A toute chose malheur est bon. De la crise sanitaire actuelle occasionnée par la pandémie Covid-19, les pays africains doivent tirer comme principal enseignement qu’il est temps de réduire cette dépendance outrancière à l’égard des pays du Nord.
En pleine période électorale, l’Afrique s’est vue infliger la pandémie du Coronavirus. En dictant ses règles les plus cinglantes, la pandémie Covid-19 devrait servir de rappel aux équipes au pouvoir ou les équipes futures dans la période post crise, qu’il est déterminant d’adopter les politiques économiques à même de renforcer l’autonomie et la résilience. Étant le parent pauvre de bon nombre d’économies africaines, cette dépendance va se traduire par des points de croissance en moins pour moult raisons. A l’instar des autres pays du Continent, le Maroc vit ses moments les plus difficiles et son économie suffoque à cause justement de cette dépendance qu’il n’a pas su réduire au fil du temps.
La croissance dévisse
En effet, selon la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CNEA), les pays du continent doivent se préparer à voir leur croissance divisée par deux, la faisant passer à 2% au lieu de 4% prévus initialement. Au Maroc, la Banque Centrale table sur un taux de croissance au même niveau que celui de 2019 soit 2,3%. Un taux de croissance à prendre avec des pincettes si l’on prend en considération les effets dévastateurs de la pandémie conjugués à la sécheresse qui marquent l’année 2020.
Rien que pour les pays africains qui dépendent essentiellement de leurs ressources naturelles et Dieu seul sait combien elles sont nombreuses, ils verront leurs revenus impactés négativement. A ce titre, les exemples ne manquent pas. C’est le cas de la Guinée qui dépend de ses exportations de bauxite, principalement en Chine, mais également celui d’autres économies, tributaires des produits pétroliers, comme l’Angola et le Nigeria. Même son de cloche pour le Maroc dont une partie importante de son écosystème économique dépend de l’importation des produits intermédiaires. Rappelons que bon nombre d’unités de production (automobile, textile, agroalimentaire…) ont été contraintes de réduire la voilure en raison de problèmes d’approvisionnement en matières premières et intrants ou encore à cause de la baisse de la demande étrangère.
Étant un secteur ayant un effet catalyseur sur l’ensemble de l’économie en terme de création d’emplois et d’apports de devises, l’effritement du tourisme aura un effet immédiat non seulement sur le secteur formel mais également sur le secteur informel qui en dépend largement dans ces pays. De par son poids prépondérant dans le PIB, les économies en question vont certainement laisser des plumes. Les compagnies aériennes sont également fortement touchées du fait de la suspension d’une grande partie de leurs vols. Depuis le début de l’épidémie, la compagnie nationale marocaine Royal Air Maroc a perdu près de 400 millions de dollars en deux mois. C’est également le cas de plusieurs compagnies aériennes sur le continent qui peinaient déjà à se développer.
L’alerte du FMI
Le Fonds monétaire international a d’ailleurs annoncé en février dernier que les économies africaines encouraient des dangers. Comme on peut s’y attendre le danger provient de la demande de l’atelier du monde et principal partenaire du continent. La Chine serait particulièrement affectée par la pandémie et connaîtrait une forte décélération, avec une croissance passant de 6,1% en 2019 à 4,1% en 2020, son plus bas niveau depuis près de trente ans. Le danger résulte également de l’Europe, très proche des pays africains. Dans la zone euro, la croissance s’affaiblirait en 2020 à 0,4% avant de s’accélérer en 2021 à 1,8%. « De plus cette démarche, couplée à la baisse de revenus entrainerait sans doute une accumulation du déficit qui pourrait se solder par une dette insoutenable pour certains de ces pays », explique Oumnia Boutaleb, de Policy Center dans son article Face au Coronavirus, l’Afrique se prépare au pire. Sachant que plusieurs économies africaines ont accueilli cette crise pandémique tout en étant fortement endettées.
La propagation de la pandémie a également poussé quasiment tous les pays africains à la fermeture partielle ou totale des frontières. Ces fermetures ne sont pas exemptes d’incidences sur des secteurs économiques stratégiques. En effet, le secteur agricole est en perte de vitesse en raison du manque de biens intermédiaires. Idem pour le secteur de l’industrie. Oumnia Boutaleb donne l’exemple de certains pays acculés à reconsidérer la priorité du placement de leur budget. « Alors que le Sénat nigérian venait d’approuver une demande de prêt de 22,7 Mds de dollars pour des projets d’infrastructure et de développement social d’envergure, le gouvernement a décidé de mettre en suspens ces projets pour se concentrer sur cette lutte sanitaire », commente-t-elle. Au Maroc, bien qu’il ne soit pas annoncé d’une manière officielle que les budgets sont modifiés, tout laisse prédire que la priorité actuelle du gouvernement est de se pencher sur la gestion sanitaire de la pandémie.
Le Royaume à l’instar des autres pays africains doivent se retrousser les manches pour assurer leur indépendance et autonomie en diversifiant leurs sites de production industrielle. Cette pandémie, avec pour toile de fond la pénurie des masques, des respirateurs…, doit susciter l’intérêt des pays africains pour accélérer la mise en œuvre effective de la ZLECAF. En dépit des actions de solidarité, cette crise a bien mis en évidence le proverbe qui dit : « Chacun pour soi et Dieu pour tous »
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1 comment
Pour sauver quelques milliers de vies, on a décidé de sacrifier l’avenir de centaines de millions d’individus et de milliards a l’échelle de la planète. Incroyable ! Même d’un point de vue humanitaire et moral, c’est aberrant, fou et injuste . Pourquoi la Turquie n’est elle pas tombée dans ce piège absurde ? Cherchez l’erreur