Les prix des matières premières, dans la phase postCovid, continuent à servir d’indicateur informatif appréciable dans l’établissement des prévisions conjoncturelles. Cependant, considérés comme indicateurs précoces de l’inflation mondiale, ils seraient d’une utilité moindre quand ils sont sollicités pour prédire l’évolution réelle de l’économie.
Celle-ci doit faire appel à des indicateurs composites à l’exemple de ceux développés par l’OCDE pour les pays membres et associés, afin de tenir compte du fait que les variations des prix sont, essentiellement, tributaires de la demande et/ ou de l’offre.
« Une ambivalence que le FMI considère qu’elle peut être prise en charge par la corrélation significative (0,67) observée entre le taux de croissance mensuelle de l’indice des prix des matières premières et la production industrielle en glissement annuel », rappellent les analystes du Centre Marocain de Conjoncture. Ce subterfuge permet de tirer avantage de la collecte et de la disponibilité, en temps réel, des prix des matières premières dans l’analyse des marchés et comme indicateurs de l’état de santé de l’économie mondiale.
« Doit-on, alors, s’inquiéter de « l’épidémie » de la flambée des prix des matières premières essentielles sur les marchés internationaux, enclenchée à l’aube de l’année 2021, subséquente à la crise Covido-économique ? », s’interroge à juste titre le CMC. Selon les données de la Banque Mondiale, l’indice des prix des produits énergétiques a connu au premier semestre 2021 un sursaut de 63%, en glissement annuel.
Parallèlement, les prix non énergétiques ont vu leur indice s’accroître de 36% dans une combinaison de hausses des métaux de base (53%), des fertilisants (45%) et des produits alimentaires (34%).
Les prix du pétrole Brent flirtent avec 85$ à la fin de cette première quinzaine du mois d’octobre, alors qu’ils ne s’affichaient qu’à hauteur de 63 $ il y a 6 mois. Une remontée orchestrée par l’OPEP+ dans une gestion prudente de l’offre, pour canaliser le rebond de la demande induit par une meilleure maîtrise de la pandémie coronarienne et les appels à la relance économique. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) la détérioration historique de l’offre (-9 mbj) de 2020 sera largement compensée par de consistantes croissances en 2021 et 2022, estimées respectivement à 5,4 mbj et 3,0 mbj.
Les cours du gaz naturel présentent les records de la décennie, entraînant une réduction voire une cessation de nombreuses activités de production. Le gaz butane s’est négocié, en juillet 2021, à 631 $ la tonne, son plus haut niveau depuis.
Les stratégies de développement des énergies vertes sur le long terme, dans le cadre de la transition énergétique, ouvrent des perspectives favorables aux prix gaziers. À plus court terme, ces prix sont frappés d’incertitudes en liaison avec les aléas qui accompagnent la relance économique et l’éventuelle reprise de l’exploitation des gaz de schiste américains. Sur un autre registre, les phosphates ont culminé à leur plus haut niveau depuis 2013 pour égaler 125 $/tonne en juin 2021.
Une tension qui reste vigoureuse et qui est prédestinée à durer sur le marché des engrais azotés, guidés par quatre pays qui absorbent l’essentiel du phosphate diammonique (DAP) : la Chine, les États-Unis, le Brésil et l’Inde. Au Maroc les fédérations de défense des droits des consommateurs (FNAC et FMDC) soutiennent que l’évolution des cours mondiaux n’a pas été sans se répercuter sur le Royaume, sous l’effet de la logique d’ouverture du marché national largement libéralisé. Les hausses ont d’abord été ressenties au niveau des matériaux de construction, pour s’étendre à l’industrie agroalimentaire (IAA)…
Un secteur solidement soumis au diktat des fournisseurs internationaux qui le ravitaillent en intrants et partant impactent les coûts de fabrication des produits locaux. Cela étant, la Fédération nationale de l’agroalimentaire (FENAGRI) déplore l’incapacité des opérateurs locaux à prédire la tendance des marchés mondiaux ; ce qui handicape leur propension à assumer une compétitivité qui garantit un rapport qualité/prix satisfaisant pour le consommateur marocain.
En ce qui concerne les produits énergétiques fossiles, certaines analyses seraient rassurantes pour les pays importateurs comme le Maroc. En effet, des experts, dont Francis Perrin, prédisent un déclin des prix sur le long terme et excluent l’installation de longs cycles pétroliers, compte tenu de la fluctuation de la demande.
Ce, d’autant plus que des non-deals peuvent être provoqués par certains pays de l’OPEP+ qui augmenteraient leur quote-part afin de tirer profit des augmentations de circonstance. L’hypothèse d’un aboutissement des négociations entre l’Iran, les États-Unis et l’Union Européenne sur le nucléaire tirerait, pareillement, les prix vers le bas.
Enfin, si un contenu est donné à l’accord sur le changement climatique, signé à Paris en 2015 par 195 pays, la part des énergies fossiles dans la consommation mondiale se rétrécirait et partant, libérerait une dynamique de long terme de l’énergie non carbonée.