La Turquie dispose d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) depuis plus de 40 ans. Bien que considéré comme un pays en voie de développement du fait de la fragilité de son économie et de quelques problèmes sociaux, il est devenu au fil du temps un acteur important de l’industrie militaire mondiale.
Sur le plan sécuritaire, les menaces qui pèsent sur la Turquie sont principalement la menace séparatiste du PKK, la menace djihadiste, ainsi que la rivalité avec son « ennemi » de toujours, la Grèce.
Sans rentrer dans les détails, cette situation est quasi-comparable à celle du Maroc qui connait des menaces séparatistes terroristes avec le front Polisario, une menace djihadiste accrue ainsi qu’une rivalité fratricide avec son voisin l’Algérie.
Face à des menaces grandissantes, la Turquie n’a pas eu d’autres choix que de développer sa propre industrie militaire. Aussi, depuis la décision du président américain Johnson en 1964 de ne pas défendre la Turquie en cas d’invasion soviétique ainsi que l’embargo émis en 1968 par les Etats-Unis suite à l’invasion de Chypre par l’armée turque, la Turquie a-t-elle compris qu’elle ne pouvait compter que sur elle-même.
La Turquie a réellement débuté l’essor de son industrie de défense il y a 40 ans et dispose aujourd’hui dans son catalogue de centaines d’armes de certaines produites et d’origine 100% turque. Une accélération notoire des projets d’armement est à noter depuis l’arrivée de l’AKP et surtout de Erdogan au pouvoir, menant une politique néo-ottomane assumée, désirant redonner à la Turquie sa puissance d’antan.
Cette industrie de défense permet non seulement à la Turquie d’entrer dans le jeu des puissances, mais également de mener des politiques internationales indépendantes.
Au Maroc, le besoin d’autonomie en matière d’équipement militaire léger et lourd se fait ressentir depuis de nombreuses années. La mise en place d’une nouvelle législation le 14 juillet 2020 à travers la loi 10.20 permet au Maroc de faire un pas considérable vers une industrialisation militaire.
Très actif et efficace sur le volet diplomatique, le Maroc souhaite développer son volet sécuritaire et acquérir une indépendance stratégique sur le plan militaire.
Le royaume aspire ainsi à se hisser à la première place des puissances régionales en menant une politique réformiste active, démontrant d’une volonté claire de changement et d’accélération du processus d’armement et d’industrialisation militaire. Le modèle de développement en la matière semble se rapprocher de celui de la Turquie à ses débuts.
La Turquie d’Erdogan connaît quelques difficultés économiques avec une livre turque qui fluctue énormément passant de 0,32 euros par livre turque en 2016 à 0,06 euros en avril 2022.
Cette situation dans sa globalité, contraint la Turquie à chercher des investissements étrangers qu’elle a du mal à obtenir, pour développer les systèmes d’armes les plus coûteux et les plus complexes. Cette quête de financement est difficile du fait de la politique étrangère agressive d’Ankara l’éloigne de beaucoup de ses partenaires occidentaux.
Contrairement à la Turquie, le point fort du Royaume du Maroc réside en ses bonnes relations avec les principales puissances industrielles militaires, qui n’hésitent et n’hésiteront certainement pas à investir dans ce domaine avec à la clé de ces collaborations, un transfert de technologie stratégique permettant au pays d’atteindre à long terme l’objectif de la quasi-autonomie industrielle.
Actuellement, le Maroc achète de nombreuses armes turques et a surtout jeté son dévolu sur les drones armés de type Bayraktar TB-2 qui ont démontré leur efficacité dans le conflit du Haut Karabagh. Ces drones d’attaque se classent parmi les meilleurs au monde.
Le Royaume en a commandé 13 dont une partie a été reçue le 17 septembre 2021. Cette commande comprend évidemment un aspect géostratégique qui démontre la volonté de Rabat de se rapprocher d’Ankara.
En janvier 2022, la négociation pour l’acquisition de 7 navires d’attaque rapide de classe Cilic II, ainsi que d’une Corvette Ada a été annoncée affirmant le rapprochement militaire entre les deux pays et la confiance du Maroc envers la Turquie.
Par Kamil Berrada, Master 2 en sécurité et géostratégie internationale – Institut Catholique de Paris
et Master 1 en relations internationales – Institut Libre des Relations Internationales et des Sciences Politiques