Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Bien que devenue obligatoire après l’entrée en vigueur de la loi-cadre sur la fiscalité, l’évaluation des exonérations fiscales ne se fait toujours pas. Pour le cas de l’immobilier, un nouveau dispositif a été adopté sans l’évaluation de l’ancien système. Un système qui continue de générer des dépenses fiscales estimées à 2,628 Mds de DH en 2022.
Parmi les dépenses fiscales qui pèsent lourdement sur le budget de l’Etat, celles relatives aux exonérations fiscales. En effet, le Maroc figure parmi les pays ayant adopté plusieurs exonérations fiscales dans plusieurs secteurs d’activité.
Bank Al-Maghrib avait tiré la sonnette d’alarme dans son rapport sur la situation économique fin 2021 sur l’impact de ces exonérations sur la croissance du pays. « Les nombreuses niches d’exonérations dont certaines sont reconduites depuis de longues années se traduisent par un manque à gagner pour l’Etat de près de 2,5% du PIB annuellement », avait soulevé BAM.
Outre l’impact financier, ces exonérations fiscales ne font l’objet d’aucune évaluation. Et c’est là où le bât blesse. L’évaluation de ce dispositif est pourtant obligatoire. Rappelons que l’analyse coût/bénéfice économique et social des exonérations est devenue un exercice obligatoire avec l’entrée en vigueur de la loi-cadre sur la fiscalité.
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L’article 8 de ladite loi précise que « les incitations octroyées doivent faire l’objet d’une évaluation régulière de leur impact socio-économique afin de les maintenir, les réviser ou les supprimer selon le cas ».
Malheureusement, à ce jour on ignore si le gouvernement s’est mis à cet exercice ou pas. Le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa avait pourtant déclaré en novembre 2021 devant la commission des Finances que les rapports sur l’évaluation de chaque mesure incitative fiscale étaient prêts et qu’ils seraient partagés incessamment avec les députés. Un an après, ces derniers n’ont toujours rien reçu nous a affirmé un député.
On se demande d’ailleurs comment le gouvernent a adopté un nouveau mécanisme de soutien au logement à savoir l’aide directe adoptée dans le cadre de la LF 2023 sans réaliser une évaluation de l’ancien système (exonérations fiscales) ?
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Il faut tout de même rappeler que bien que les incitations fiscales dédiées au logement social aient échoué fin 2020, les exonérations courent toujours. Comme nous l’avions annoncé, les promoteurs immobiliers ont continué à produire des logements sociaux bien après 2020 avec les mêmes conditions et les mêmes prix de vente. La raison, la fin de ce dispositif ne concernait pas les conventions signées entre l’Etat et les promoteurs immobiliers avant la date d’échéance.
Preuve en est, le coût des exonérations des logements sociaux s’élève à 2,628 Mds de DH durant l’exercice 2022, contre 2,5 Mds de DH en 2021 et 2,623 Mds de DH en 2020 (Rapport sur les dépenses fiscales).
Ces exonérations concernent les opérations de cession de logements sociaux à usage d’habitation principale dont la superficie couverte est comprise entre 50 m² et 80 m², et le prix de vente n’excède pas 250.000 DH/HT. Il ressort que le coût de cette mesure est resté inchangé même après la fin de cette disposition.
Cela dit, l’évaluation des exonérations fiscales devraient figurer parmi les priorités de l’Exécutif afin de garantir la mise en œuvre effective de la loi sur la fiscalité et ainsi permettre d’atténuer le problème de concentration de la pression fiscale sur un nombre réduit d’entreprises et de catégories de contribuables pour ne citer que les salariés.