Ecrit par Soubha Es-Siari |
Le marché immobilier marocain continue de subir de plein fouet les effets négatifs des crises se succédant ne lui accordant aucun moment de répit. Pour se projeter dans le temps, la crise sanitaire liée au Covid19 a impacté, dès son déclenchement soit en 2020, lourdement le secteur à cause de l’arrêt des chantiers toutes catégories confondues pour limiter les risques de propagation du virus.
Au cours de cette période de pandémie, l’offre a accusé une baisse entraînant ipso facto une hausse du prix des biens immobiliers. Les opérateurs et les particuliers étaient pendant plusieurs mois dans l’attentisme espérant des jours meilleurs. Les premiers pour profiter d’une demande renouant avec la hausse et les seconds pour la disponibilité de l’offre à meilleur prix.
Le conflit russo-ukrainien : un autre son de cloche
Après la crise sanitaire liée au Covid-19, le conflit russo-ukrainien a frappé encore plus fort le secteur de l’immobilier. Face à la hausse fulgurante des prix des biens à la consommation, un changement de priorités est constaté chez les citoyens. L’accès au logement n’étant plus le numéro 1 des priorités.
En dehors même du comportement des citoyens, celui des banques n’est pas à négliger. Ces dernières, avec la détérioration du pouvoir d’achat et la hausse des créances en souffrance, soit près de 8%, ont de plus en plus l’œil rivé sur le coût du risque. A rappeler qu’au cours des dernières années, les particuliers, profitant des taux bas, se sont massivement endettés.
Autre trou dans la raquette est l’hésitation même des promoteurs immobiliers à poursuivre les chantiers entamés à cause du coût de plus en plus excessif des charges aussi bien de la main d’œuvre que des prix des matériaux de construction suite à la perturbation des chaînes de valeur mondiales.
D’ailleurs face à cette situation très complexe, l’Etat est appelé à la rescousse. Les opérateurs ne savent plus à quel Saint se vouer et demandent aux pouvoirs publics d’intervenir pour stopper l’hémorragie. Ils n’admettent pas qu’on reste les bras croisés et attendre la fin de cette guerre pour réagir.
Les immobiliers plaident à ce que toutes les forces nécessaires soient déployées pour réduire le coût de la construction afin de pouvoir écouler les biens immobiliers à des prix à la portée du citoyen disposant d’un revenu modeste.
Pour ce qui est de leur marge bénéficiaire souvent pointée du doigt à cause des profits importants qu’ils génèrent, ils considèrent que depuis plusieurs années, les marges se sont rétrécies. Ils sont même prêts à s’ouvrir à la tutelle pour évaluer les coûts des inputs qu’ils considèrent comme connus par tous.
Quid de la hausse du taux directeur ?
Aujourd’hui encore avec la hausse du taux directeur de 50 pts de base décidée le 27 septembre dernier par le Conseil de BAM pour juguler l’inflation, le secteur n’est encore pas à l’abri.
Et pour cause, la hausse du taux directeur va se traduire par une hausse des crédits immobiliers accordés par les banques. Comme expliqué par Amine Mernissi, expert en immobilier : « Lorsque les taux directeur augmentent, moins les liquidités sont octroyées à l’économie et in fine au secteur immobilier ».
Autrement dit, la banque centrale impose aux banques des taux élevés, ces dernières augmentent à leur tour les taux qu’elles proposent aux ménages souhaitant investir dans un bien immobilier. Pour les détenteurs de crédits à des taux variables, ils doivent s’attendre à une hausse de leurs mensualités.
Résultat des courses et comme on pouvait s’y attendre : une hausse des taux d’intérêt des crédits immobiliers ne va pas favoriser l’investissement dans cette typologie d’actifs et donc au redémarrage du marché comme souhaité.
Les perspectives du secteur dépendent ainsi des facteurs endogènes mais surtout exogènes.
Si l’inflation continue d’augmenter, les taux d’intérêt pourraient également progresser, les revenus des ménages vont s’éroder. Ces derniers auront des difficultés à rembourser leur endettement voire même à contracter de nouveaux crédits. Tout cela risque de casser le marché de l’immobilier avant qu’il puisse se remettre sur les sentiers de la normalité.