Sans explications ni précisons, le ministre de la Santé a modifié plusieurs fois le protocole de prise en charge des malades Covid en fonction de l’évolution de la situation épidémiologique. Ce qui n’est pas compréhensible c’est l’abandon de décisions qui avaient portées leur fruit comme c’est le cas pour l’administration du traitement avant le résultat du test. Conscient des conséquences de cette décision le ministre se rétracte.
Depuis le début de la pandémie, le Maroc s’est démarqué par une gestion de la crise sanitaire qui lui a valu des éloges à l’échelle mondiale. Durant 4 mois, la situation était maîtrisable grâce aux mesures avant-gardistes que le pays a adoptées pour freiner la propagation du virus. Fermeture des frontières, confinement de la population ainsi que l’adoption d’un protocole de traitement basé sur la chloroquine ont permis au pays d’éviter le pire.
Mais c’était trop beau pour durer. La réalité de notre système de santé nous a vite rattrapés. Le ministère de la Santé avait pourtant pu gagner du temps (3 mois de confinement) et pu mobiliser une enveloppe financière (2 Mds de DH du fonds Covid) pour mieux se préparer à faire face à la situation actuelle. Vu comment la pandémie sévit à l’échelle mondiale, on ne devait pas crier victoire trop tôt.
Mais ce qui inquiète le plus aujourd’hui, c’est la gestion actuelle de la crise par le ministère de la Santé. Une gestion décriée par le corps médical qui ne cesse de tirer la sonnette d’alarme et d’alerter la tutelle sur les failles qui pourront entraîner le pays vers une tragédie humaine mais également économique plus grave encore.
En faisant une rétrospective du protocole de prise en charge des malades Covid, on s’aperçoit que le ministère a actualisé plusieurs fois le protocole de prise en charge. Malheureusement, ce que décide le ministre ne se reflète pas forcément sur le terrain.
On navigue à vue
En effet, après être resté droit dans ses bottes pendant plusieurs mois, malgré la polémique internationale autour de la chloroquine, en adoptant comme base du traitement la chloroquine, le ministre a changé au courant des dernières semaines le modus operandi sans pour autant informer les citoyens des raisons du changement. Pis encore, sur le terrain ces nouveaux protocoles ne sont pas appliqués systématiquement tels que dictés par la tutelle. Résultat des courses : une détérioration rapide de la situation épidémiologique qui a viré au rouge.
Plusieurs questions se posent quant au protocole de prise en charge des malades qui est en partie à l’origine des chiffres alarmants (décès et cas graves) enregistrés chaque jour. A-t-on abandonné la chloroquine ? Pourquoi le traitement n’est plus prescrits au cas suspects comme ça été décidé au début de la pandémie ? Pourquoi les cas traités confinés à la maison ne sont pas systématiquement suivis ?
Autant de questions auxquelles nous n’avons pas de réponses. Mais ce qui est sûr, c’est que la dégradation de la situation épidémiologique est due au retard de l’administration du traitement à temps. Car comme n’ont cessé de répéter les scientifiques, la chloroquine n’est efficace que les premiers jours de l’infection puisqu’elle permet de réduire la charge virale.
Or nous avons constaté ces dernières semaines qu’entre la consultation, l’analyse et le résultat du test, le malade peut attendre entre 4 à 6 jours voire plus. Le traitement n’est prescrit et donné que pour les cas testés positifs. L’administration en retard du traitement peut dans plusieurs cas s’avérer inutile.
Le ministre s’est-il rétracté ?
Il semble que face à la détérioration de la situation épidémiologique le ministère a pris conscience des conséquences causées par le retard de l’administration du traitement. En effet, dans une circulaire sur la prise en charge des cas d’infection au SARS-Cov-2 datant du 2 septembre adressée aux directeurs régionaux de la Santé, le ministre de la Santé a réadapté le démarrage du traitement le plus rapidement possible soit avant la confirmation virologique pour les cas probables et avant réception du résultat de la PCR pour les contacts.
Dans la circulaire, le ministre reconnaît l’abandon de la décision qu’il avait prise au tout début de la pandémie.
« Attendre le résultat du RT-PCR pour démarrer le traitement ne fait que augmenter le risque de complications, augmenter la probabilité de décès et prolonger la durée de propagation du virus », lit-on dans la circulaire.
Cette mise à jour du protocole, comme précisé par le ministre, vise à réduire le délai de prise en charge en démarrant le traitement le plus vite possible et améliorer la prise en charge des cas.
Cette décision laisse tout de même en suspens la question : pourquoi alors avoir abandonné un protocole qui avait pourtant bien marché au début ?