Avec la propagation de la pandémie du Coronavirus sur le territoire marocain et l’augmentation chaque jour du nombre de morts, les Marocains commencent à craindre une saturation des établissements de soins publics et dénoncent l’absence du secteur privé notamment des cliniques privées sur le champ de bataille. Chose que ces dernières réfutent catégoriquement. Pour en savoir davantage sur le rôle que les cliniques privées jouent et joueront dans cette guerre, EcoActu.ma a interviewé Dr Rochdi Talib, président directeur général de Akdital Holding.
EcoActu.ma : Malgré les mesures prises par le Maroc, le Coronavirus commence à gagner du terrain et à faire ses premières victimes. Face à cette situation, les Marocains craignent un débordement au niveau des unités de soins dans le public et se demandent où est passé le secteur privé. Concrètement quel est le rôle joué par le secteur privé notamment les cliniques privées dans la lutte contre le Covid-19 ? Etes-vous réellement en retrait ?
Dr Rochdi Talib : Contrairement à ce que pense une grande partie des Marocains, le secteur privé de la santé a été pleinement impliqué depuis le début de cette pandémie au Maroc. Il faut savoir que 90% des personnes mutualistes au Maroc fréquentent le secteur privé. Et à chaque fois qu’il y a une symptomatologie évocatrice d’une grippe sérieuse ou d’une suspicion du Covid-19, les mutualistes s’orientent automatiquement vers leur médecin privé ou vers les cliniques privées.
C’est dire que nous avons été appelés, depuis le départ, à contribuer à cette guerre en diagnostiquant les cas suspects mais aussi en les prenant en charge en attendant leur transfert vers les hôpitaux publics qui, pour le moment, sont les seuls habilités à prendre en charge les patients atteints du Covid-19. Nous avons même dû intervenir en intubant des cas critiques avant leur transfert.
La participation du secteur privé est également indirecte. Plus précisément, plusieurs cliques privées ont fait des dons en nature et prêté du matériel notamment des respirateurs, des seringues auto-pousseuses, des moniteurs de surveillance…, qui ont permis d’équiper quelques hôpitaux publics notamment celui de Sidi Moumen. (Document de prêt de Akdital à l’hôpital Moulay Youssef)
Pour le moment seuls les hôpitaux publics sont habilités à prendre en charge les malades atteints de Covid-19. A quel stade de la pandémie, le secteur privé sera-t-il appelé à être sur le front de cette guerre ?
Si le gouvernement fait appel au secteur privé en cas de dépassement de la capacité litière en réanimation et soins intensifs dans le secteur public, nous serons non pas à 100% mais à 1000% prêts à prendre en charge les malades Covid-19 aussi bien en soins intensifs qu’en réanimation.
Pour le moment, le traitement par la chloroquine ne se fait que dans le secteur public. Le secteur privé n’a pas encore l’aval du gouvernement de prendre en charge ces malades. Le moment arrivé, je peux vous assurer que les patrons des cliniques privées sont disposés à collaborer pleinement avec le public, main dans la main, afin de gagner cette guerre.
Aussi, il est à rappeler que 60% de la population marocaine fréquente le secteur privé en l’absence d’un secteur public performant. Aujourd’hui, grâce aux moyens financiers mobilisés, la situation va s’améliorer de façon importante notamment sur le plan logistique. Toutefois, il reste le déficit en ressources humaines qu’il faudra combler. Pour cela, une liste de garde de réanimateurs volontaires du secteur privé est mise à la disposition de l’Etat en cas de besoin dans le cadre d’un partenariat public-privé, sans contrepartie financière bien entendu.
Sur le plan social, il faut savoir que l’activité des cliniques privées a nettement baissé avec une occupation de la capacité litière d’entre 10 et 20%. Les patients craignent de se rendre aux établissements de soins par peur de contracter le Covid-19.
Malgré cet état de fait, les cliniques privées font un sacrifice financier important en maintenant tout le personnel et en ne mettant personne au chômage temporaire. L’effort social du secteur des cliniques privées qui emploie des milliers de personnes est important dans le contexte actuel. Le groupe « Akdital » par exemple emploie plus de 1.000 emplois directs et a décidé de continuer à les payer jusqu’à épuisement de ses capacités financières.
Pensez-vous que le secteur privé est en mesure de prendre en charge des malades lourds ?
Il ne faut pas oublier qu’actuellement le secteur privé représente la moitié de la capacité litière en réanimation. Autrement dit, l’offre en lits de réanimation est égale entre le secteur public et privé.