Les mesures négociées dans le cadre de l’ALECA sur le volet pharmaceutique risquent d’exposer le Maroc à une dépendance de l’étranger. La recherche pharmaceutique marocaine pourrait être bloquée. Explications.
L’accès à la santé est l’un des défis majeurs que le Maroc devra relever dans les prochaines années pour garantir un droit constitutionnel. Les besoins sont nombreux et les attentes le sont encore plus. Parmi les vertèbres du système de santé, on note l’accès aux médicaments. Le Maroc a certes réussi à développer son industrie pharmaceutique qui arrive à couvrir 68% des besoins nationaux. Toutefois, certains obstacles continuent de fragiliser le secteur et d’exposer le pays à plusieurs risques notamment de rupture de stock.
Parmi ces freins l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) en cours de signature avec l’Union Européenne qui menacerait la sécurité nationale des médicaments. C’est ce qu’a affirmé Mia Lahlou, Vice-président directeur général des Laboratoires Pharma 5 lors d’une récente rencontre sur les Accords de libre-échange organisée. Mia Lahlou a souligné que les négociations sur le secteur pharmaceutiques sont déjà bouclées et les accords signés sans que les professionnels soient impliqués.
Un fardeau de plus
Contactée par nos soins, Zahra Maâfiri, Directrice générale du Commerce au ministère de l’
Mais cela n’empêche, les craintes des opérateurs pharmaceutiques sont légitimes surtout que le secteur subit de plein fouet les conséquences de l’Accord signé avec les Etats-Unis.
Si cela se confirme, le Maroc subira une double peine. D’une part la concurrence des importations des médicaments en provenance principalement de l’Egypte, de l’Inde, du Bangladesh…, qui a eu comme conséquence une régression de l’approvisionnement du marché national de produit marocain (passant d’une couverture de 80% des besoins nationaux à 60%). Et d’autre part, les accords qui pénalisent le Maroc et l’exposent à de nouveaux risques.
Il semble que le Maroc n’a pas appris des erreurs du passé commises dans le cadre des accords de libre-échange signés avec 54 pays et qui bénéficient plus à ces derniers. En effet, pour Mia Lahlou, en plus des enjeux économiques et sociaux, la signature de l’ALECA a des enjeux politique dans la mesure où la fragilisation de l’industrie nationale implique impérativement un risque d’une pénurie de médicaments et par conséquent un dérapage social.
« Les accords tels qu’ils ont été signés (dans un secret absolu ne laissant pas le temps aux Associations de réagir) ne permettront plus au Maroc de fabriquer les génériques des priceps jusque-là importés et qui sont très couteux », a-t-elle dénoncé.
Ainsi, un médicament breveté en Europe le sera automatiquement au Maroc sans même faire appel à la souveraineté nationale pour décider de l’autorisation ou pas du brevet. Une mesure qui vise à barrer la route à la recherche pharmaceutique marocaine qui rappelons-le avait enregistré une avancée importante dans le traitement de l’hépatite C en 2016 avec la mise sur le marché par Pharma 5 d’un générique du médicament contre l’hépatite C 100% moins cher.
Une avancée qui a été possible parce que le médicament n’avait pas été breveté au Maroc. Le laboratoire avait alors travaillé dans une totale discrétion pour mettre sur le marché ce produit. Aujourd’hui, ça ne sera plus possible puisque l’UE a négocié cette mesure non pas sans conséquence sur la dépendance pharmaceutique du Maroc de l’étranger.
« Pis encore, si les pays étrangers décident de ne pas commercialiser le médicament au Maroc, le pays connaîtra alors une vraie rupture. Mais pas seulement, le Maroc n’aura même plus le droit de fabriquer les génériques des priceps après la fin de la période du médicament breveté qui est entre 15 à 20 ans. Il faudra attendre encore 5 ans avant de pouvoir le faire », a décrié Mia Lahlou.
La raison, en signant les ALECA, le Maroc s’est imposé 5 années supplémentaires avant de pouvoir fabriquer des génériques. Conséquence, le Maroc continuera à importer des médicaments, à dépendre de l’étranger et à mettre sur le marché des médicaments coûteux parfois hors de portée des Marocains.
Mia Lahlou a laissé une question en suspens : Y a-t-il encore des recours pour dénoncer un brevet ou le refuser sans mettre en péril les relations du Maroc avec les pays signataires ?
A suivre !
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