Ecrit par Soubha Es-Siari |
Le Nouveau modèle de développement (NMD) est un processus qui permettrait au Maroc de s’inscrire dans une logique de croissance. Les défis de ce nouveau modèle sont ambitieux. D’où l’importance de concrétiser les politiques structurelles et structurantes. La politique de change devrait s’inscrire parfaitement dans cette logique.
Le nouveau modèle de développement se veut indispensable pour une économie comme la nôtre ayant atteint un stade de croissance qu’elle ne peut plus dépasser (en moyenne 2,5 à 3% par an). En rapportant les 90% de la dette au PIB et ramenés au budget prévisionnel, la marge de manœuvre est faible. Autrement dit, dans le futur, pour les 30% maximum que l’on peut tirer du PIB prévisionnel pour les affecter aux charges de fonctionnement, au remboursement de la dette, à l’investissement… les arbitrages ne peuvent être que difficiles.
La seule option dont dispose aujourd’hui le Maroc est celle d’augmenter le PIB pour faire face à ses engagements notamment sociaux. La voie d’un nouveau modèle de développement est donc inévitable pour une foultitude de raisons.
Après avoir rappelé la raison d’être du NMD, Omar Bakkou économiste et spécialiste en économie de change invité par le centre Links pour débattre du nouveau modèle de développement et la politique de change a rappelé que la CSMD a soulevé dans son dernier rapport plusieurs défaillances pour ne citer que la réglementation des affaires (complexe et compliquée) qui n’encourage pas la création et l’entrepreneuriat d’une manière générale.
La politique de change en tant que politique publique est concernée par le nouveau modèle de développement. « Sa déclinaison sur le terrain doit prendre en considération le NMD en tant que référentiel », insiste Bakkou.
Il rappelle dans la foulée que dans un marché de changes, l’Etat est face à une réflexion à savoir si ledit marché le concerne ou pas. Pour le cas du Maroc, depuis son indépendance il a considéré que le marché de changes devait être sous son contrôle et partant de là, a décidé de ne pas le laisser fonctionner librement.
Une décision idoine à l’époque, rappelle Bakkou, parce qu’en 1958 soit juste après l’indépendance, la balance commerciale était structurellement déficitaire plus qu’actuellement, le pays était fortement endetté et le Dirham, monnaie nouvellement créée, avait besoin d’être gagé par des devises étrangères. D’où la nécessité de détenir un stock de devises.
A l’époque aussi, l’épargne était rare et donc en cas de déficit du marché de changes (pénurie des devises), il n’y avait pas de quoi le financer. C’est pour dire que la décision que l’Etat régule le marché des changes est une question pertinente notamment pour son efficacité. Elle cadrait également avec le modèle économique où l’Etat était interventionniste (producteur des biens et services, poids prépondérant des entreprises publiques). En détenant les devises, les risques de contournement de la réglementation étaient donc faibles.
Au fil des ans et suite au passage à une économie de marché, le marché de changes a été par ailleurs libéralisé pour les opérations courantes et les opérations financières des non-résidents. Un ensemble de mesures (réforme du secteur productif, réforme de la politique budgétaire, taux de change…), a été ainsi entrepris pour réussir la libéralisation.
Mais selon Omar Bakkou, l’erreur qui a été commise est de procéder à la libéralisation avec des textes caduques. Et partant de là, le Maroc s’est mis dans un système dérogatoire. Ce qui est fort contraignant pour les opérateurs marocains. A ce titre, les exemples d’une impertinence économique en matière de change sont légion. C’est pour cela que la CSMD a relevé dans son diagnostic de la situation actuelle de l’économie marocaine, une réglementation de change désordonnée et des incohérences qui perturbent le bon déroulement des affaires.
Les recommandations de Omar Bakkou
A ce titre, pour remédier à cette libéralisation non cohérente, disproportionnée, le spécialiste en politique de changes recommande de lever les micros restrictions, libérer les importations, libérer les transferts courants, simplifier les régimes des investissements étrangers…
Et dans une seconde étape lever ces incohérences exogènes et libéraliser selon la méthode scientifique adoptée par les autres pays en vue d’aboutir à une réglementation simple.
La troisième étape concerne ce qui reste à libérer (biens immeubles à l’étranger, investissements…) et tout cela doit être consolidé dans une loi de convertibilité du Dirham. Une loi qui va à la fois simplifier la vie aux opérateurs, l’accès aux devises mais tout en protégeant le secteur productif national et partant de là, être en phase avec le NMD.
Le transfert des compétences de réglementation et de régulation de l’accès aux devises aux autres entités doit faire l’objet d’une re-réglementation voire une refonte. Il s’agit in fine de revoir la réglementation des dépenses en devises d’une manière intelligente en vue de les asseoir à un modèle de convertibilité adéquat.
La synthèse du cadre réglementaire régissant la conversion du dirham en devise fait ressortir que ce cadre est plus libéral au Maroc comparativement aux autres pays en matière des principales opérations courantes, notamment les importations de marchandises. Quant aux opérations pour lesquelles le Dirham ne peut pas être converti librement, il s’agit d’opérations limitées par des contraintes économiques pures , c’est-à-dire que même en cas de libéralisation de ces opérations, les flux seront très modestes.
Une chose est sûre : la politique de change doit tenir compte de nos réalités pour ne citer que notre dépendance de l’agriculture, des accords de libre-échange conclus de part et d’autre qui restent majoritairement déficitaires, de la couverture à hauteur de 50% des biens de consommation par les importations, de nos importations incompressibles, de la pauvreté de notre offre export… que de réalités dont il n’est plus question de faire fi pour réformer à bon escient comme stipulé dans le NMD.
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