Il ressort des derniers chiffres publiés que le secteur du BTP maintient son redressement pour le deuxième mois consécutif avec une hausse des ventes de ciment.
Pour en savoir davantage si réellement la reprise du ciment est un signe de relance du secteur, EcoActu.ma a contacté David Toledano, Président de la Fédération des industries des matériaux de construction (FMC).
EcoActu.ma : Depuis le début de l’année, le secteur du ciment a renoué avec la croissance en réalisant des hausses de ventes de 4,8%. Pouvons-nous parler réellement de signe de relance du secteur en se basant uniquement sur une seule composante à savoir les ventes de ciment ?
David Toledano : Oui et non. Effectivement, nous avons constaté avec satisfaction une reprise des ventes de ciment. Toutefois, cette amélioration est le signe d’une reprise qui va mettre un peu de temps à se mettre en place vue que nous repartons de très bas.
Malheureusement, force est de constater que nous ne retrouvons pas cette performance dans les autres secteurs des matériaux de construction où la situation est plutôt difficile et délicate. Le cas des céramistes dont beaucoup ont carrément décidé d’arrêter la production pendant 1 à 2 mois en raison d’un stock important qu’ils n’arrivent pas à écouler.
L’approche du mois sacré, marqué par un ralentissement de l’activité, ne fait que compliquer la situation pour toutes les autres branches.
Acier, briqueterie, marbre, béton…, ces secteurs non seulement souffrent de la morosité du marché mais font face à une importation massive des matériaux de construction.
Alors pourquoi continuons-nous à mesurer la performance du secteur à travers cet indicateur ?
Nous ne pouvons pas se fier uniquement à la consommation du ciment comme indicateur clé du BTP. Les chiffres de ciment sont des chiffres fiables sur lesquels on peut s’appuyer pour évaluer la tendance. Toutefois, je pense qu’il ne faut plus se limiter uniquement à cet indicateur au moment de réaliser les statistiques mais prendre également en considération les chiffres des carreaux, de l’acier, des produits en béton et d’autres.
Même si les chiffres de ces derniers sont moins fiables que ceux du ciment. Cela dit, il va falloir à un moment donné inclure toutes les composantes de secteur comme le fait déjà Bank Al-Maghrib. Les industriels marocains doivent s’habituer à communiquer leurs chiffres, leurs productions, leurs stocks…, au même titre que les ciments pour avoir une meilleure visibilité du secteur.
Qu’en est-il de l’immobilier, sommes-nous sur une tendance positive ?
Pour l’immobilier, la décélération des crédits à l’immobilier témoigne de la morosité du secteur. Aujourd’hui, je pense qu’il ne faut plus parler de crise mais plutôt de changement de structure, de mentalité, de paradigme…
Pour le social et l’économique, il faut revoir la politique en allant vers des régions moins saturés.
Cela dit, à l’approche de l’échéance 2020, l’Etat et les promoteurs doivent revoir la politique à mettre en place pour soit continuer à privilégier ce logement soit laisser libre cours au marché pour satisfaire les demandes et besoins.
Quant au segment de l’immobilier de standing, il y a une reprise notamment à Tanger, Casablanca, Rabat et Marrakech même si la tendance des prix diffère d’une ville à une autre. A Rabat par exemple les prix ont augmenté allant jusqu’à 25% en moins de 4 ans tandis que dans d’autres villes les prix ont soit fléchi soit stagné.
Ce segment se porte plutôt bien et répond à la demande du marché qui est libre et qui va s’équilibrer en fonction de l’offre, de la demande et des lois du marché.
Pour mettre fin à cette léthargie, vous n’avez cessé d’appeler les pouvoirs publics pour s’orienter vers de nouveaux moteurs de relance. Cet appel a-t-il été pris en compte ?
Certes les pouvoirs publics planchent vers de nouveaux moteurs. Cependant, il n’y a pas de formule magique qui va remettre les choses en place d’un jour à l’autre. Ce qu’il faut noter c’est que dans ce secteur il y a une question fondamentale à savoir la confiance. Une confiance qui aujourd’hui est ébréchée à cause des rumeurs et des bruits de couloir qui ne sont pas sains pour le secteur. Il faut plus de transparence, de clarté et surtout plus de visibilité. Certes il y a une réflexion unanime pour penser à une nouvelle stratégie pour relancer le secteur. Mais ce n’est pas facile. Il y a énormément de contraintes.
L’enjeu aujourd’hui est de redonner confiance aux acquéreurs, aux promoteurs, aux investisseurs, aux usines et à tout le secteur du BTP. Faut-il rappeler que les opérateurs souffrent de plusieurs contraintes notamment les délais de paiement, la baisse des prix des marchés publics, classification et qualification des opérateurs…
Il faut donc aller vite dans la prise de décision et dans l’action pour rattraper le retard et réinstaurer la confiance.
Les Assises de la Fiscalité qui se tiendront en mai prochain sont très attendues par tous les opérateurs. En tant que FMC qu’attendez-vous concrètement de ces Assises et comment vous vous y préparez ?
Ce qui nous préoccupe le plus ce sont les taxes parafiscales qui pénalisent les bons élèves. Rappelons qu’elles ont été adoptées à un moment où il y avait véritablement un besoin et un cercle vertueux qui est dépassé. Aujourd’hui il y a une déviation dans l’utilisation de ces fonds. C’est ce qui nous préoccupe depuis maintenant 2 ans.
Nous ne savons pas si la question sera à l’ordre du jour des Assises mais nous espérons qu’elles seront l’occasion d’apporter plus de clarification, de sérénité, d’éthique et d’équité fiscale. L’objectif est aussi d’éviter les psychoses que certains opérateurs économiques ont connues depuis quelques mois en se retrouvant, pour une raison ou autre, sous la sellette à cause d’une problématique fiscale.
Pour conclure, j’espère qu’il y ait une prise de conscience collective de cet état de semi-léthargie du secteur et qu’on puisse ensemble faire redémarrer le secteur et, par conséquent l’économie.
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