Ecrit par Lamiae Boumahrou |
A quelques semaines de la publication du rapport annuel du Conseil de la Concurrence sur la situation de la concurrence, notamment dans le marché des hydrocarbures liquides, l’étau se resserre sur les distributeurs. C’est la lecture que l’on fait de la bombe que viennent d’éclater les propriétaires de stations-services.
Dans ce secteur où la discrétion est une devise, la Fédération Nationale des propriétaires, commerçants et Gérants des Stations de Services au Maroc vient de publier un brûlot qui ne va pas manquer de secouer le dossier des hydrocarbures.
Dans un communiqué pour le moins incendiaire, les gérants de stations-services mettent au grand jour une mesure surprise de deux sociétés à savoir OLA Energy Maroc et Winxo qui viennent de distribuer des « engagements suspects » rétroactifs, selon la Fédération, obligeant les gérants à affirmer qu’ils assument la responsabilité de fixation des prix à la pompe au niveau des stations. En d’autres termes, ils assument la responsabilité de fixation de la marge bénéficiaire de gain. D’après la Fédération, ces distributeurs auraient même menacé d’arrêter l’approvisionnement si les propriétaires ne se plient pas à leur exigence précise la Fédération.
Une mesure louche eu égard au timing de cette action qui coïncide avec l’enquête sur l’entente des prix sur laquelle planche depuis une éternité le Conseil de la Concurrence. Les distributeurs d’hydrocarbures, du moins les deux mentionnés dans ledit communiqué, cherchent-ils à faire porter le chapeau aux propriétaires et gérants des stations ?
Contacté par nos soins, le président de la Fédération déplore cette démarche inadmissible qui devait être prise depuis la libéralisation du marché des hydrocarbures.
« Les propriétaires et les gérants sont tenus par des contrats exclusifs avec un seul distributeur qui en quelque sorte impose ses conditions. Concernant les marges de gains des propriétaires de stations-services, je tiens à informer qu’elles n’ont pas changé depuis 23 ans », nous explique Jamal Zrikem, président de la Fédération nationale des propriétaires, commerçants et gérants des stations–service.
Pis encore, ce dernier affirme que les prix sont imposés indirectement par les distributeurs qui fixent le prix de vente sans la possibilité de le négocier. Le contrat qui lie les deux parties serait, selon la Fédération, élaboré de façon à exercer toutes les pressions pour orienter ce dossier en leur défaveur.
Si les gérants ont décidé de crever l’abcès en dénonçant cette intimidation, c’est parce qu’ils estiment que les distributeurs veulent fuir leur responsabilité dans l’enquête sur l’entente des prix.
La Fédération a appelé tous les professionnels à ne pas signer ledit document et compte saisir dès demain matin le Conseil de la Concurrence, comme nous le précise le président de la Fédération. « Conformément aux missions et aux pouvoirs octroyés par le chapitre 166 de la Constitution au Conseil de la Concurrence pour veiller à l’organisation d’une concurrence libre et légitime en garantissant la transparence et l’équité dans les relations économiques, et pour observer les pratiques anticoncurrentielles sur les marchés illicites et les pratiques commerciales, et dans le cadre de la protection des professionnels et consommateurs, la Fédération saisit le Conseil pour intervention urgente ».
Pour avoir son avis sur ce dossier sur lequel il travaille depuis belle lurette, nous avons joint Driss Guerraoui, président du Conseil de la Concurrence qui n’a pas souhaité se prononcer sur la question. Nous avons également contacté le service communication de Winxo pour avoir leur version des faits. Malheureusement jusqu’au moment d’écrire ces lignes, ils n’ont pas répondu à notre requête. Affaire à suivre…