Le 32ème Sommet de l’Union africaine tenu les 10 et 11 à la capitale éthiopienne, Addis-Abeba a été marqué par la passation du flambeau entre le président rwandais Paul Kagamé à l’égyptien Abdelfattah Sissi.
L’occasion dans un premier temps de dresser un bref bilan de l’action réformatrice menée par le président Paul Kagamé. Pour Cherkaoui Roudani, expert en études géostratégiques et sécuritaire, le bilan est très positif puisqu’il a créé une dynamique réformatrice et a fait bouger des lignes au sein de l’organisation africaine malgré les blocages faits par certains pays comme l’Afrique du Sud et l’Algérie ou par la Communauté de développement de l’Afrique Australe qui a freiné nombre de réformes à l’instar de la taxe d’importation de 0,2% qui a pourtant été ratifiée par 22 pays africains.
« Paul Kagamé est également parvenu à mettre en place un Fonds de paix opérationnel qui fait que l’Union africaine dispose aujourd’hui de moyens financiers pour prendre en charges se envoyés spéciaux dans le cadre de la médiation en faveur de la paix entre les pays du continent. Aussi, concernant la question de l’autofinancement de l’institution panafricaine, le président rwandais a poursuivi l’objectif d’indépendance de l’instance vis-à-vis des parties extérieures de sortes qu’entre 2016 et 2018 la contribution extérieure au budget de l’institution qui tourne autour de 400 millions de Dollars est passé de 75 à 54% seulement », analyse Cherkaoui Roudani.
Au niveau même de la perception de l’institution panafricaine, le poids de Paul Kagamé a planché en faveur de la mise en place du projet de la Zlec (Zone de libre-échange continentale), auquel ont adhéré et signé 44 pays malgré l’abstention du Nigéria, soutient l’analyste politique.
Même concernant les opérations de maintien de paix, le comité d’experts mis en place par Paul Kagamé a permis de mettre le cap sur des objectifs concrets. Globalement, Paul Kagamé a permis l’émergence d’une vision commune malgré tous les obstacles mis sur son chemin.
Cette dynamique créée va se poursuivre avec Abdelfattah Sissi, pour la simple raison que le président égyptien voudrait tirer profit de la présidence de l’Union africaine pour tourner les satellites du pays des pharaons vers l’Afrique, puisque ce pays est réputé avoir une politique arabe à 100%, estime Cherkaoui Roudani.
Et l’obsession sécuritaire du président égyptien trouvera également écho dans sa manière de construire son mandat à la tête de l’Union africaine. La paix, la sécurité et la lutte contre le terrorisme seront des éléments omniprésents dans ce mandat. « Il y a même au niveau de la géopolitique de l’eau il y a des conflits qui impliquent aussi bien l’Egypte que l’Ethiopie ou encore le Soudan. Sissi poursuivra certainement sur la lancée de Kagamé à la différence que ce dernier faisait l’unanimité au sein de l’UA. Kagamé s’est illustré par son mode de management de criss grâce à ses relations privilégiées avec les pays, notamment le Maroc… », Poursuit C. Roudani.
Il y a lieu de noter dans ce sens que le Président rwandais a su bien gérer la question du Sahara marocain au sein de l’UA grâce à son pragmatisme politique et sa vision d’avenir qui cherche les moyens de réunir les pays africains au lieu de les diviser.
Sous sa présidence le Maroc a parcouru un long chemin sur la question des migrations qui se concrétise de plus en plus, puisque le Royaume abritera bientôt l’Observatoire africaine des migrations qui devra plancher sur cette épineuse question.
La coopération en matière de lutte contre le terrorisme
La présidence égyptienne changera-t-elle quoi que ce soit à l’action du Maroc au sein de l’Union africaine ? Pour l’expert, vu que l’Egypte axera son mandat à la tête de l’Union africaine et vu l’expérience marocaine en la matière, le Royaume ayant une politique avant-gardiste dans la conception sécuritaire avec l’implication du Maroc dans plusieurs médiations sur l’échelle continentale et régionale. Donc c’est une opportunité pour l’Egypte pour renforcer la coopération avec le Maroc surtout sur la question sahélienne notamment avec la montée ne puissance des attaques terroristes dans la région. Le Maroc constitue une valeur ajoutée pour l’Union et pour la présidence égyptienne notamment dans les tractations sur l’initiative de Cotonou ou sur l’Agenda 2063. Ou encore sur le développement du programme d’intégration économique illustré par le projet de Zone de libre-échange continentale (ZLEC).
Le Maroc a un leadership régional et continental que les choses ne peuvent que s’améliorer davantage et les deux pays sont appelés à se serrer les coudes, notamment sur la question de la paix dans la région avec ce qui se passe en Libye ou dans la sous-région du Sinaï.
Aussi, ne faut-il pas oublier que Sissi eut s’appuyer sur le leadership africain de SM le Roi Mohammed VI dans le continent, comme valeur ajoutée sur pour son mandat.
Le Maroc barre la voie au polisario
Le sommet d’Addis-Abeba a consacré la mise en œuvre de la décision du Sommet de Nouakchott qui avait décidé que la question du Sahara marocain est au niveau des Nations unies et que l’UA doit apporter son appui et son soutien à ce processus et ne doit aucunement créer un processus parallèle ou une littérature différente de celle des Nations Unies.
Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Nasser Bourita s’en félicite. Le sommet d’Addis-Abeba est le premier qui ne prend pas de décision sur la question du Sahara marocain parce que les décisions sont prises à l’ONU à New York.
« C’est le premier sommet dans lequel le rapport du Conseil de paix et de sécurité du l’Union africaine ne contient aucune référence à la question du Sahara marocain, a relevé N. Bourita, indiquant que cela a fait l’objet d’un long débat et d’une bataille juridique.
«Le Conseiller juridique a statué, que sur la base de la décision du Sommet de Nouakchott, des documents juridiques de référence de l’UA et de l’acte constitutif de l’UA, le Conseil de paix et de sécurité du l’UA ne peut d’aucune manière au niveau des ambassadeurs et des ministres, aborder, citer ou se référer à la question du Sahara marocain», a précisé le ministre.
Il s’agit là d’une clarification juridique importante pour mettre fin à tout débat sur une interprétation de cette décision ou un détournement de ses dispositions pour ressaisir le Conseil de paix et de sécurité de l’UA de cette question, a souligné N. Bourita.
Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale a également affirmé que le sommet d’Addis-Abeba a consacré l’alignement progressif mais réel de l’Union africaine sur les dispositions et la littérature des Nations unies sur la question du Sahara marocain.