Les délais de paiement ont connu une certaine embellie mais ils restent pour autant longs. C’est la révélation phare de la quatrième enquête de Coface sur le comportement de paiement des entreprises au Maroc.
La problématique des délais de paiement continue à peser de tout son poids sur l’économie nationale. Si les efforts déployés par les pouvoirs publics sont perceptibles sur les délais de paiement appliqués par l’Etat (Observatoire et plateforme électronique Ajal), les crédits interentreprises demeurent élevés.
En vue de suivre l’évolution des délais et des retards de paiement, Coface a réalisé sa quatrième enquête sur le comportement de paiement des entreprises au Maroc. Cette 4ème édition de l’enquête interroge les entreprises sur leur expérience au cours des 6 derniers mois et sur leur anticipation pour les 6 prochains mois. L’échantillon est de 175 entreprises de différents secteurs (textile-habillement, Papier-Bois, Automobile, pharmaceutique, Chimie…).
Les résultats de la présente enquête font ressortir que les délais de paiement contractuels restent longs, atteignant, en moyenne, 93 jours. « Bien que toujours élevés, ceux-ci enregistrent une légère amélioration, se raccourcissant d’environ 5 jours par rapport à notre enquête conduite fin 2017 », font savoir les analystes de Coface. Ils suggèrent également que les retards de paiement restent très répandus puisque plus de la moitié de notre échantillon indiquent en avoir connu excédant trois mois au cours du dernier semestre.
Pour l’exercice 2019, les opérateurs économiques s’attendent à ce que les délais de paiement évoluent de pair avec la conjoncture économique et anticipent donc majoritairement une stabilisation de la situation économique et des délais de paiement. Pour l’année en cours, Coface prévoit une hausse de 3% en 2019 vs 2,9% en 2018. En 2018, les entreprises n’ont pas perçu la détérioration de la croissance par rapport à 2017 (un taux de croissance économique 4,1%). Ce paradoxe s’explique partiellement par la normalisation du climat politique par rapport à l’année 2017, marquée par une vacance de l’exécutif pendant cinq mois qui s’était traduite par une hausse de 40% des défaillances des entreprises au premier trimestre et par le bocage des paiements sur les marchés publics.
La persistance des délais de paiement résulte essentiellement de la loi sur les délais de paiement qui peine à être mise en vigueur. Faute de texte d’application sur les indemnités de retard et les délais spécifiques aux entreprises en difficulté, les abus restent permis. Il a été même révélé que malgré les progrès enregistrés dans les classements internationaux en matière de climat des affaires, les délais de paiement restent allongés. Ces derniers se muent en factures impayés. Les factures impayées représentent plus de 20% du chiffre d’affaires de ¼ des entreprises sondées. La Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) estime que les retards de paiement et impayés seraient responsables de 40% des défaillances d’entreprises au Maroc.
50% des entreprises ne respectent pas le délai légal maximum fixé entre 60 et 90 jours
Le crédit inter-entreprises au Maroc reste largement dominé par des délais de paiement longs : 84 % des entreprises ayant répondu à l’enquête indiquent des délais moyens dépassant les 60 jours, les délais dépassent même les 90 jours pour plus de 60 % de cet échantillon. Ces résultats suggèrent que plus de la moitié des entreprises ne respecte pas le délai légal maximum fixé entre 60 et 90 jours.

Source: Coface
Près de la moitié des entreprises interrogées ont constaté des délais de paiement maximaux supérieurs à 180 jours. C’est dire que la pratique au Maroc reste marquée par des délais de paiements ultra-longs.
Néanmoins, en comparaison la dernière enquête de Coface, le délai de paiement moyen estimé a diminué de 5,4 jours, passant de 99 à 93 jours. La part des entreprises observant des délais de paiement de 60 à 90 jours a notamment augmenté de 4,3 points de pourcentage. Cette évolution est cohérente avec la perception des entreprises interrogées. Lorsque les clients sont des entreprises privées, la majorité des répondants indiquent avoir constaté une amélioration au cours du dernier semestre.
Lorsque les clients sont des entreprises multinationales étrangères, la plupart des répondants estiment que les délais de paiement sont restés stables. Il est néanmoins à noter que la part des entreprises notant un raccourcissement des délais a sensiblement augmenté en comparaison avec les deux dernières enquêtes de Coface.
La prudence est de mise
Comme dans la précédente enquête, les retards de paiement restent très répandus : 49,4 % de l’échantillon indiquent avoir connu des retards de paiements moyens excédant trois mois (90 jours). Pour 8 % des entreprises, ces retards excèdent même six mois (180 jours).
En ce qui concerne les anticipations, celles-ci oscillent entre prudence et optimisme.
Alors que les délais de paiement moyens se sont stabilisés à un niveau relativement élevé d’après les deux dernières enquêtes, près de la moitié (49,1 %) des entreprises anticipent que ceux-ci resteront stables dans les six prochains mois, tandis qu’un tiers (33,1 %) prévoient qu’ils s’allongeront.
Ces résultats sont relativement cohérents avec la perception de l’évolution de l’environnement économique : 47 % des entreprises augurent d’une conjoncture relativement stable. Seuls 13 % des entreprises interrogées se montrent optimistes sur les perspectives économiques marocaines reflétant les 18 % d’entreprises interrogées espérant une diminution des délais de paiement sur la période.
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