Interviewé par Imane Bouhrara I

Pour atteindre une souveraineté nationale en matière des huiles et ses tourteaux, plusieurs mesures structurantes sont actuellement mises en œuvre. Ces actions visent à renforcer la filière des oléagineux et à réduire la dépendance du Maroc aux importations d’huiles végétales et tourteaux. Les explications avec Mohammed EL Baraka, Président de la fédération interprofessionnelle des Oléagineux (FOLEA).

EcoActu.ma : Comment s’est portée l’activité du secteur face à la fois aux changements climatiques, le stress hydrique mais aussi l’inflation qui s’est traduite par une hausse des coûts de productions ?

Mohammed EL Baraka : Le secteur agricole traverse une période particulièrement difficile, marquée par des bouleversements climatiques et économiques. Les conditions climatiques imprévisibles ont mis en évidence la vulnérabilité des systèmes de production, notamment face aux sécheresses prolongées et à la raréfaction des ressources hydriques. Ces perturbations réduisent les rendements et limitent la disponibilité de produits agricoles sur les marchés.

Sur le plan économique, l’inflation a aggravé la situation en augmentant significativement les charges des producteurs, qu’il s’agisse de l’acquisition d’intrants, des coûts énergétiques ou des besoins en main-d’œuvre. Cette pression sur les coûts complique leur équilibre financier, d’autant plus que les prix de vente des produits agricoles ne progressent pas toujours de manière proportionnelle.

Pour contrer ces défis, des efforts sont entrepris pour réinventer les approches de production, notamment en intégrant des innovations technologiques, en explorant des systèmes agricoles plus résilients et en misant sur une meilleure gestion des ressources naturelles. Ces évolutions visent à stabiliser le secteur tout en renforçant son adaptation face à des conditions de plus en plus exigeantes.

En octobre, le Chef du gouvernement a tenu une réunion avec les intervenants dans les filières de production agricole, sur les mesures prioritaires destinées à promouvoir le secteur de l’agriculture et garantir l’approvisionnement des marchés, en préparation du lancement de la campagne agricole 2024 – 2025. Dans ce sens, quels sont les principales mesures destinées à la filière des oléagineux ?

Lors de la réunion d’octobre, le Chef du gouvernement a discuté de plusieurs mesures prioritaires visant à soutenir la filière des oléagineux et à assurer un approvisionnement stable du marché, en particulier pour la campagne agricole 2024-2025. Les principales actions proposées pour cette filière incluent :

Soutien à l’extension des surfaces cultivées : Pour renforcer la souveraineté alimentaire du Royaume et encourager la production locale d’oléagineux, notamment de colza et de tournesol, des incitations financières et techniques seront proposées aux agriculteurs pour augmenter les superficies dédiées à ces cultures.

Amélioration de l’irrigation : Face au stress hydrique, la filière bénéficiera des programmes de modernisation de l’irrigation et d’accès à des périmètres d’irrigation d’appoint,

Subventions pour les semences et développement de variétés locales: Des subventions spécifiques pour les semences certifiées seront allouées pour réduire les coûts de production et garantir un rendement optimal des cultures d’oléagineux. Le développement de semences locales adaptées aux conditions du pays sera testé pour lancer une production Marocaine si les résultats sont probants.

Encouragement de la transformation locale : Afin de renforcer la chaîne de valeur, des initiatives sont prévues pour développer les infrastructures de transformation des oléagineux au Maroc. Cela permettra non seulement d’accroître la valeur ajoutée locale, mais aussi de réduire la dépendance aux importations d’huiles végétales et de tourteaux utilisés par les filières d’élevage pour alimentation des animaux.

Renforcement de la recherche et de l’innovation : Des investissements dans la recherche agronomique sont également envisagés pour développer des variétés d’oléagineux plus résistantes aux conditions climatiques locales, tout en optimisant leur rendement et leur qualité.

Sensibilisation et formation des agriculteurs : La campagne inclura des sessions de formation et de sensibilisation pour familiariser les agriculteurs aux meilleures pratiques de culture des oléagineux, aux techniques de gestion de l’eau et aux méthodes pour maximiser la qualité des récoltes.

Ces mesures visent à rendre la filière des oléagineux plus compétitive et résiliente face aux défis climatiques, tout en favorisant la production d’une partie du besoin du Maroc en huiles végétales.

Aujourd’hui, quelles sont les mesures structurantes menées pour aller vers une souveraineté nationale en termes de culture et de trituration des graines oléagineuses ?

Pour atteindre une souveraineté nationale en matière des huiles et ses tourteaux, plusieurs mesures structurantes sont actuellement mises en œuvre. Ces actions visent à renforcer la filière des oléagineux et à réduire la dépendance du Maroc aux importations d’huiles végétales et tourteaux. Les principales mesures sont les suivantes :

Augmentation des superficies cultivées : Pour renforcer la production locale, des incitations financières et des accompagnements techniques sont proposés aux agriculteurs pour élargir les surfaces dédiées aux cultures d’oléagineux, principalement le colza et le tournesol. Cela vise à accroître la production nationale pour mieux répondre à la demande intérieure.

Investissements dans la transformation locale : Des initiatives sont mises en place pour développer des infrastructures de trituration des graines oléagineuses au Maroc. En renforçant les capacités locales de transformation, le pays pourra mieux valoriser ses récoltes, créer de la valeur ajoutée sur place et réduire sa dépendance aux produits finis importés.

Soutien financier pour les intrants et semences : Des subventions spécifiques sont allouées pour les semences certifiées et les intrants, ce qui permet aux agriculteurs d’accéder à des ressources de qualité à des coûts plus compétitifs. Cela contribue à une production plus stable et à des rendements optimisés.

Promotion de la recherche agronomique : Des investissements dans la recherche et le développement seront effectués pour créer des variétés d’oléagineux adaptées aux conditions climatiques locales. Ces variétés résistantes permettront de maximiser les rendements malgré les défis posés par le changement climatique et le stress hydrique.

-Formation et accompagnement des agriculteurs : Des programmes de sensibilisation et de formation sont proposés pour accompagner les agriculteurs dans les meilleures pratiques de culture, d’irrigation, et de gestion des ressources. En améliorant les compétences des agriculteurs, le secteur devient plus productif et durable.

-Encouragement à l’innovation et aux nouvelles technologies : Le secteur bénéficie également de l’introduction de nouvelles technologies dans la production et la trituration, visant à optimiser chaque étape de la chaîne de valeur, de la culture à la transformation, et à soutenir une agriculture durable.

Ces mesures s’alignent sur les recommandations de la Fédération Interprofessionnelle des Oléagineux (FOLEA) et les objectifs de la stratégie « Génération Green 2020-2030 ».

A l’occasion de la visite d’État du président français au Maroc, vous avez signé le protocole pour la création d’un centre technique régional pour le développement de la production d’Oléagineux au Maroc. Quels sont les contours de ce projet et des retombées attendues pour la filière ?

Lors de la visite d’État du président français au Maroc, un protocole a été signé pour la création d’un centre technique régional dédié au développement de la production d’oléagineux au Maroc. Ce projet stratégique a pour objectif de contribuer à la relance de la filière oléagineuse et de renforcer la souveraineté alimentaire du Royaume.

Inspiré du modèle de Terres Inovia en France, le centre technique régional sera adapté aux spécificités du contexte marocain pour une région donnée. Il sera appuyé par un réseau de structures rurales de conseil agricole pour renforcer les capacités techniques des producteurs, tout en améliorant l’organisation de la filière et la compétitivité des cultures oléo-protéagineuses.

Principaux objectifs du projet :

– Création d’un centre technique régional dédié à la recherche et au développement de la filière.

– Formation de 30 structures de conseil pour accompagner les agriculteurs et améliorer les pratiques.

– Évaluation et sélection de variétés de semences adaptées aux conditions locales.

– Mise en place d’un observatoire et de parcelles de démonstration pour tester et diffuser les bonnes pratiques.

Retombées attendues :

Le projet devrait apporter des retombées économiques substantielles, notamment en augmentant les rendements, en réduisant l’utilisation d’intrants chimiques par les exploitations et en créant de nouveaux débouchés pour les producteurs. Il vise également à favoriser des pratiques agricoles durables, comme l’intégration de rotations de cultures, contribuant ainsi à une meilleure résilience face au changement climatique.

Partenaires et financement :

Le projet est soutenu par la Fédération interprofessionnelle des Oléagineux marocaine (FOLEA), en partenariat avec AVRIL et AGROPOL, qui apportent leur expertise en structuration de filières agricoles. Le financement inclut également un appui du Fonds d’Etudes et d’Aide au Secteur Privé (FASEP) du ministère de l’Économie et des finances français, dans le cadre d’un appel à projets dédié à l’agriculture et l’alimentation durables.

Ce projet s’inscrit également dans les objectifs fixés dans le contrat-programme de la filière oléagineuse, visant à atteindre 60 000 hectares de cultures d’oléagineux d’ici 2026. Il a pour ambition de transformer durablement la filière oléagineuse marocaine en renforçant les compétences locales, en adoptant des pratiques écologiquement responsables et en créant de nouvelles perspectives économiques pour les agriculteurs.