Ecrit par la Rédaction |
Dans son rapport 2021, la Cour des comptes a soulevé plusieurs insuffisances qui ne permettent pas de rassurer sur la disponibilité et la qualité des médicaments, ainsi que sur leur accessibilité économique pour les citoyens. Elle émet quelques recommandations pour y remédier.
L’accès aux médicaments constitue un maillon important du processus de la généralisation de la couverture sanitaire. Et pour cause, la consommation annuelle moyenne des médicaments par habitant au Maroc est seulement de 450 DH contre 5.750 DH en France. Selon les chiffres avant la généralisation, sur 10,8 millions d’assurés AMO, les dépenses liées à la consommation de médicaments représentent 3 Mds de DH sur 10 Mds de DH soit 30% des dépenses globales. C’est pourquoi l’un des objectifs de la généralisation de l’AMO est de multiplier par 3 la dépense des médicaments.
Encore faut-il que des réformes soient engagées pour favoriser le développement du secteur pharmaceutique. C’est d’ailleurs le constat relevé par les magistrats de la Cour des comptes dans le dernier rapport 2021.
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S’agissant du cadre réglementaire, la Cour appelle à l’adoption d’un ensemble de textes d’application pour permettre la mise en œuvre de toutes dispositions de la loi 17.04 portant code du médicament et de la pharmacie et du décret n°2.14.841 relatif à l’autorisation de mise sur le marché des médicaments à usage humain. Elle relève néanmoins que 10 textes d’application n’ont toujours pas vu le jour.
« En outre, des ambiguïtés ont été constatées au niveau des dispositions réglementaires liées aux stocks de sécurité des médicaments et à la méthode de fixation des prix des médicaments génériques. De même, le décret n° 2-13-852 du 18-09-2013 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés ne précise pas la méthode de détermination des prix des médicaments dits sans statut », relèvent les magistrats de la Cour.
Le rapport a constaté que le cadre juridique actuel du système pharmaceutique est peu incitatif à la production nationale de manière globale et à la pénétration des médicaments génériques en particulier et, par conséquent, à la disponibilité des médicaments et à leur accessibilité économique. En effet, le cadre juridique actuel encourage les importations au détriment de la production locale en accordant une marge bénéficiaire supplémentaire de 10% du PFHT sur chaque médicament importé. Les magistrats de la Cour ont également constaté que la durée des brevets des médicaments princeps au Maroc (entre 20 et 25 ans, selon la loi n°17-97 relative à la protection de la propriété industrielle) est relativement longue par rapport à d’autres pays. Ce qui pénalise considérablement le développement du marché des médicaments génériques.
A titre de comparaison, cette durée est de dix ans seulement dans les Etats membres de l’Union européenne. S’agissant du cadre stratégique, le Ministère chargé de la santé a mis en place, en 2012, la première politique pharmaceutique nationale pour la période 2015-2020.
« Toutefois cette politique ne s’est accompagnée ni d’un plan d’exécution ni d’un plan de suivi et d’évaluation. En conséquence, elle n’a pas fait l’objet d’un suivi régulier et sa mise en œuvre a connu un faible taux de réalisation des actions qui y sont prévues. Pour ce qui est du système d’information, les processus d’autorisation et de fixation des prix des médicaments souffrent de l’absence d’un système intégré et d’une faible couverture des activités de la DMP par des applications informatiques fonctionnelles. En conséquence, les données et les informations, sur les médicaments, sont consignées dans des logiciels de bureautique (Excel et Access) et des registres manuels avec une faible assurance sur leur fiabilité », lit-on dans le rapport.
S’agissant des mécanismes pour assurer la disponibilité et la qualité des médicaments, les magistrats n’ont pas pu s’assurer que les processus mis en place par le ministère permettent de garantir la disponibilité des médicaments de qualité sur le marché national. En effet, le ministère ne dispose pas des données sur la production nationale des médicaments et le système d’évaluation des besoins en médicaments essentiels reste incomplet et imprécis.
Quant au contrôle des stocks de sécurité, la Cour a constaté qu’il se limite à l’enregistrement des stocks déclarés par les EPI. Quant aux établissements pharmaceutiques grossistes répartiteurs, ils ne procèdent pas à la déclaration de leurs stocks de sécurité comme prévu par la réglementation en vigueur.
Concernant les modalités de fixation et de révision des prix des médicaments, il ressort que le ministère de la Santé adopte, pour la fixation et l’homologation des prix des médicaments, le prix le plus bas des PFHT du même médicament fixés ou homologués par les instances compétentes dans six pays du benchmark arrêtés par l’article 3 du décret n° 2-13-852 précité (Arabie Saoudite, Belgique, Espagne, France, Turquie, Portugal) et dans le pays d’origine lorsqu’il est différent de ces derniers.
Toutefois, le choix des pays du benchmark n’a pas été basé sur une étude préalable. L’ examen des données concernant la fixation des prix, communiquées par la DMP, a montré que le délai réglementaire de traitement des dossiers de demande de fixation et d’homologation des prix, fixé à 60 jours à compter de la date de réception du dossier complet, n’est pas souvent respecté. Les dépassements de délais relevés se situent entre 30 et 260 jours au niveau de la commission interne de la DMP, entre 52 et 274 jours au niveau la commission interministérielle et entre 86 et 339 jours pour la publication de l’arrêté de fixation du prix au bulletin officiel.
De plus, les prix des médicaments sont impactés par les marges des grossistes et des officines, et par le taux de la TVA qui dépassent ceux appliquées par les pays du benchmark. Les différentes révisions des prix des médicaments, appliquées durant la période 2014-2021, n’ont pas eu un impact significatif sur la baisse des prix et par suite sur son accessibilité économique. Les baisses peu significatives des prix sont le résultat de l’adoption d’une méthode de révision des prix des princeps basée sur la moyenne des PFHT des pays du Benchmark, telle que prévue par l’article 14 du décret n° 2-13-852 précité. L’application de cette formule se traduit par des baisses peu significatives, ou le maintien du prix initial lorsque le PFHT en vigueur au Maroc au moment de la révision est inférieur au prix obtenu.
Pour conclure la Cour des comptes précise que malgré les améliorations constatées, les processus actuels d’autorisation, de contrôle, de fixation et de révision des prix des médicaments ne permettent pas encore de rassurer pleinement sur la disponibilité et la qualité des médicaments, ainsi que sur leur accessibilité économique pour les citoyens. Elle émet quelques recommandations pour remédier à ces insuffisances.
Ainsi la Cour des comptes a recommandé de veiller à la complétude et à la mise à jour régulière du cadre juridique régissant le secteur des médicaments. Elle a recommandé, également, au ministère de la santé et de la protection sociale, de mettre en place une Politique Pharmaceutique Nationale axée sur le développement de la production nationale, et de revoir les processus d’autorisation, de contrôle et de fixation des prix des médicaments, notamment les délais réglementaires d’octroi des AMM et les méthodes de fixation et de révision des prix, de manière à garantir leur disponibilité et accessibilité économique continues.