Deuxième pilier de la Stratégie énergétique nationale, l’efficacité énergétique est passée sous la loupe des magistrats de la Cour des comptes. Alors sommes-nous bons en matière de rationalisation de la consommation d’énergie ? La mise en œuvre de cette phase de la Stratégie va-t-elle bon train conformément au planning préétabli ?
Il ressort dudit rapport que le projet de stratégie n’a pas prévu de procédures de calcul des économies d’énergie et sa normalisation et de dispositif de traitement des éléments d’incertitude et des effets multiplicateurs futurs sur le marché de certaines mesures d’économie d’énergie qui ne relèvent pas systématiquement de l’intervention publique.
En l’absence de ces mesures, il est difficile d’évaluer les performances de l’efficacité énergétique réalisées.
Mais ce n’est pas tout. Les magistrats de la Cour relèvent également la lenteur du rythme de parachèvement du cadre juridique pour la mise en application de la réglementation technique. Un axe important eu égard au volet technique que revêt la mise en place de mesures pour réduire la consommation d’énergie.
Notons que s’inscrire dans une démarche d’efficacité énergétique requiert l’application de bonne pratique mais aussi investir dans du matériel qui ne consomme pas beaucoup.
La question du financement revient souvent comme frein à l’adoption de cette démarche bien que le retour sur investissement est garanti.
A ce propos, le rapport de la Cour soulève la contrainte de financement qui est d’autant plus pesante devant l’insuffisance des mécanismes d’incitation financière et l’éparpillement des supports budgétaires existants qui relèvent essentiellement des actions publiques.
Il s’agit bien entendu des incitations concernent les subventions directes, les incitations fiscales et la création d’un fonds dédié à l’efficacité énergétique.
Evaluation par secteurs
Les magistrats ont procédé à l’évaluation des secteurs les plus énergivores notamment le transport, l’industrie et le bâtiment.
Concernant le transport, il ressort que les efforts déployés dans ce secteur n’ont pas donné de fruit. « Les mesures prises n’ont pas eu suffisamment d’effets. De plus, les actions engagées sont focalisées sur la branche d’activité des transports routiers. Ce secteur demeure contraint par de nombreux obstacles d’ordre juridique, organisationnel et de gestion », lit-on dans le rapport.
Les magistrats accusent une insuffisance de normes dédiées au secteur du transport à même de servir des objectifs d’amélioration d’efficacité énergétique et de données relatives à la consommation énergétique dans le secteur du transport (routier, ferroviaire, aérien et maritime).
Quant au secteur industriel, il est relevé que les projets arrêtés par le programme d’efficacité énergétique dans ce secteur, lancé en 2011, ont été partiellement réalisés en raison des insuffisances touchant divers aspects dont notamment le développement institutionnel et réglementaire, l’appui au financement et le renforcement des capacités et des accréditations. « Par ailleurs, les mesures et les actions programmées concernant l’information et le conseil, la réglementation technique et les incitations financières n’ont pas été conçues dans un souci de ciblage et d’adaptation tenant compte de la diversité du tissu industriel et à la spécificité de ses filières ainsi que la taille des entreprises », précisent les magistrats.
Il ressort également que malgré le fait que la politique énergétique nationale ait prévu la mise en œuvre des audits énergétiques obligatoires dans le secteur de l’industrie, ceux-ci ne sont pas encore généralisés et aucun calendrier prévisionnel de leur mise en œuvre n’a été arrêté.
Concernant le dernier secteur à savoir le bâtiment, il est relevé que la mise en œuvre effective de la nouvelle disposition prévue par le règlement thermique de construction n’a pas été précédée par la définition des modalités d’exercice des contrôles techniques et des sanctions pour non-respect de ces dispositions.
« De plus, ce règlement n’a pas fixé les performances énergétiques minimales intégrant aussi bien le bâtiment et ses équipements, sachant que ces équipements représentent plus des 2/3 de la consommation énergétique globale. Par ailleurs, il est noté que malgré l’importance du parc des bâtiments existants, le règlement thermique ne s’applique qu’aux bâtiments neufs », lit-on dans le communiqué.
Si cette exclusion pose certes des contraintes de surcoût et un renforcement des capacités professionnelles métier du secteur du bâtiment, celle-ci conduirait à la consécration d’une dichotomie dans le secteur du bâtiment. Pour l’application de la nouvelle réglementation thermique des bâtiments, des surcoûts à l’investissement ont été identifiés et évalués par l’AMEE à travers les projets pilotes réalisés lors de la préparation de la réglementation. Or, il est noté l’absence de mesures incitatives de financement pour l’implémentation de l’efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment, ce qui conduirait les promoteurs immobiliers à répercuter ces surcoûts sur le consommateur final. Par ailleurs, l’élaboration d’un label marocain de performance énergétique pour les bâtiments résidentiels, fait encore défaut. Ce label devrait constituer un levier pour le renforcement du développement de la politique d’efficacité énergétique dans le secteur de l’habitat.