Il n’est pas exagéré de dire que la guerre en Ukraine est venue métastaser une économie mondiale fragilisée par deux ans de la pandémie du Covid-19. L’impact économique prend à la gorge quasiment toutes les économies du monde. Le Maroc n’est pas en reste : croissance essoufflée et inflation galopante !
Il y a une citation « L’acte essentiel de la guerre est la destruction, pas nécessairement de vies humaines, mais des produits du travail humain. La guerre est le moyen de briser [… ] les matériaux qui, autrement, pourraient être employés à donner trop de confort aux masses et, partant, trop d’intelligence en fin de compte », de George Orwell qui sied parfaitement la conjoncture économique et géopolitique mondiale actuelle.
Après deux années de pandémie, la guerre en Ukraine est venue métastaser une économie mondiale en espoir de rémission. L’enthousiasme de la reprise n’a que très peu duré avant n’éclate cette guerre qui semble être interminable. Effectivement, il y a cette impression que le temps s’écoule très lentement dans les situations difficiles voie de détresse.
Et tous les pays semblent en souffrir, bien qu’à des degrés variables.
En effet, les économies déjà chahutées par la perturbation de l’approvisionnement et la flambée des prix, sont aujourd’hui aux prises avec une inflation galopante au moment où la croissance évolue dans des eaux troubles.
Et c’est un véritable coup de massue qu’a reçu l’économie mondiale avec cette guerre qui a provoqué un choc d’offre de grande ampleur. Elle a rendu la circulation des marchandises plus lente et plus chère, voire même menacé leur disponibilité, le cas des denrées alimentaires ou de base.
« Bien que la Russie et l’Ukraine aient un poids relativement modeste en termes de production (2 % environ du PIB mondial aux prix du marché et une proportion similaire du commerce mondial total), ce sont de gros producteurs et exportateurs de produits alimentaires, d’intrants agricoles, de minerais et de produits énergétiques essentiels », soutiennent les conjoncturistes.
Aussi, le CMC rappelle-t-il que les chaînes d’approvisionnement mondiales dépendent des exportations de métaux en provenance des deux pays. La Russie est une source majeure de métaux : le titane, utilisé dans l’aéronautique ; le palladium, l’aluminium, le platine, ou le nickel employé pour la production d’acier et la fabrication de batteries. Les deux pays disposent également de réserves d’uranium importantes à l’échelle mondiale. Les prix de nombre de ces matières premières ont fortement augmenté depuis le début de la guerre.
La Russie et l’Ukraine sont également des sources de gaz rares utilisés dans la fabrication de semi-conducteurs, un exemple frappant est celui du néon purifié dont l’Ukraine assurait avant la guerre 70 % des exportations mondiales. L’Ukraine est aussi un fournisseur de premier plan de câblages.
Certains secteurs qui étaient très dynamiques en ont été affectés. Le cas de l’automobile.
Selon Fitch Rating, déjà en 2019 la pénurie d’intrants devait coûter 5 % de la production mondiale de l’industrie automobile, soit une perte de 3,8 millions de voitures. Plus récemment, en avril 2022, les immatriculations de voitures neuves en Europe ont chuté de 25 % par rapport à l’an dernier.
L’importante pénurie des semi-conducteurs, y a largement contribué. Les produits agricoles ne sont pas épargnés. Ce n’est pas seulement le prix des aliments qui a augmenté, mais aussi celui des intrants industriels ainsi que leur disponibilité.
Le prix des engrais a encore pris 10% au premier trimestre 2022 après la hausse de 80% en 2021 et le prix de l’énergie a explosé. Ceci devrait réduire l’utilisation des intrants, notamment dans les pays en développement, et par conséquent affectera les disponibilités alimentaires, et les revenus et niveaux de vie des populations pauvres.
Et les effets de cette guerre n’ont pas fini ! « Alliée à la politique « zéro Covid » de la Chine, qui a reconfiné plusieurs villes, dont Shanghai de mars à mai 2022, la guerre a amplifié les pressions inflationnistes et entraîné l’économie mondiale sur une trajectoire de ralentissement de la croissance », soutient le CMC.
Le conflit exacerbe, en effet, la montée vertigineuse des prix. Le FMI table sur une inflation de 5,7 % cette année pour les pays avancés (+1,8 point) et de 8,7 % (+2,8 points) pour les économies émergentes et en développement.
Selon les projections très récentes de l’OCDE, la croissance du PIB mondial devrait ralentir pour s’établir à 3 % en 2022 et entre 2,75 et 3 % en 2023.
Dans les économies de l’OCDE, l’Organisation anticipe maintenant que la croissance ralentira pour s’établir à 2,7 % en 2022 et à 1,6 % en 2023, le niveau de la production en 2023 étant inférieur d’environ 2 points au niveau prévu précédemment.
Le coût économique de la guerre menée par la Russie en Ukraine frappe durement les pays européens. L’UE a réduit ses prévisions de croissance en les faisant passer de 4 à 2,7 % pour cette année et de 2,8 à 2,3 % pour 2023.
La prévision de croissance pour l’Allemagne de 1,6% est l’une des plus faibles en Europe. L’Allemagne avec son écosystème industriel est fortement intégrée aux pays voisins dont l’Ukraine.
Cette baisse du PIB en Europe jette également son ombre sur le Maroc dont la zone euro est un des gros marchés partenaires. Autant dire qu’avec les prévisions de croissance les plus basses de la région MENA (1,1% en 2022 selon le FMI et 1% selon BAM), le Royaume est aujourd’hui face à véritable défi de relance de la machine économique et amortir cette reprise mise en berne à cause de la guerre en Ukraine, mais aussi une grande dépendance du secteur agricole aux caprices du ciel.
Rien qu’au terme du T1 de 2022, la croissance a plongé à 0,3% selon le HCP et une baisse de 14,3% des activités agricoles, un repli qui met la lumière sur les questions en lien avec la sécurité alimentaire.
L’autre menace est qu’aux prix courants, le PIB a connu une hausse de 4,3% au lieu de 3,7% une année auparavant, dégageant ainsi une augmentation du niveau général des prix de 4% au lieu de 1,7%.
Ce qui se traduit par un net ralentissement de la demande intérieure, passant de 6,8% durant le même trimestre de l’année précédente à 0,7%, contribuant ainsi pour 0,8 point à la croissance économique nationale au lieu de 6,8 points.
La prolongation de la guerre en Ukraine risque de fragiliser davantage les perspectives de croissance en 2023. Ainsi, selon les projections dévoilées après le Conseil de BAM de juin 2022, la croissance reviendrait à 2,4% en 2022 après 5,7% une année auparavant puis à 1,9% en 2023 aux Etats-Unis. Dans la zone euro, la progression du PIB en volume ralentirait de 5,4% en 2021 à 2,6% en 2022 puis à 1,2% en 2023. Reste à croiser les doigts que ceux taux timides n’impactent pas le Maroc où BAM prévoit une croissance de 4 % en 2023 (2% d’inflation).
Une hypothèse qui reste bien évidemment tributaire de la durée de la guerre en Ukraine mais aussi de ce que nous réserve la prochaine campagne agricole.