Pendant les quatre années qui ont précédé la pandémie de COVID-19 (2016-2019), la croissance des salaires au niveau mondial a oscillé entre 1,6 et 2,2 pour cent. Si l’on exclut la Chine de l’échantillon, la croissance des salaires réels pendant ces quatre années a fluctué à un moindre niveau, entre 0,9 et 1,6 pour cent.
Dans les économies avancées des pays membres du G20, la croissance des salaires réels a varié entre 0,4 et 0,9 pour cent, alors qu’elle a augmenté plus rapidement – entre 3,5 et 4,5 pour cent annuellement – dans les pays émergents du G20.
«Au premier semestre 2020, en raison de la crise du COVID-19, on a observé une pression à la baisse sur le niveau ou sur le taux de croissance des salaires moyens dans deux tiers des pays pour lesquels on dispose de données récentes», apprend-on dans le récent rapport sur les salaires 2020-2021 publié par l’Organisation internationale du travail (OIT).
Dans les autres pays, le salaire moyen a augmenté de façon largement artificielle, reflétant les suppressions d’emploi conséquentes qui ont touché les travailleurs faiblement rémunérés. En temps de crise, le niveau du salaire moyen peut évoluer de manière significative simplement en raison de changements majeurs dans la composition de l’emploi, ce que l’on appelle «l’effet de composition». Au Brésil, au Canada, aux États-Unis, en France et en Italie, les salaires moyens ont visiblement augmenté en raison des suppressions d’emplois qui ont frappé essentiellement celles et ceux qui se situent au bas de l’échelle salariale. Au contraire, on a observé une pression à la baisse du salaire moyen en République de Corée, au Japon et au Royaume-Uni.
Dans les pays dans lesquels des mesures énergiques de maintien des emplois ont été mises en œuvre ou étendues, la hausse du chômage a été modérée, de manière telle que les effets de la crise ont pu se manifester plus nettement par une pression à la baisse sur les salaires plutôt que par des pertes énormes en matière d’emploi.
La crise n’a pas eu les mêmes conséquences pour les hommes que pour les femmes, ces dernières étant touchées de manière disproportionnée. En se basant sur une sélection de pays européens, le rapport estime que, sans le versement de subventions salariales, la masse salariale totale aurait baissé de 6,5 pour cent entre le premier et le deuxième trimestre 2020. En ce qui concerne les femmes, la masse salariale aurait baissé de 8,1 pour cent, et de 5,4 pour cent pour les hommes. Un tel écart est surtout la conséquence de la réduction des heures travaillées plutôt que d’une différence au niveau du nombre de licenciements. La masse salariale perdue en raison de la baisse des heures travaillées était de 6,9 pour cent pour les femmes, contre 4,7 pour cent pour les hommes. La crise a touché de manière disproportionnée les travailleurs faiblement rémunérés, en aggravant les inégalités salariales.
Des études ont montré que, dans de nombreux pays, la baisse du nombre d’heures travaillées a eu un impact sur les métiers peu qualifiés, en particulier les professions élémentaires, plutôt que sur les métiers d’encadrement et sur les emplois qualifiés mieux rémunérés.
Dans certains pays européens, le rapport estime que, sans les subventions salariales, la moitié des travailleurs les moins bien rémunérés auraient perdu environ 17,3 pour cent de leur salaire, ce qui est, de loin, supérieur à la baisse d’environ 6,5 pour cent qui serait enregistrée pour l’ensemble des travailleurs. En conséquence, la part de la masse salariale totale de celles et ceux qui se situent dans la moitié inférieure de la distribution des salaires – qui permet de mesurer les inégalités – aurait baissé d’environ 3 points de pourcentage, de 27 à 24 pour cent sur la moyenne de la masse salariale totale, alors que, de son côté, la part de la moitié supérieure de la distribution aurait augmenté de 73 à 76 pour cent.
Cependant, l’existence de subventions salariales temporaires a permis à de nombreux pays de compenser en partie la chute de la masse salariale et d’atténuer les effets de la crise sur les inégalités en matière de salaires. À travers le monde, de nombreux pays ont introduit des subventions salariales ou encore ils ont étendu celles qui existaient déjà afin de sauvegarder des emplois durant la crise.
Sur un échantillon de 10 pays européens pour lesquels on dispose de données, le rapport estime que les subventions salariales ont permis de compenser 40 pour cent des pertes en termes de masse salariale totale, y compris la chute de 51 pour cent de la masse salariale causée par la baisse du nombre d’heures travaillées. Les subventions salariales ont également permis de modérer les effets de la crise sur les inégalités en matière de revenus en raison du fait que les principaux bénéficiaires étaient aussi ceux qui ont été les plus touchés par la crise, en l’occurrence les travailleurs occupant les emplois les moins rémunérés.
En ayant pour objectif d’apporter un soutien aux travailleurs faiblement rémunérés, de nombreux pays dans lesquels il existe un ajustement régulier du salaire minimum ont appliqué les augmentations programmées au premier semestre 2020. Les études montrent qu’au beau milieu de la crise, dans les 60 pays dans lesquels on procède à un ajustement du salaire minimum de manière régulière, toutes les augmentations attendues au premier trimestre 2020 ont eu lieu comme anticipé et que 6 pays sur 9 qui opèrent généralement un ajustement au deuxième trimestre ont respecté la date prévue. Parmi les 87 pays qui ajustent le salaire minimum de manière sporadique, 12 ont augmenté leur salaire minimum au premier semestre 2020, soit un nombre moins élevé que l’année précédente. Cela semble indiquer que la crise du COVID-19 a pu pousser certains gouvernements à reporter l’ajustement potentiel prévu cette année.