Les collectivités locales vont sûrement passer par une période de vaches maigres. Et pour cause la pandémie du Covid-19. Les ressources se font rares et les dépenses ont la peau dure. En dépit de cette situation, elles font preuve d’une générosité exemplaire mais qui hélas frôle l’illégalité.
Le message du Ministre
Après le budget général de l’État, le tour est aux finances locales pour boire le calice jusqu’à la lie. Le courrier du ministère de l’intérieur au top management de la chose locale siffle de la vie de château ou presque. Par fait de prince, survenu au pied levé, il n’est plus question de manger, boire, dormir ou voyager aux frais de la princesse. Le ministre de l’intérieur a mis au fait les responsables locaux qu’on ne peut fouler au pied l’impact négatif du Covid-19 sur l’économie nationale. Le ministère de l’intérieur, habitué à répandre l’optimisme, réalise qu’en pareille situation, l’optimisme ne serait qu’un mensonge à bon marché.
La dépendance révélée par Covid-19
Au terme de l’année 2019, les recettes ordinaires des collectivités territoriales, constituées des régions, des préfectures, des provinces et des communes, sont de l’ordre de 42,8 Mds de DH. L’essentiel de ces recettes soit 28,48 Mds de DH (66,5%) proviennent des ressources transférées de l’Etat auxdites CT. Les ressources transférées sont constituées essentiellement de la part des CT dans le produit de la TVA pour 18,37 Mds de DH, de la part des CT dans le produit de l’IS et l’IR pour 4,49 Mds de DH et la part des CT dans le produit de la taxe sur les contrats d’assurance pour 0,62 Mds de DH.
La chute des recettes au titre des impôts et taxes : assiette des ressources transférées est un secret de Polichinelle. En effet, la récession économique causée par l’effondrement des demandes intérieure et extérieure en raison de la propagation du covid-19, impactera sans aucun doute les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée, l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu : d’où l’écroulement très attendu des transferts.
Pour comprendre le désarroi des CT
Les ressources ordinaires des CT sont également composées à hauteur de 6,51 Mds de DH de ressources gérées pour le compte de ces CT. Elles renferment la taxe sur les services communaux, la taxe professionnelle et la taxe d’habitation. Ces taxes assises sur le patrimoine ne subiront pas, sur le plan émission, de baisses. Seulement leur recouvrement ne sera pas une mince affaire eu égard aux conditions économiques désastreuses dans lesquelles se meut l’économie à cause de la pandémie du Covid-19.
Les ressources gérées par les CT évaluées à fin 2019 à 7,84 Mds de DH enregistreront également à leur tour une régression car dans leur majorité, elles sont indexées sur l’activité économique. Ainsi, la crise du tourisme emportera dans son sillage les recettes au titre de la taxe de séjour et de la taxe sur les débits de boissons. Le marasme du secteur immobilier conduira ipso facto à la baisse sans précédent des taxes sur les opérations de construction et de celles des opérations de lotissement…
Toutes les rubriques de recettes enregistreront des chutes majeures alors que les responsables locaux se frottaient les mains lorsque la Loi de Finances 2020 fût adoptée. En effet, celle-ci prévoit que les dépenses du fonds de la part des CT dans le produit de la TVA seraient de 31 Mds de DH, celles du Fonds de la solidarité interrégional seraint de 0,96 Md de DH, celles du Fonds spécial relatif aux produits des parts d’impôts affectés aux régions de 8,63 Mds de DH et celles du Fonds de mise à niveau social de 0,01 Md de DH.
Le clou du spectacle est que les CT, dans ces conditions ô combien délicates , doivent mobiliser des ressources pour faire face au moins aux dépenses de personnel qui se sont chiffrées à fin 2019 à 12,04 Mds de DH.
Le père mendie et le fils fait la charité
Néanmoins ces CT qui vivent au crochet de l’État se sont précipitées à effectuer un don de 1,5 Md de DH au fonds de lutte contre la pandémie du Covid-19. Sûrement bernées par le montant disponible chiffré à 43,4 Mds de DH, correspondant à des engagements pris non encore payés, les CT ont fait don au fonds de près de 34,88% de l’excédent global évalué à 4,3 Mds de DH. C’est dire que ces CT donnent d’une main ce qu’elles reprennent de l’autre.
Conformément à la loi, l’excédent dégagé en fin d’année devrait être reporté sur l’exercice suivant et inscrit dans la deuxième partie du Budget relatif aux opérations d’équipement. Au cœur de la crise Covid-19, nous avons assisté dans plusieurs cas à l’affectation de cet excédent à des opérations attachées à la première partie du budget consacrée aux opérations de fonctionnement.
Est-ce au nom de l’urgence, il est légitime d’ignorer des lois qui, à notre jour, n’ont fait l’objet ni de suspension, ni d’abolition?
Après le Covid-19
Le Covid-19 a mi à nu la dépendance de notre économie dans la mesure où toute nos politiques économiques sont conçues pour répondre à une demande extérieure génératrice des devises. La pandémie également met en exergue la dépendance de nos collectivités territoriales vis à vis du Centre. Il est temps de repenser le mode de financement de ces entités appelées à jouer un rôle de première importance dans le développement de notre pays.
L’heure est à la diversification des ressources et à la construction d’un modèle de financement indépendant dans la mesure du possible des aléas économiques ou naturels.