Dans cette course à la relance économique, la question de relocalisation des entreprises européennes, en l’occurrence françaiseS, refait surface. La question est de savoir si le Maroc dont l’économie repose en partie sur les IDE sera-t-il impacté par ce risque ? Analyse.
Certes la pandémie n’est pas encore derrière nous. Néanmoins, l’heure est à la gestion du déconfinement et surtout à la relance économique. Les conséquences économiques et financières sont tellement lourdes qu’il va falloir non seulement se retrousser les manches mais jusqu’à revoir certains modèles économiques. La reprise se fera certainement dans la douleur pour beaucoup de pays.
L’adage « chacun pour soi et Dieu pour tous » prend tout son sens dans ce contexte mondial où chaque nation cherche à défendre ses propres intérêts pour se remettre debout au plus vite. Certains pays affichent clairement une volonté de faire rapatrier les entreprises ayant opté pour un développement en dehors des territoires. En effet, cette crise sanitaire a mis à nu la fragilité de certains pays trop dépendants de l’extérieur notamment pour les produits de première nécessité (santé, alimentaire…).
Le cas de la France qui d’après son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, dépend beaucoup trop des pays extérieurs. Un constat qui pousse aujourd’hui les pouvoirs publics français à aller vers une relocalisation d’une partie de ses chaînes de production comme annoncé par Bruno Le Maire depuis quelques jours.
Le Maroc encourt-il réellement un risque de relocalisation ?
En attendant de voir comment la France compte re-séduire ceux qui ont fait le choix de se développer ailleurs pour des raisons de compétitivité, la question de la relocalisation des entreprises françaises présentes au Maroc commence à tarauder les esprits.
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Une question qui s’impose d’elle-même après les déclarations de Bruno Le Maire relatives à son appel à la relocalisation des constructeurs automobiles en France en contrepartie de mesures d’accompagnement, de soutien et d’incitation. Bien que le Comité des Constructeurs Français d’Automobiles (CCFA) ait réagi aux propos du ministre en affirmant l’implication totale de Renault et PSA au Maroc, la volonté de la France à reconquérir ses entreprises est sur la table de l’Etat français. Et vu la part des entreprises françaises dans les IDE marocains, le sujet ne doit pas être ignoré par les autorités marocaines.
En effet, faut-il rappeler que l’Hexagone est le premier partenaire économique du Maroc avec 35,1% du stock total d’IDE en 2017. Sur les cinq dernières années (2014-2018), les IDE en provenance de France ont représenté en moyenne 21,3% des flux nets d’IDE s’adressant au Maroc plaçant la France au premier rang en termes de flux.
De quoi se poser la question : le risque de délocalisation des entreprises étrangères en l’occurrence françaises, plane-t-il sur le Maroc ?
D’après les réactions que nous avons pu recenser, pas vraiment. Ou du moins c’est un risque qui ne serait pas lié au Maroc mais à la conjoncture mondiale. Et pour cause, le Maroc serait plus dans une optique de saisir des opportunités plutôt que de voir des investisseurs étrangers plier bagage. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de la casse dans une conjoncture qui va connaitre une baisse importante de la demande et où tous les pays seront touchés d’une manière ou d’une autre.
Toutefois, le positionnement du Maroc reste compétitif et relativement résiliant avec des industriels qui réalisent d’excellents rendements surtout dans les métiers mondiaux. Des entreprises qui sont extrêmement compétitives et qui font partie des benchmarks mondiaux en termes de performance. « Certes elles seront impactées vu que le marché mondial est impacté. Cependant, les grands décideurs industriels vont chercher à préserver les sites industriels les plus performants », nous explique un expert.
Eu égard aux atouts du Maroc, la plateforme marocaine se trouve en pole position des pays qui seront en mesure de proposer une alternative compétitivité aux entreprises qui sont le plus impactées par cette crise.
Parmi les secteurs les plus impactés par le contexte actuel celui de l’aéronautique qui a été secoué par un séisme remettant en cause toutes les politiques de développement du secteur.
La relance, bien qu’elle ne soit pas dans l’immédiat, sera marquée par des changements de paradigme mais également de visions de développement. La quête de nouvelles plateformes industrielles plus compétitives pour assurer un redémarrage plus rapide n’est pas à écarter. Et c’est sur ce terrain que le Maroc peut saisir des opportunités grâce à la politique industrielle qui a permis la mise en place d’un écosystème performant et très attractif. « Le Maroc est donc shortlisté en tant que pays compétitif sur le plan industriel par les entreprises qui seront à la recherche de plateformes plus compétitives pour se réinventer », nous explique notre source.
Le Maroc serait donc dans les radars, ce qui rend le risque de relocalisation des entreprises installées au niveau national moins important. Il est même fort probable que les atouts du Maroc soient mieux valorisés à l’issue de la crise.
Les déclarations du ministre Français devraient être analysées de façon plus exhaustive en prenant en compte plusieurs paramètres. En effet, si pour des raisons de souveraineté certains pays chercheront à reconquérir leurs champions, la perception de cette éventualité différera d’un secteur à un autre. Et pour cause, la relocalisation des secteurs où la compétitivité est un facteur essentiel notamment dans l’automobile et l’aéronautique est aujourd’hui un objectif très difficile à atteindre.
Nonobstant aujourd’hui, il n’y a aucune certitude sur le départ ou pas d’entreprises étrangères puisque cela dépendra de l’impact de la crise. Mais ce qui est sûr c’est que les plus touchés seront les moins performants. Or le Maroc a misé sur la performance.
Automatisation : quel risque pour le Maroc ?
Certes le Maroc peut être épargné aujourd’hui par le risque de relocalisation grâce aux facteurs de compétitivité qui placent la plateforme marocaine dans les radars des investisseurs. Néanmoins l’accélération de l’automatisation industrielle est une réalité qui risque de rattraper la performance du pays. En effet, vu que la main-d’œuvre accessible figure parmi les facteurs d’attractivité, il peut y avoir une tendance à vouloir accélérer l’automatisation et la robotisation comme alternative. Alors cette tendance pourrait-elle encourager la délocalisation des entreprises ?
Pas si sûr d’après notre source. Et pour cause, aujourd’hui les robots ne sont pas capables de remplacer les humains sur la totalité des process. Le pari de robotisation de quasiment tous les maillons des chaînes de production dans l’automobile et l’aéronautique fait par les Japonais et les Coréens a montré ses limites. Aujourd’hui le niveau de maturité de l’automatisation ne permet pas encore ce changement de paradigme.
Et pour cause, cette robotisation a non seulement un coût énergétique supplémentaire mais requiert une main-d’œuvre très qualifiée notamment les ingénieurs qui n’est pas très disponible. Moralité de l’histoire, c’est le moment pour le Maroc de mettre en évidence l’attractivité de la destination Maroc afin de tirer profil de cette conjoncture et saisir les opportunités de la pandémie.