Ecrit par S. Es-Siari |
Après cette crise inédite, la relance souhaitée consisterait non seulement à régénérer des emplois pour crier victoire et dire que la crise est loin derrière, se targuer d’un taux de chômage inférieur à 10%, mais de produire des emplois de qualité. C’est tout l’enjeu de la période post crise.
La crise sanitaire a mis en exergue les vulnérabilités du marché de travail ici comme ailleurs. D’aucuns diront que la situation est tout à fait normale suite aux fermetures ou à la baisse de voilure des entreprises occasionnées par les restrictions liées aux conditions sanitaires. Mais pour les plus érudits, il ne leur échappe pas que le marché de travail marocain souffre d’une foultitude de dysfonctionnements qu’il est temps de corriger. Les années se succèdent et les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Ils considèrent que la relance économique brandie par ci et par là dans les discours des membres de l’équipe au pouvoir serait un vœu pieux si la question de l’emploi n’est pas bien cernée et bien étudiées. Toutes les mesures mises en place seraient un coup d’épée dans l’eau si le marché du travail n’est pas bien diagnostiqué.
Après cette crise inédite, l’opportunité consisterait non seulement à régénérer des emplois pour crier victoire et dire que la crise est loin derrière, se targuer d’un taux de chômage inférieur à 10%, mais de produire des emplois de qualité. C’est tout l’enjeu de la période post crise.
Les stigmates de la crise sanitaire
« Les stigmates de la crise sur le marché du travail laissent apparaître que ce dernier a dû cumuler des nouvelles cohortes des jeunes demandeurs d’un premier emploi avec les stocks de chômeurs de longue durée, pour donner lieu à une précarité, formée par des pertes d’emplois et des réductions de revenus engendrés par les contraintes du confinement », annoncent les conjoncturistes.
Pis encore, la crise a accentué l’économie informelle et la multiplication d’emplois irréguliers vulnérables en dehors de toute législation du travail et de protection sociale. D’où l’impératif pour une économie comme la nôtre de remodeler la politique de l’emploi en faveur d’un emploi de qualité. Le cadre de qualité des emplois se détermine selon l’OCDE par trois dimensions complémentaires censées traduire le bien être des travailleurs et qui prend en considération à la fois le niveau des revenus et sa répartition au sein de la population active.
La sécurité sur le marché du travail configure la seconde dimension et traduit la prise en charge des risques de chômage avec, éventuellement, l’instauration d’une indemnisation pour perte d’emploi. Ce, en veillant à la résorption du sous-emploi et à l’éradication du chômage déguisé et aux salaires dérisoires. Enfin, la 3e dimension fait référence aux aspects non économiques pour révéler l’incidence des « tensions susceptibles de nuire à la santé et au bienêtre des travailleurs ».
C’est pour dire que le travail décent traduit l’accès à un emploi productif équitablement rémunéré, bénéficiant des exigences de sécurité sur le lieu du travail.
« Les insuffisances en emploi de qualité, dans un contexte d’insuffisance des investissements et de sous-consommation, participent à la détérioration du contrat social et partant inhibe tous les efforts démocratiques de répartition équitable des fruits d’une croissance qui se veut durable et inclusive », rappellent à juste titre les conjoncturistes.
Les exclus du marché du travail
Le marché du travail au Maroc est réputé pour ses NEET (Neither in Employment nor in education or training) qui ne cessent de grimper d’année en année, de son exclusion des jeunes et des femmes. Le chômage des jeunes diplômés est une bombe à retardement qui risque d’exploser à tout moment si rien n’est fait. Les femmes à leur tour sont sous-représentées non seulement dans les classes laborieuses mais également au niveau des cadres voire même dans les postes de responsabilité. Des lacunes et défaillants attestant du long chemin à parcourir en la matière.
C’est suite à ce constat poignant que le Nouveau modèle de développement inscrive l’insertion, tout aussi quantitative que quantitative, dans le marché de travail. Elle se veut un point nodal dans la configuration de l’essor socioéconomique du Maroc à l’horizon 2035. Il n’est pas sans dire qu’un niveau de vie convenable à l’ensemble de la population passe par une création de l’emploi de qualité pour tous et par la répartition équitable des fruits de la croissance. Des emplois de qualité constituent les prérequis à la consolidation d’un tissu productif compétitif et résilient aux affres de la crise économique.
« La réalisation de l’ambition dudit modèle repose fondamentalement sur le capital humain, en tant que déterminant du développement, de l’inclusion et de la réactivation de l’ascenseur social », s’accordent à dire les conjoncturistes.
Aussi, la promotion du travail décent et la protection sociale universelle, encadrées par des services publics opérants, une justice indépendante et des instances de régulation efficients sont-ils considérés comme les maillons forts de la toile d’adhésion et de confiance entre les citoyens et les différentes institutions.
Des mesures énergiques sont attendues pour intégrer l’informel par une logique incitative, progressive, adaptée à la nature des acteurs et mettant à contribution la responsabilité sociale des entreprises. L’enclenchement et l’entretien d’une croissance forte, riche en emplois de qualité et porteuse d’une demande interne forte est à ce prix.