Dans une récente étude, les analystes de CFG Bank se sont penchés sur l’évaluation de l’impact de la crise sanitaire Covid-19 sur nos « Déficits jumeaux » à savoir le déficit budgétaire et le déficit du compte courant. Inutile de rappeler que les réserves de change, les transferts des MRE, la balance commerciale… ont été brutalement secoués par une crise qui a mis à genoux les différents pans de l’économie suite à l’arrêt délibéré des pouvoirs publics.
Dans ce sillage, les analystes de CFG Bank ont décidé d’explorer les deux principaux points :
Le premier consiste à identifier le risque potentiel de dépréciation de la monnaie marocaine en lien avec une dégradation significative des recettes de change et ce suite à un effondrement des recettes de tourisme, une décélération des IDE, une forte baisse des transferts des MRE, ainsi qu’une forte chute des recettes liées à l’export.
Le second consiste à mesurer l’impact du ralentissement économique sur le déficit budgétaire, et la capacité du Gouvernement à financer ce déficit sans impacter la courbe des taux à court terme. En effet, une éventuelle remontée des taux à court terme se traduirait par un mouvement de réallocation de la part des investisseurs institutionnels au profit du marché de la dette souveraine, et ce au détriment du marché action. Cela se traduirait également par un renchérissement du coût de la dette du Trésor.
Sur la base de ses hypothèses et estimations, CFG Bank a la conviction qu’aucun risque de dépréciation de la valeur du Dirham n’est à prévoir à court terme. Voire même que le Gouvernement marocain peut éviter toute tension sur les taux d’intérêt à court terme (et par la même occasion un futur renchérissement du coût de la dette) si la Banque Centrale venait à utiliser les différents instruments de politique monétaire à sa disposition tels que les programmes d’assouplissement quantitatif et les opérations d’open market en vue d’injecter de la liquidité dans l’économie. Ces interventions devraient ainsi permettre d’augmenter la capacité des investisseurs institutionnels et des institutions financières à participer aux nouvelles émissions de bons du trésor, et de facto permettre de financer un déficit budgétaire plus important qu’initialement prévu dans la Loi de Finance 2020.
La baisse du PIB allant à – 6,5%
Dans la présente analyse, CFG Bank estime que la pandémie Covid-19 devrait causer la plus importante contraction du PIB depuis 25 ans. La contraction du PIB se situerait en -3% et -6,5%. Au-delà même de l’impact de la pandémie du Covid-19 sur l’économie marocaine, le PIB serait plombé par la contreperformance de la composante volatile du secteur primaire. « En effet, et pour la deuxième année consécutive, la baisse des précipitations pluviales induira une mauvaise campagne agricole. La production de céréales devrait s’établir à 40 millions de quintaux, contre 52 millions en 2019 et une moyenne de 75 millions sur les 5 dernières années », rappellent à juste titre les analystes. Et d’enchaîner : « La valeur ajoutée agricole, qui représente environ 12% du PIB marocain, a baissé de 5,3% en 2019 et devrait diminuer de 2,7% en 2020E selon les dernières estimations du Gouvernent ».
A travers des projections sur les recettes s’établissant à 209,2 Mds de DH et des dépenses se situant à 215,4 Mds de DH, un investissement de 70,5 Mds de DH et du solde des Comptes Spéciaux du Trésor de -4 Mds de DH, il est prévu un déficit budgétaire de -80,6 Mds de DH (vs -42,2 Mds de DH prévu dans la LF 2020 ». Tenant compte de ces projections, le déficit budgétaire devrait doubler en 2020 pour s’établir à -7,5% du PIB. A noter par ailleurs que ce niveau de déficit intègre des hypothèses fortes, à savoir des investissements publics de 70 Mds de DH, des recettes des « nouveaux mécanismes de financements » de 12 Mds de DH et des recettes de privatisations de 3 Mds de DH. Autrement dit, si le Gouvernement venait à ne pas réaliser son programme de privatisations, ne pas lever de fonds à travers les nouveaux mécanismes de financement, et venait à décider de poursuivre son programme d’investissement initialement prévu dans le but de sécuriser la croissance économie future, alors le déficit budgétaire pourrait s’aggraver. « Si parallèlement à cela, les contributions au fonds spécial pour la gestion de la pandémie Covid-19 se révélaient insuffisantes pour financer les ambitions du Gouvernement de soutenir la population et l’économie durant cette crise, alors il est concevable que le déficit budgétaire se détériore encore plus », alerte CFG Bank. Il est à noter que la croissance du PIB au Maroc est essentiellement tirée par la consommation des ménages et les dépenses publiques, les deux étant particulièrement interdépendants. Ainsi, nous pensons que le Gouvernement ne devrait pas réduire ses dépenses en 2020E en vue de soutenir la croissance économique future.
Dans le but de financer le déficit budgétaire estimé sur la base des hypothèses de CFG Bank, le Gouvernement devrait lever 38,5 Mds de DH supplémentaires (par rapport au niveau prévu dans la LF 2020), soit un total de 148 Md de DH, un niveau situé dans le haut de la fourchette des levées historiques sur les 5 dernières années.
Il est supposé que seulement 11 Mds de DH seront levés à l’international en 2020E (contre 31 Mds de DH budgétisés dans la LF 2020). Ainsi, pour combler de déficit budgétaire, les adjudications de bons du trésor devraient s’établir à 137 Mds de DH en 2020E, selon les prévisions de CFG Bank.
Si le déficit budgétaire venait à s’établir à un niveau plus important que prévu et que le Gouvernement venait à financer ce déficit entièrement par des adjudications sur le marché local, cela pourrait induire une remontée des taux à court terme.
Afin de financer un déficit au moins 2 fois plus important que prévu et se prémunir contre une éventuelle remontée des taux, la Banque Centrale pourrait intervenir à travers la mise en place de mesures monétaires dites « non-conventionnelles » notamment l’assouplissement quantitatif et les opérations d’open market.
L’impact économique perdurerait au-delà de 2020
En matière de réserves de change, les analystes prévoient un fléchissement de 6% par rapport à 2019.Cette baisse n’aura aucun impact sur la valeur du DH à court terme.
Sur la base des hypothèses détaillées par les analystes, et des mesures prises par le Gouvernement et BAM notamment la décision de tirer 3 Mds de $ sur la ligne de précaution et de liquidité du FMI et de refinancer les 11 Mds de DH d’Eurobond, qui arrivent à échéance fin 2020, par une nouvelle sortie à l’international de 11 Mds DH, les réserves de change devraient connaître une légère baisse (-16 Mds de DH/-6%), clôturant l’année à 228 Mds de DH versus 244 Mds de DH à fin décembre 2019.
Toutefois, dans l’hypothèse où le Gouvernement parviendrait à lever à l’international l’intégralité des 31 Mds de DH annoncés dans la LF 2020 (soit auprès des institutions financières internationales et/ou via l’émission d’une dette souveraine en devise), l’impact de la crise du COVID-19 sur le niveau des réserves de changes sera nul.
Tandis que les analystes écartent tout impact majeur sur les réserves de change en 2020E, ils pensent que les répercussions de cette crise sur l’activité économie et les échanges extérieurs perdureraient au-delà de 2020E. « Nos réserves de changes pourraient pâtir en 2021E d’un plus fort rebond des importations par rapport aux exportations de biens et services. En effet, tandis que les importations pourraient progressivement renouer avec les niveaux d’avant crise, dans le sillage d’un rebond du prix du baril à l’international conjugué à un retour de l’activité économique à des niveaux normatifs », explique CFG Bank.
Le Maroc a poursuivi le processus de libéralisation de son régime de change à travers l’élargissement de la bande de fluctuation de +/- 2,5% à +/- 5,0% en mars 2020. La réforme du régime de change permettra de renforcer la capacité de l’économie marocaine à absorber les chocs externes, soutenir sa compétitivité et contribuer ainsi à améliorer sa croissance.
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bonsoir, j’aurai besoin de l’étude de CFG Bank, si c’est possible bien sûr. Merci beaucoup pour cette article, qui ,à la fois très enrichissant et bien structuré.