdits bulletins. Le dernier bulletin mensuel que nous avons retrouvé sur le site de la Caisse (inactif depuis un certain temps) remonte à mai 2020. Mais rien n’empêche Nadia Fettah Alaoui de rompre avec cette habitude pour plus de transparence notamment dans un contexte pareil.
Cela dit, la question qui reste en suspens : où le gouvernement ira-t-il piocher les financements nécessaires pour continuer à financer les dépenses de la compensation ? Il semblerait que l’endettement serait la seule voie de recours. A noter qu’à fin mars 2022, la dette externe s’est établie à 713 MDH.
A quand la réforme ?
Au moment où l’Etat devait se pencher sur la réforme de la compensation, le voilà affolé par les compteurs de la Caisse avec des dépenses qui dépassent largement les prévisions. Certes la conjoncture oblige. Mais le Maroc s’est lancé dans un chantier social important dont l’aboutissement est étroitement lié à la réforme de la compensation. Rappelons à juste titre d’ailleurs que la réforme progressive de la compensation permettra de mobiliser les fonds nécessaires pour financer le projet de généralisation de la protection sociale qui va nécessiter une enveloppe de 51 Mds de DH par an.
A ce jour, le dossier de la réforme n’a toujours pas été ouvert par le nouvel exécutif. Il faut toutefois se préparer pour entamer la libéralisation totale de tous les produits subventionnés. Le gouvernement d’Akhannouch doit se mettre sur le pied de guerre pour démarrer une fois pour toute ce chantier tant attendu et l’intégrer comme priorité de la Loi des Finances 2023.