Le secteur agricole est déterminant pour l’économie marocaine à travers les emplois créés et la valeur ajoutée draînée. Et pourtant seulement 4,4% du total des visites effectuées par les inspecteurs du travail dans le secteur agricole durant l’année 2018.
Quoique sa contribution dans le PIB national ne soit que de 12%, le secteur agricole demeure le premier pourvoyeur d’emplois au Maroc. Il détient la plus grande part du gâteau avec 40% de l’emploi total. Cela semble encourageant dans un pays où le taux de croissance dépend largement de la campagne agricole. Toutefois, la réalité est tout autre. Les conditions de travail dans le secteur agricole sont souvent décrétées difficiles. Outre le risque de perte d’emploi en cas de mauvaise campagne agricole auquel sont exposés chaque année les ouvriers agricoles (le secteur de « l’agriculture, forêt et pêche » a perdu 152.000 au cours du premier trimestre de 2019), et de manque de stabilité, le secteur est aussi réputé pour le non-respect des droits de travail.
Les accidents de la route survenus dernièrement qui ont coûté la vie à une dizaine d’ouvrières ont remis à la surface les conditions précaires dans lesquels elles y travaillent.
Alors que fait le gouvernement pour remédier à cette situation et protéger cette population vulnérable ?
Contactée par nos soins, la Direction de l’emploi du ministère de tutelle nous a affirmé que malgré les contraintes liées au contrôle dans le secteur agricole en raison de l’absence des accès, l’éloignement des exploitations agricoles les une des autres, les inspecteurs de travail ont effectué 1.535 visites en 2018. Soit seulement 4,4% du total des visites effectuées tous secteurs confondus durant cette année qui sont de l’ordre de 34.897.
Un taux très faible par rapport à la population opérant dans ce secteur. Cela dit, sur les 1.535 visites, les contrôleurs ont relevé 33.087 observations dont 485 sur le salaire minimum agricole garanti (SMAG), 1.782 concernant la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS), 3.751 concernant la carte de travail et 4.416 concernant les bulletins de paie.
En l’absence de chiffres précis du nombre de travailleurs dans le secteur agricole nous ne pouvons les analyser. Les seules informations disponibles datent de 2016 et ne concernent pas uniquement le secteur agricole mais tout le panier « agriculture, forêt et pêche ». D’après le HCP, c’est une question de nomenclature des enquêtes d’emploi à l’échelle mondiale. Même le ministère de l’Agriculture ne dispose pas de ces informations puisqu’il se base sur les chiffres du HCP.
Toutefois, d’après certaines données non-officielles, le secteur emploie entre 400.000 et 500.000 personnes.
Quid du climat social dans le secteur agricole ?
Il paraît que les grèves et les mouvements sociaux sont rares dans le secteur agricole. Ce qui n’est pas tout à fait vrai à en croire les statistiques du ministère de l’Emploi. Il ressort que le nombre des conflits individuels auxquels le ministère a remédié dans le secteur agricole a atteint 3.859 sur un total de 52.897 conflits individuels soit 7,3%. Aussi 219 grèves ont-elles été évitées au courant 2018 sur 1.056 soit 20,7%.
Ces chiffres concernent bien entendu seulement les ouvriers déclarés. D’après les statistiques de la CNSS qui nous ont été communiquées par le ministère de l’Emploi, le nombre des salariés déclarés à la CNSS est de 270.000. Soit un peu plus de la moitié si l’on prend en compte les chiffres approximatifs de 500.000 emplois agricoles.
Quant au nombre des entreprises affiliées à la CNSS, il est de 8.587 dont seulement 6.592 ont déclaré au cours de l’exercice 2018. La masse salariale étant de 3,4 Mds de DH toujours en 2018.
Cela dit, le gouvernement devrait renforcer le contrôle dans ce secteur où prime la vulnérabilité et l’analphabétisme. Un secteur qui conditionne chaque année la croissance économique du pays. A noter que d’après les données du HCP, 74,8% des employés du secteur n’ont pas de diplôme et donc ne connaissent pas leurs droits.
D’où l’intérêt de mettre les bouchées doubles pour moderniser le secteur et investir dans ses ressources humaines.