Le Haut-Commissariat au Plan a dévoilé l’impact de court terme des contextes de la pandémie COVID-19 et du choc inflationniste à l’œuvre sur la situation des inégalités sociales et le niveau de vie des ménages au Maroc. Détails.
Afin de mieux appréhender l’évolution de la situation des ménages, cette étude se réfère aux structures des dépenses des ménages de l’enquête nationale sur la consommation et les dépenses des ménages 2013/2014 et aux données issues de l’enquête mensuelle sur les prix à la consommation, de l’enquête nationale sur les sources de revenu 2019 et du troisième panel sur les répercussions de la pandémie sur la situation socioéconomique des ménages 2021/2022.
L’estimation de l’effet de la COVID-19 sur les inégalités sociales consiste à mesurer l’incidence des variations observées dans la consommation des ménages, entre 2019 et 2021, sur la distribution sociale du niveau de vie. Cette évolution a été fournie par l’enquête panel du 3ème passage.
Réalisée auprès d’un échantillon de 12 000 ménages, du 11 octobre 2021 au 10 février 2022, cette enquête consiste à appréhender les effets de la pandémie COVID-19 sur les conditions de vie de la population.
Sous les effets de la crise sanitaire, le niveau de vie des ménages a annuellement régressé de 2,2% entre 2019 et 2021
Entre Octobre 2019 et Décembre 2021, le niveau de vie moyen des ménages, mesuré par la dépense de consommation par tête en valeur nominale, a baissé de 20 400 DH à 20 040 DH au niveau national, de 24 620 DH à 24260 DH dans les villes et de 12 800 DH à 12 420 DH à la campagne.
En termes réels, le niveau de vie a annuellement baissé de 2,2% sur cette période, de 2% en milieu urbain et de 2,6% en milieu rural.
Sur cette période, le niveau de vie des 20% des ménages les moins aisés a connu une baisse de 7 000 DH à 6 860 DH, soit une baisse annuelle moyenne de 2,3% en termes réels. Celui des 20% des ménages les plus aisés a chuté de 2,5%, passant de 47 780 DH à 46 620 DH. Pour les 60% des ménages intermédiaires, le niveau de vie a baissé de 15 730 DH à 15 570 DH, soit une baisse annuelle moyenne de 1,9%.
Les ouvriers, les commerçants et les exploitants agricoles sont les plus touchés par les effets de la crise sanitaire
Selon la catégorie socioprofessionnelle des chefs de ménage, le niveau de vie moyen a annuellement baissé de :
- 3,6% pour les « Ouvriers non qualifiés », passant de 14 130 DH en 2019 à 13 440 DH en 2021 ;
- 3,6% pour les « Artisans et ouvriers qualifiés », passant de 17850 à 16 970 DH sur la même période ;
- 2,8% pour les « Commerçants et les intermédiaires commerciaux », passant de 19 920 DH à 19 270 DH ;
- 2,4% pour les « Exploitants et ouvriers agricoles », passant de 12 950 DH à 12 650 DH ;
- 1,8% pour les « Responsables hiérarchiques et cadres supérieurs.
Une recomposition de la structure de consommation : une diminution des dépenses alimentaires, en équipements ménagers et de loisirs et une reprise des dépenses de santé et de communication
Sous les effets de la crise sanitaire, les ménages ont fortement réduit les dépenses allouées aux « Equipements et meubles de maison », marquées par une baisse, aux prix constants, à raison de 19,1% par an.
Les dépenses attribuées aux activités de loisirs ont également enregistré une baisse annuelle à deux chiffres, soit 14,3%. Cette tendance à la baisse s’établit à 5,9% pour les dépenses d’habillement, à 2,4% pour les dépenses alimentaires, à 2% pour les dépenses de transport.
A contrario, les dépenses allouées aux « Soins médicaux » et aux « Biens et services de communication » ont enregistré une hausse annuelle respectivement de 10,9% et 4,6%.
Ce rebond est lié au surcoût de dépense des mesures de précaution pour lutter contre la propagation de la COVID-19 et à l’intensification des usages des technologies de communication depuis le début de la crise sanitaire.
Dépense annuelle moyenne par personne (DAMP) par groupe de produits et services (en DH courant)
Groupes de biens et services (poste de dépense) | Période Covid-19 (2021) | Période ante Covid-19 (2019) | Taux d’accroissement annuel (en termes réels, en %) | ||
DAMP (en DH) | Part dans la dépense totale (en %) | DAMP (en DH) | Part dans la dépense totale (en %) | ||
Alimentation | 7 289 | 36,4 | 7 464 | 36,6 | -2,4 |
Habillement | 762 | 3,8 | 847 | 4,2 | -5,9 |
Habitation | 4 233 | 21,1 | 4 237 | 20,8 | -1,4 |
Hygiène | 813 | 4,1 | 828 | 4,1 | -2,3 |
Soins médicaux | 1 341 | 6,7 | 1 029 | 5,0 | +10,9 |
Education | 669 | 3,3 | 648 | 3,2 | +0,1 |
Biens et services de communication | 569 | 2,8 | 498 | 2,4 | +4,6 |
Equipements et meubles de maison | 408 | 2,0 | 637 | 3,1 | -19,1 |
Transport | 1 372 | 6,8 | 1 391 | 6,8 | -2,0 |
Loisirs | 394 | 2,0 | 540 | 2,6 | -14,3 |
Autres dépenses | 2 188 | 10,9 | 2 278 | 11,2 | -3,2 |
Total | 20 038 | 100 | 20 397 | 100 | -2,2 |
Source : HCP, 3ème panel auprès des ménages 2022
Ce repli du niveau de vie s’est traduit par une accentuation des inégalités sociales, de la pauvreté et de la vulnérabilité
Les contrecoups majeurs de la pandémie COVID-19 sur le bien-être socioéconomique des ménages ont entrainé une accentuation des inégalités sociales :
La part des dépenses afférente aux 20% des ménages les plus aisés est passée de 46,1% au cours de la période d’avant pandémie à 47,7% en 2021, contre une baisse de 7% à 6,5% pour les 20% des ménages les moins aisés.
Les inégalités sociales, mesurées par l’indice de Gini, ont connu, sur cette période, une hausse de près de deux points de pourcentage, passant de 38,5% à 40,3% au niveau national, de 37,2% à 39,1% en milieu urbain et de 30,2% à 31,9% en milieu rural.
L’incidence de la pauvreté absolue a augmenté de 1,7% en 2019 à 3% en 2021 au niveau national, de 3,9% à 6,8% en milieu rural et de 0,5% à 1% en milieu urbain.
Parallèlement, la vulnérabilité économique a connu une importante hausse : le taux de vulnérabilité est passé de 7,3% en 2019 à 10% en 2021 au niveau national, de 11,9% à 17,4% en milieu rural et de 4,6% à 5,9% en milieu urbain.