La crise pandémique n’a pas ralenti la dynamique des concentrations économiques au Maroc, qui continue de progresser sous l’impulsion de la redynamisation du mouvement des facteurs à l’échelle mondiale et de la réorganisation globalisée des chaînes de production, souligne le rapport annuel 2021 du Conseil de la Concurrence présenté à SM le Roi.
Selon le rapport, le nombre total des décisions d’autorisation rendues par le Conseil de la concurrence est passé de 43 en 2019 à 120 en 2021, soit une progression de 179%.
L’analyse des caractéristiques des projets de concentration économique notifiés au Conseil de la concurrence dégage quelques changements dans leurs tendances en comparaison avec la période d’avant la crise.
Ainsi, le nombre des prises de contrôle conjoint notifiées au Conseil est passé de 9 en 2020 à 29 en 2021, augmentant leur part dans le total des projets de concentration de 15,3% à 24%. Cette situation pourrait évoquer une tendance vers des formes de partenariat plus complexes que la crise sanitaire a davantage intensifiées.
De plus, il est observé que les opérations à caractère transfrontalier l’emportent toujours sur les transactions à caractère national, tendance qui n’a pas changé sous l’effet de la crise pandémique. Les entreprises initiatrices de ces concentrations semblent être intéressées par le marché intérieur national et ses potentialités en termes de niveau et d’habitudes de consommation, ainsi que par les opportunités qu’offre le Maroc en tant que porte vers l’Afrique.
Dans le cadre de l’exercice de son pouvoir décisionnaire, le Conseil de la concurrence a rendu, durant l’année 2021, un total de 16 décisions concernant des dossiers contentieux dont l’essentiel a été déclaré irrecevable pour défaut de la qualité et d’intérêt d’agir de la partie saisissante ou pour incompétence du Conseil par rapport à l’objet de la saisine.
Ces chiffres renforcent la volonté du Conseil de la concurrence pour mieux faire connaître ses missions et attributions ainsi que le cadre légal régissant la liberté des prix et de la concurrence.
En 2021, le Conseil de la concurrence a rendu 4 avis qui concernent :
• l’état de la concurrence dans le secteur de l’enseignement scolaire privé au Maroc ;
• la réglementation des prix des tests de dépistage du Covid-19 ;
• l’examen du respect des règles d’une concurrence libre et loyale par les producteurs et importateurs des huiles de table au Maroc ;
• le projet de loi n°94.17 relatif au secteur aval du gaz naturel et portant modification de la loi n°48.15 relative à la régulation du secteur de l’électricité.
En outre, le Conseil a reçu deux demandes d’avis qui pour défaut de la qualité et de l’intérêt d’agir, ont été déclarées irrecevables. Il s’agit en l’occurrence de :
• la demande d’avis émanant de l’Association des Intermédiaires et Entrepreneurs en Assurances au Maroc concernant la demande de mesures conservatoires dans le secteur d’intermédiation en assurance et la question de la vente et la distribution des produits d’assurance vie par les banques ;
• la demande d’avis concernant l’existence d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans la profession des Adouls.
Dans ce cadre, le Conseil a été saisi par le Président de la Chambre des Représentants, en date du 10 juillet 2020, pour émettre son avis sur les règles de la concurrence dans les établissements d’enseignement scolaire privé au Maroc.
L’analyse économique et concurrentielle du marché de l’enseignement scolaire privé relevant du système national ainsi que l’examen du cadre de sa régulation, ont permis de confirmer que ce marché est ouvert à tout investisseur privé, marocain ou étranger, désirant obtenir une autorisation pour y accéder, avec la possibilité de sortir du marché sur la base de garanties offertes par l’Etat en vue d’assurer la continuité du parcours scolaire des élèves.
De même, ce marché est marqué par la multiplicité des opérateurs, la diversité des prestations offertes et la libre fixation des droits de scolarité par les opérateurs en fonction d’une part, de la demande et la solvabilité et d’autre part, de l’offre et de la qualité des prestations.
Par ailleurs, le fonctionnement de ce marché se heurte à un certain nombre d’insuffisances et de barrières qui affectent la performance concurrentielle de ce marché vu qu’il ressort que :
• le marché est caractérisé par des différenciations marquées en matière de services et de tarification ;
• le marché est fondé sur un modèle unique d’établissement et sur les contributions des ménages ;
• la situation du corps enseignant freine le développement de l’enseignement scolaire privé.
Les insuffisances en matière de régulation ressortent les constats suivants :
• les dispositions en vigueur ne servent pas la concurrentiabilité du marché et l’amélioration de la qualité de l’offre éducative ;
• le projet d’amendement législatif servant les objectifs de diversification et d’amélioration de la qualité de l’offre pédagogique suscite les craintes des professionnels ;
• le secteur est marqué par une multiplicité d’organes de contrôle des établissements scolaires privés dont les tâches se chevauchent ;
• les mécanismes de soutien ne sont pas orientés vers l’atteinte des objectifs fixés ;
• le contrôle des institutions par les associations de parents d’élèves reste limité.
Partant des analyses conduites et des constats dégagés, le Conseil de la concurrence a émis des recommandations visant l’amélioration des conditions de la concurrence dans ce marché, à savoir :
• élaborer un nouveau cadre contractuel définissant les objectifs et les responsabilités entre les établissements scolaires privés, l’Etat et ses organes, aux fins de doter les acteurs d’une vision claire sur les choix stratégiques et les moyens à mobiliser suivant une feuille de route dédiée ;
• réviser le cadre juridique pour accompagner les changements que connait le marché de l’enseignement scolaire privé et répondre aux nouveaux défis auxquels est confronté le système éducatif national, devant notamment concerner le régime d’autorisation de l’accès au marché, l’encouragement du système de liberté des prix, la revue de la classification des services du transport scolaire rendus par les établissements scolaires privés et l’application des dispositions législatives régissant l’assurance scolaire ;
• mettre en place des mécanismes à même de renforcer la dynamique concurrentielle entre les différents opérateurs sur le marché de l’enseignement scolaire privé, visant l’instauration d’une transparence dans la relation entre le consommateur-apprenant ainsi que l’appui et l’incitation à l’investissement dans l’enseignement scolaire privé ;
• repenser le rôle de l’Etat en vue d’assurer un équilibre entre les prestations rendues par les établissements privés et celles dispensées par l’école publique, à travers notamment la consolidation de l’image de l’école publique en tant que référence ainsi que l’amélioration des conditions de recrutement et de gratification du corps enseignant dans l’enseignement scolaire privé ;
• mettre en place par l’Etat des mesures permettant l’accès des familles aux services offerts sur le marché de l’enseignement scolaire privé, notamment en élargissant la base d’accès aux établissements scolaires privés, en les ouvrant aux élèves excellents issus de ménages nécessiteux et à revenu limité, pour consolider les principes de justice et de solidarité sociales ;
• mettre en place une politique territoriale liée aux modèles de développement adoptés par les douze régions du Royaume, passant par le biais de partenariats contractuels entre l’Etat, les régions et le secteur privé en vue d’accroitre le dynamisme du marché de l’enseignement privé, spécifiquement au niveau des régions souffrant de pénurie.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi n°104.12 relative à la liberté des prix et de la concurrence, qui conditionne la décision de réglementation des prix des produits et services à la consultation préalable du Conseil de la concurrence, le Ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, a demandé le 31 août 2021, l’avis du Conseil relativement à la fixation des prix des tests de dépistage du Covid-19, en dérogation au principe de la liberté des prix et de la concurrence édicté par l’article 2 de ladite loi.
Le Conseil de la concurrence a rendu son avis le 6 septembre 2021, considérant que la demande du Gouvernement de réglementer temporairement les prix des tests de dépistage du Covid-19 demeure justifiée dans le contexte peu concurrentiel du marché.
Le Conseil a jugé également que la décision du Gouvernement de prendre ces mesures afin de réglementer les prix des tests Covid-19 doit prendre en considération certains éléments.
S’agissant des prix des tests de dépistage du Covid-19, leur fixation doit :
• garantir un niveau raisonnable de marge incitatif pour encourager l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché, et permettre ainsi de concurrencer les laboratoires privés déjà opérant sur ce dernier, et ce en vue de créer une nouvelle dynamique et pression concurrentielle efficace ;
• veiller à ce que le niveau de prix fixé ne donne pas un avantage concurrentiel aux acteurs déjà actifs sur le marché, du fait que leur présence antérieure sur le marché leur a permis de réduire le coût à travers l’amortissement déjà effectué des équipements acquis ;
• veiller à ce que la fixation du prix de vente au public doit non seulement plafonner la marge bénéficiaire des laboratoires privés d’analyses biomédicales, mais couvrir également par son champs les marges de tous les intervenants au niveau de la chaine, notamment les producteurs et les importateurs des réactifs et consommables nécessaires à la réalisation des tests Covid-19.
S’agissant de l’élargissement de la base d’offre sur le marché permettant un accès plus équitable aux tests Covid-19, le Conseil considère que la lutte contre cette pandémie nécessite l’adoption d’une approche proactive et préventive privilégiant l’ouverture du marché à de nouveaux entrants en allégeant les conditions d’accès.
Cette mesure permettra une meilleure accessibilité des citoyens aux tests en les mettant à leur disposition à un prix approprié qui s’adapte à leur pouvoir d’achat, notamment ceux qui ne bénéficient pas d’une couverture médicale sachant, que jusqu’à émission de l’avis du Conseil, même pour les populations disposant de cette couverture sociale, représentant 10% de la population totale, la question du remboursement des frais médicaux relatifs aux tests de dépistage du Covid-19, n’est pas encore tranchée.
Le Conseil a recommandé également la nécessité de s’ouvrir sur d’autres techniques et technologies de dépistage, notamment les tests de biologie moléculaire, antigéniques ou sérologiques, à l’instar de nombreux pays et ce :
• en permettant à tous les professionnels de la santé de réaliser les tests antigéniques ;
• en facilitant l’accès des citoyens aux autotests aux fins de prévention et de limitation de la propagation du virus, tout en prenant les dispositions nécessaires pour assurer leur bon usage.
Le Conseil de la concurrence a également été saisi, d’une demande d’avis émanant de la Chambre des Représentants sur demande de la commission permanente des secteurs productifs, par laquelle elle a sollicité son avis sur le respect des règles d’une concurrence libre et loyale par les producteurs et importateurs des huiles de table suite aux augmentations enregistrées des prix de vente sur le marché national.
Les résultats de l’étude menée dans le cadre de l’avis rendu par le Conseil ont permis de conclure que les augmentations des prix de vente des huiles de table enregistrées sur le marché national s’expliquent par la conjonction de facteurs objectifs liés à la structure du marché lui-même et aux évolutions du marché extérieur duquel il est dépendant fortement.
La tendance haussière des cours mondiaux des huiles brutes a en plus été accentuée par la forte augmentation des tarifs de l’énergie, du frêt maritime et du transport de marchandises au niveau mondial en raison du redémarrage rapide et simultané de l’économie mondiale, caractérisé par une forte demande, une pénurie des conteneurs et une congestion des ports.
Au vu de l’ensemble des éléments de l’analyse et à la lumière des conclusions tirées à cet égard, le Conseil de la concurrence a émis des recommandations pour contribuer à l’amélioration du fonctionnement concurrentiel du marché national des huiles de table, à savoir :
• soutenir l’amont de la filière relatif à la production locale de graines oléagineuses ;
• encourager la consommation d’huile d’olive afin de réduire partiellement la dépendance aux huiles de graines oléagineuses ;
• renforcer les capacités de stockage et réhabiliter le pipeline reliant le site de stockage de la Costoma au port de Casablanca ;
• encourager les opérateurs à mettre en place des mécanismes de couverture des risques ;
• renforcer la concurrence entre les opérateurs au niveau des points de vente ;
• moderniser les circuits de distribution traditionnels.
Le Conseil de la concurrence a été saisi, le 31 décembre 2020, par le Chef du Gouvernement, d’une demande d’avis concernant les articles 7 à 10 et les articles 11 à 15 du projet de loi n°94.17 relative au secteur aval du gaz naturel.
La demande d’avis concerne les règles relatives à « l’exclusivité de la société d’approvisionnement pour importer et acheter le gaz naturel auprès des producteurs locaux » et à « la concession » de l’activité de transport à la société de transport sur l’ensemble du territoire national.
Après avoir instruit cette demande d’avis dont le rapport finalisé était sur le point d’être soumis aux membres du Conseil de la concurrence, le Chef du Gouvernement a saisi une deuxième fois le Conseil en lui adressant, une nouvelle version du projet de loi en question en date du 26 octobre 2020.
Cette dernière version a apporté un profond changement à la première mouture aussi bien sur le plan du fond que de la forme.
Suite à l’examen de cette nouvelle version, et étant donné que le secteur du gaz naturel n’est pas encore installé, le Conseil de la concurrence a jugé qu’il est impératif d’exploiter les avantages de la concurrence et d’éviter, dès le départ, de figer des positions, d’établir des monopoles et d’octroyer des exclusivités qui auront un impact négatif sur l’émergence et le développement du secteur.
Ainsi, le Conseil de la concurrence a émis un avis défavorable sur le projet de loi n°94.17 relatif au secteur aval du gaz naturel au Maroc et portant modification de la loi n°48.15 relative à la régulation du secteur de l’électricité.
Le Conseil de la concurrence a proposé la reprise de la rédaction de ce texte sur la base des recommandations suivantes :
• améliorer la visibilité et la prévisibilité du projet de loi ;
• garantir le libre jeu de la concurrence sur le segment transport, stockage et distribution ;
• remplacer le système d’autorisation par un système de déclaration ;
• permettre au producteur local d’être exempté de l’autorisation d’importation ;
• veiller au respect du principe de séparation des activités ;
• harmoniser la loi n°21.90 portant code des hydrocarbures avec le projet de loi relatif au gaz naturel ;
• mettre en place une régulation ex-ante forte et éviter les chevauchements de compétences entre l’ANRE et le Conseil de la concurrence ;
• consacrer la protection des droits des consommateurs ;
• mettre en place des procédures et des mécanismes pour surveiller les pratiques contractuelles restrictives ;
• veiller à concilier entre les impératifs liés aux contrats à long terme des concessions conclus en vertu de la loi n°21.90 portant code des hydrocarbures et le respect de l’ordre public concurrentiel ;
• garantir à tous les utilisateurs l’accès non discriminatoire et transparent au réseau de transport.