Ecrit par Soubha Es-Siari |
L’impérativité de la souveraineté alimentaire est l’un des premiers enseignements tirés de cette crise sanitaire qui s’en est suivie d’une crise géopolitique. Energétique, sanitaire ou alimentaire, cette souveraineté se veut la carte maitresse pour chaque pays déterminé à traverser les zones de turbulences sans trop de dégâts.
Assurément, dans un contexte empreint d’incertitudes, de flambée des cours, de raréfaction des matériaux voire même des denrées alimentaires…, les institutions internationales ont mis la main à la poche pour aider les pays vulnérables à poursuivre leur vie le plus normalement possible. Le but étant de continuer à stimuler les échanges mondiaux au risque de se retrouver avec des conséquences plus fâcheuses.
Il y a quelques jours, la Banque mondiale a annoncé certaines actions en vue de contrecarrer l’insécurité alimentaire dans certains pays d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Europe de l’Est et d’Asie centrale. Parmi ces mesures, la Banque Mondiale alloue une enveloppe de 30 Mds de dollars destinés à des projets existants ou nouveaux dans des domaines tels que l’agriculture, la nutrition, la protection sociale, l’eau et l’irrigation.
Des mesures certes louables dans des moments difficiles mais qui demeurent somme toute insuffisantes lorsque le manque de visibilité règne et la surchauffe perdure dans le temps comme c’est le cas actuellement. Qui pourra prédire quand le conflit ukrainien serait terminé ou encore si le covid-19 serait la dernière crise ?
Au Maroc comme partout ailleurs, ces deux crises ont mis sous pression la balance commerciale. Chaque mois qui passe, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les importations de produits alimentaires enregistrent de nettes hausses.
Au mois de mars dernier, si on se limite aux produits alimentaires, les importations ont affiché une hausse de 24,3%. Cette évolution est tributaire, essentiellement, de la progression importante des achats d’Orge (1.372MDH à fin mars 2022 contre seulement 248MDH à fin mars 2021). Les approvisionnements en tourteaux et en blé affichent des rebonds respectifs de 43,7% et 11,4%.
Ces hausses impactent lourdement les déficits jumeaux attestant par la que le Maroc est fortement dépendant de l’extérieur en important massivement et en s’endettant à tour de bras. C’est d’ailleurs tout l’enjeu du nouveau modèle de développement élaboré il y a quelques mois par la CSMD. Mais en attendant de l’actionner, les mêmes causes continuent à produire les mêmes effets.
Sécurité alimentaire vs dépendance alimentaire
Revenons-en à la souveraineté alimentaire qui demeure objectif difficile à réaliser si l’on part d’une récolte céréalière de 32 MQX dans la campagne agricole 2021-2022. Un niveau très insuffisant pour une population de 40 millions. Sans vouloir tergiverser entre les nuances entre sécurité alimentaire, autosuffisance ou souveraineté alimentaire, il est désormais vital d’ériger la sécurité alimentaire en priorité. Personne ne peut nier que la situation inédite que vit le Maroc devient au fil de l’eau de plus en plus récurrente.
D’aucuns la considèrent comme passagère et avancent comme arguties la faible pluviométrie conjuguée au conflit russo-ukrainien. D’autres plus avisés sont conscients que la situation d’aujourd’hui est la résultante de la combinaison de plusieurs facteurs notamment le déficit hydrique très sévère, la superficie céréalière de plus en plus réduite et le médiocre taux de remplissage des barrages. A rappeler qu’en période de vaches maigres, les périmètres irrigués jouent le rôle des filets de sécurité.
Si le premier facteur est lié à la bonté divine, les deux autres sont, faut-il reconnaître, structurels. Ils sont liés respectivement à la transformation des terres agricoles en terrains urbains ( Un phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières années ) et l’envasement des barrages.
La combinaison de l’ensemble de ces facteurs a conduit ipso facto à une campagne céréalière de 32 MQX en baisse de 70% d’autant plus que cela est intervenu dans un contexte marqué par le Covid ayant entraîné une perturbation des chaînes mondiales et une crise russe ayant engendré une flambée des cours. Les prix de certains intrants agricoles pour ne citer que les engrais azotés ont doublé voire triplé au cours de cette période alertent les agriculteurs.
Lesdites hausses impactent directement les produits de grande consommation affectant ainsi le pouvoir d’achat des citoyens.
Pour faire face à cette situation de plus en plus alarmante, le Maroc est appelé à revoir sa politique céréalière mise à rude épreuve en ce temps de crise. Face à la récurrence des sécheresses, est-il logique que 80 à 85% de la production nationale céréalière provienne des zones pluviales ?
Aussi faut-il revoir le plafonnement des prix du pain soit 1 DH 20 qui incite à la surconsommation et surtout au gaspillage. Les populistes diront que tant que la pauvreté prédomine, il est dangereux de hausser le prix du pain parce qu’il s’agit du produit de grande consommation chez les familles démunies. On en convient. D’où la nécessité d’activer rapidement le RSU pour un meilleur ciblage de la population notamment face à la forte poussée démographique qui s’accompagne d’une hausse de la consommation.
Last but not least, la révision de la politique de l’eau se pose avec acuité pour remédier un tant soit peu au stress hydrique très menaçant.
La vulnérabilité de l’agriculture face aux changements climatiques et aux tempêtes internationales incite les pouvoirs publics à capitaliser sur ce qui a réussi notamment dans le Plan Maroc Vert et prendre en considération dans Génération Green 2020-2030 les contraintes ayant émergé des crises actuelles .
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