Ecrit par Imane Bouhrara |
Après le choc du Covid-19, l’industrie automobile a repris du poil de la bête. Une petite piqure d’abeille qui doit éveiller la vigilance quant aux grandes disruptions qui s’annoncent pour ce secteur devenu vital en quelques années seulement pour le Maroc.
Le marché automobile connaît de grandes mutations disruptives dont une grande majorité sont et seront la résultante de dispositions réglementaires sur le plan environnemental. Le Maroc qui s’adjuge la première place du podium africain d’exportation de véhicules vers l’UE devra mettre les bouchées doubles pour garder cette longueur d’avance.
D’emblée et au départ, l’industrie automobile part avec un handicap qui n’a pas été résorbé depuis, bien au contraire. Il s’agit du risque système de tisser tout un système autour de deux acteurs de surcroît de même nationalité.
Certes les équipementiers d’autres constructeurs ont choisi d’investir et s’installer au Maroc faisant ainsi que les pièces construites au Maroc sont ainsi présentes dans plusieurs modèles, mais le pays gagnerait à diversifier la présence des grands donneurs d’ordre de ce secteur.
Cela lui permettra en plus de capter de nouveaux investissements, créer de l’emploi, renforcer le savoir-faire, d’assembler de nouveaux modèles vers de nouveaux marchés.
Là encore, c’est un risque pour le pays de rester très ancré au seul marché européen.
C’est d’ailleurs l’un des enseignements phares de la crise covid-19 et du choc brutal qu’elle a eu sur ce secteur et sa contribution aux exportations marocaines.
D’autant plus que ce marché européen est en passe de vivre sa plus grande transformation depuis des décennies à horizon 2035, avec la fin des véhicules thermiques neufs.
L’évolution technologique et réglementaire risque de faire disparaitre les acteurs qui n’ont pas les moyens de se reconvertir.
Et ce n’est pas le seul risque puisque le succès fulgurant du modèle marocain, capte l’intérêt sur un marché à la base, très concurrentiel et où les guerres commerciales poussent à un raccourcissement des chaines de valeur mondiales et une diversification des fournisseurs et des clients pour réduire les chocs extérieurs.
Selon une récente étude de l’IRES, les marques installées au Maroc ne sont pas encore bien intégrées dans les nouvelles chaînes de valeur technologique. Pis, le Maroc représente un déficit de compétitivité et d’attractivité face à la concurrence des pays de l’Est de l’Europe, de l’Egypte et de la Turquie. Ou encore le Mexique, des pays qui développent la « recherche & développement » et exigent le transfert de technologie pour faire face aux enjeux actuels et futurs à savoir : la digitalisation, le changement climatique, le durcissement des mesures réglementaires imposées par les États pour atteindre la neutralité carbone, la mobilité électrique, et les préférences des consommateurs.
Dans ces mouvements de relocalisations et de ré-internalisation, ou se situe le Maroc ?
Pays Best Cost, le Maroc doit prendre en considération les tendances qui se dessinent à l’international, particulièrement trois grandes tendances ou scénarios élaborés par l’IRES, en combinant différentes hypothèses d’évolution des variables concernant principalement les choix de localisation opérés et/ou envisagés par les multinationales.
Soit une délocalisation dictée principalement par les coûts, soit une accélération de la délocalisation de proximité ou bien une préférence pour l’internalisation/intégration.
Quel que soit le scénario, ou une combinaison des scénarios, les conséquences pour le Maroc ne sont pas négligeables.
Certes le Maroc dispose d’atouts qui lui permettent de continuer de profiter des mouvements de délocalisation dans l’automobile, néanmoins il cumule plusieurs vulnérabilités.
Son capital humain se caractérise par un nombre de diplômés élevé mais qui manquent de formation pratique.
La faiblesse du secteur de la « recherche & développement » diminue également l’attractivité du Maroc. De nombreuses nouvelles opportunités sont offertes par les perspectives et les mutations du marché automobile.
Par exemple, l’augmentation du coût de la main d’œuvre en Asie, sans augmentation de la productivité, permet potentiellement au Maroc d’attirer des usines automobiles de grande capacité avec des possibilités de montée en gamme.
Mais pour cela, le Maroc doit répondre aux défis majeurs cumulés au niveau du capital humain et de la montée en gamme technologique. Il doit également tenir compte de l’apparition de la voiture électrique, il en développe déjà, et la voiture autonome qui sont des ruptures apportées par des nouveaux entrants dans le secteur de l’automobile.
Dans ce contexte évolutif, l’étude de l’IRES privilégie une redéfinition de la position du Maroc sur la chaine de valeur mondiale automobile par le développement des écosystèmes des batteries électriques ; la promotion active du développement des énergies renouvelables ; la réallocation des ressources vers des branches nouvelles et l’adoption d’une stratégie de montée en gamme basée sur le transfert de technologie et de savoir pour passer de la sous-traitance à la fabrication de produits de grande valeur ajoutée.
Le Maroc gagne également à renforcer son capital humain et « recherche & développement » et l’innovation par un soutien aux petites et moyennes entreprises et « start-ups » dans le domaine de l’innovation et le développement de la coopération entre les grands groupes étrangers présents dans le pays.
Comme expliqué précédemment, la crise du Covid a montré l’impact de l’absence de diversification, chose que le Maroc gagne à faire que ce soit pour les marchés d’exportation et d’approvisionnement pour bénéficier des redéploiements industriels des grands groupes en jouant la carte de la compétitivité par l’amélioration de la qualité de la main d’œuvre, des infrastructures, des avantages fiscaux, des subventions aux entreprises et le respect des normes internationales techniques et sociales. Le pays doit redéfinir et multiplier les accords de libre-échange et avoir accès aux marchés des intrants de qualité et de consommations intermédiaires. Enfin, comme le soutient l’IRES dans son étude, il faut développer le marché domestique par une politique des revenus et des crédits et une amélioration de l’image du produit Maroc.