Interviewé par Lamiae Boumahrou I
Le Président de la région Rabat-Salé- Kénitra, Rachid El Abdi, revient dans cette interview sur les vrais défis à relever pour réussir cette 2ème phase du chantier de la régionalisation avancée qui sera marquée par l’accélération.
EcoActu.ma : Vous êtes à la tête de la région Rabat-Salé-Kénitra depuis septembre 2021. Vous avez pris le train de la régionalisation avancée en marche. Quel bilan dressez-vous de ces trois années d’exercice à la tête de la région ?
Rachid El Abdi : Cette 2ème édition des Assises de la régionalisation avancée est l’occasion de diagnostiquer l’élan qu’a pris ce processus stratégique et irréversible.
C’est un processus où on a une feuille de route très claire et précise. D’ailleurs, la lettre Royale adressée aux participants des Assises nous a donné une vision sur la démarche à entreprendre pour relancer ce processus. Il s’agit d’une deuxième série de processus qu’il faudra entamer avec 9 priorités qui ont été identifiées à savoir les compétences, la reddition des comptes, la question de l’eau, le financement…
Aujourd’hui nous ne pouvons pas dresser un bilan de la régionalisation avancée car le processus est continuellement évolutif.
Ce que nous pouvons relever ce sont les points forts, les faiblesses ainsi que les contraintes. Nous pouvons toutefois nous prononcer sur ce qu’il faut faire dans l’avenir notamment sur les visions que nous devons entreprendre tout en nous adaptant avec cet environnement qui est instable.
Le mot d’ordre de cette nouvelle étape du processus de la régionalisation avancée sera l’accélération que gouvernement et régions devront enclencher. Quels sont, selon vous, les garde-fous à mettre en place pour garantir que cette nouvelle orientation ne reste pas lettre morte ?
En effet, nous devons passer à une vitesse supérieure en adoptant un nouveau modèle de gouvernance et de process. Effectivement, il y a une bonne convergence notamment des départements, des territoires et des politiques.
Nous sommes en phase d’asseoir les termes du texte organique de la régionalisation et de le compléter. Mais en même temps, nous sommes en train d’asseoir les politiques publiques que nous ne sommes pas les seuls responsables à mettre en place mais aussi le gouvernement, les départements ministériels, les établissements publics, les agences, la société civile et les régions ainsi que les collectivités territoriales de tous les niveaux, que ce soit provincial, que ce soit local. Donc nous devons travailler ensemble sur des thématiques qui sont bien prises.
Il faudra tout de même une instance capable de rassembler tout le monde autour de la table, de travailler sur le projet et de ne pas avoir d’autres projets en parallèle qui peuvent éventuellement perturber le projet principal. Donc, c’est une vision globale qui demande de l’expertise et beaucoup de compétences. Le Maroc est en train de se faire.
Avec 9 ans d’exercice, le chantier de la régionalisation avancée est encore jeune.
Nous pouvons toutefois être fiers des prouesses que nous avons réalisées. Le Maroc a son propre modèle qui se développe de jour en jour. SM a donné la feuille de route. Nous y sommes dedans.
Et je pense que cette vitesse va s’accomplir dans peu de temps parce qu’il y a de la volonté. Il y a beaucoup de patriotisme vu qu’il s’agit d’un chantier national qui nous tient à cœur. Aujourd’hui, nous avons un agenda très probant, fort et lourd. Nous devons être à la hauteur des ambitions de cet agenda.
Qui dit accélération de la régionalisation dit accélération de la décentralisation et de la déconcentration. Est-ce qu’aujourd’hui les régions sont-elles prêtes pour assumer pleinement le rôle qu’il leur incombe aussi bien sur le plan des compétences, du savoir-faire mais aussi du financement ?
Certes, pour réussir ce chantier, c’est tout l’écosystème qui doit bouger et devenir dynamique. La régionalisation ne concerne pas uniquement le Conseil de la région mais toutes les institutions qui participent à la prise de décision et à la concrétisation de cette vision.
Le Conseil en fait partie mais il faut donner plus de pouvoir à l’administration territoriale et donc accélérer la déconcentration qui est en train de se faire, mais avec une vitesse pas trop rapide.
La feuille de route dictée par SM le Roi dans sa lettre royale a été claire à ce sujet. Il faut passer directement à la déconcentration. La prise de décision locale et territoriale doit se faire d’une manière efficace, avec un meilleur agencement et pour une meilleure optimisation. Ce qui nous ramène vers les projets qui sont à étudier d’ici 2030 qui demandent des fonds, du financement et une bonne mobilisation de tous les partenaires.
Aujourd’hui, le budget alloué aux régions est très insuffisant pour achever des projets stratégiques, lourds, structurels, dans des créneaux qui demandent de l’expertise.
Qu’en est-il précisément du financement ?
Certes il y a eu un renforcement de l’arsenal juridique en 2022 relatif à d’autres formes de financement notamment la titrisation, la contraction des créances obligataires…
Mais la vraie question : l’écosystème est-il prêt aujourd’hui ? Car travailler avec les institutions internationales demande une expertise et une expérience. Aujourd’hui, la seule expérience que nous avons est celle de la ville d’Agadir qui s’est ouverte sur le marché privé.
Est-ce qu’il faut vraiment une volonté politique ou bien une volonté administrative ? Ou bien faut-il passer à un autre mode, celui de « restons tous ensemble et trouvons des solutions dans l’immédiat avec nos moyens ».
Je pense que nous devons aller vers l’avant tout en évaluant les risques.