Le projet de loi n° 58-19 relatif à l’adhésion du Maroc au « Pacte des droits de l’enfant dans l’Islam » a provoqué un tollé au sein des associations qui œuvrent dans le domaine de la protection des enfants. La société civile s’est interrogée sur la pertinence d’une telle adhésion à ce Pacte proclamé depuis 14 ans par l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) et surtout sa programmation sans consulter un organe important qui est le Conseil National des Droits de l’Homme.
Aussi, à la lecture du Covenant tel que publié que le site de l’OCI, certains points soulèvent-ils nombre d’interrogations. Ainsi, dans l’article VI relatif à l’identité, l’alinéa 3 stipule que « L’enfant à filiation inconnue ou assimilé a droit à la prise en charge et à la protection, à l’exclusion de l’adoption.
L’alinéa 2 de l’article IX relatif aux libertés individuelles, dispose que « Tout enfant a droit au respect de sa vie privée. Néanmoins, il appartient aux deux parents ou aux représentants légaux de l’enfant d’exercer un contrôle islamique raisonnable sur le comportement de celui-ci ».
Sur la liberté d’association, l’article X dit que « chaque enfant a le droit de former ou d’adhérer à toute association civile pacifique sous réserve des restrictions prévues par la Charia et les textes législatifs et réglementaires de son pays… ». Ce référentiel à la Charia est quelque ambigu pour un pays comme le Maroc, certes dont l’Islam est la religion officielle mais qui adopte le rite Malékite, une véritable digue contre toute forme d’extrémisme.
Pis, dans l’article XII « les Etats parties au présent Covenant ont l’obligation d’assurer entre autres, le droit de l’enfant de revêtir des vêtements conforme à sa croyance, en observant en cela la Charia, les bonnes mœurs et la pudeur ».
Pour ce qui est de l’article XV relatif à la santé de l’enfant, l’enfant a droit à la protection sanitaire, tant au plan physique que psychologique et ce à travers notamment la protection de la mère dès le début de la grossesse et de l’allaitement naturel par elle ou, en cas d’impossibilité, par une autre personne en tenant lieu.
Dans l’article 17, sur la protection de l’enfant, précisément l’alinéa 4, il est dit que « Les Etats parties prennent les mesures nécessaires pour protéger l’enfants contre les facteurs d’aliénation culturelle, intellectuelle, médiatique et des télécommunications incompatibles avec la Charia islamique ou contraires aux intérêts nationaux des Etats parties ».
C’est dire qu’il y a matière à divergence dans ce projet de loi adopté en Conseil de gouvernement en août dernier !
La donne a quelque peu changé. D’abord, depuis la mi-septembre le CNDH a entamé une série de consultations avec la société civile œuvrant dans le domaine de protection des droits de l’enfant au Maroc, depuis la mi-septembre, en vue de collecter leurs avis et leurs opinions sur la portée d’une telle adhésion par le Maroc. Mais le plus important est que l’Assemblée générale du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a approuvé fin septembre à l’unanimité le règlement intérieur, la stratégie de l’institution, son projet de budget au titre de l’année 2020 et a parachevé ses structures lors de sa première session ordinaire.
« Désormais le CNDH dispose de trois mécanismes nationaux, dont celui de recours pour les enfants victimes de violation de leurs droits et des comités dont les membres ont pris leur fonction pour lui permettre de statuer sur certains dossiers et de devenir un recours efficace et accessible, un espace de débat visant à promouvoir les questions pressantes en matière des droits humains et un cadre pour l’élaboration des mesures préventives à travers la médiation et l’intervention proactive… », Nous apprend-on. Pour le cas du covenant, une source interne a assuré que le CNDH procédera à une auto-saisine pour bien étudier cette adhésion et formuler ses recommandations.
Se pose alors la fatidique question : Dans quelle mesure l’exécutif est-il dans l’obligation d’en tenir compte ? Ou bien lancera-t-il la balle dans le camp du Parlement ?
Aussi, quelle serait la valeur ajoutée du ministère de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social ? Une question qui revient d’ailleurs de manière récurrente dans les débats qui animent actuellement la société marocaine. « J’ai personnellement cherché à établir un contact avec ledit ministère sur des problématiques comme celle des orphelinats et je n’ai obtenu aucune réponse. Cela m’étonnerait que le ministère se manifeste sur ce sujet quelque peu épineux, puisque s’opposer à cette adhésion au covenant peut être perçu comme une hostilité à la religion, alors qu’il n’en est rien. Seul l’intérêt de l’enfant prime et ses droits sont bien explicités dans la Convention de l’ONU. Si aujourd’hui l’exécutif est réellement animé par la défense des droits des enfants, qu’il mette tout en œuvre pour réussir les objectifs de cette convention universelle qui ne distingue pas les enfants selon leur couleur, leur religion ou leur nationalité… Prenez le cas de l’orphelinat de Sidi Bernoussi, nous n’avons observé aucune réaction de l’exécutif, c’est à se demander finalement adhérer à une convention de plus, qui plus est restrictive, alors que les conditions de base de protection de l’enfance ne sont pas réunis !», s’interroge la présidente d’une association de défense des droits de l’enfant, dont l’orphelin.
Il n’y a qu’à attendre de voir ce à quoi aboutira cette auto saisine du CNDH et surtout quelle suite lui sera donnée.